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  • : Ce blog a pour ambition de décrire nos balades à travers la Planète, nos vacances snorkeling, mais aussi et surtout, la vie en Guyane (petites histoires, monuments, faune et flore) ...
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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 06:49

La Maison hospitalière des sœurs de St Paul de Chartres, située place des Palmistes, était le premier hôpital privé au début du XXe siècle en Guyane. Datant de l'année 1904, elle ne recevait que des malades payants. Le docteur Arthur Henry (1873 - 1963) qui avait aidé les sœurs à créer cet établissement y exercera comme médecin. Il y avait aussi à l'époque à Cayenne deux autres établissements hospitaliers dans lesquels les sœurs de St Paul officiaient :

- L'hôpital colonial, qui deviendra plus tard l'hôpital Jean Martial en juin 1946, recevait les fonctionnaires, les militaires, les bagnards et les particuliers, mais à leur frais pour ces derniers.

- Quant à l'hôpital-hospice civil du camp St Denis, il accueillait les fonctionnaires municipaux, les indigents, les impotents et les aliénés.

Les sœurs de St Paul de Chartres avaient alors en Guyane la mission principale de soigner les malades. On les retrouvait dans tous les hôpitaux de la Guyane, et notamment dans les hôpitaux du bagne comme celui des Îles du Salut. Une plaque commémorative est d'ailleurs apposée depuis le 3 novembre 1993 dans la chapelle de l'Île Royale (Cf photo à gauche) en souvenir de leur présence aux Îles du Salut entre 1852 et 1904. Elles soignaient alors les bagnards mais aussi les personnels de l'administration pénitentiaire et leur famille.

La congrégation des sœurs de St Paul de Chartres fut fondée en 1696 par l'abbé Louis Chauvet, curé d'un petit village de Beauce nommé Levesville-la-Chenard, situé à trente cinq kilomètres de Chartres. Marie-Anne de Tilly, co-fondatrice de la communauté, prépara ses jeunes compagnes pour leur mission : éduquer les filles des laboureurs, visiter les pauvres et les malades, servir les hospices en petites communautés de deux ou trois sœurs.

Aujourd'hui, si la congrégation a des représentantes un peu partout sur la planète (Europe, Afrique, Asie, Amérique du nord et du sud, Antilles-Guyane ...), la Guyane fut leur première implantation hors de France.

Maison hospitalière des Soeurs de Saint Paul de Chartres au début du XXe siècle à Cayenne

En 1727, le Comte de Maurepas, Secrétaire d'Etat à la marine, demanda à l’évêque de Chartres, après avoir essuyé quelques échecs auprès d'autres congrégations, des religieuses pour prendre soin des malades à l’hôpital de Cayenne en Guyane et instruire les enfants des officiers de cette ville.

Quatre sœurs furent alors choisies parmi le grand nombre de celles qui s’offrirent. Elles arrivèrent à Cayenne le 12 septembre 1727 à bord de la Flûte Dromadaire (Bateau de trois mâts aux voiles carrées de 350 tonneaux construit en Angleterre en 1718), soit six mois après leur départ de Rochefort le 23 avril.

Elles s'appelaient Sœur Marie Méry, supérieure, Sœur Françoise Taranne, toutes les deux natives de Nogent-le-Rotrou, Sœur Madeleine Bilharan, et Sœur Marie Malaivre de Mantes. Les sœurs de Saint Paul de Chartres étaient à l'époque appelées les soeurs grises car elles portaient des habits gris.

Cette demande du Comte de Maurepas faisait suite à la lettre du gouverneur de la Guyane, le Capitaine de frégate Claude d'Orvilliers, fils de l'ancien gouverneur, qui avait sollicité le Secrétaire d'Etat à la marine afin qu'il lui envoie des religieuses pour aider les jésuites à l'hôpital royal qu'il avait fait construire à Cayenne dans les années 1716-1717. Celui-ci se trouvait alors au pied du fort Cépérou, à l'emplacement du bâtiment de l'ancienne douane, aujourd'hui restauré et occupé par la Direction des Affaires Culturelles (DAC) de Guyane.

Depuis 1727, les sœurs de St Paul de Chartres ne quittèrent plus la Guyane même si, au fil des ans, il y eut de nouvelles arrivées, des départs et bien évidemment de nombreux décès. A la révolution de 1789, les sœurs soignèrent aussi les déportés politiques exilés en Guyane. Au moment de l'invasion portugaise en 1809, il ne restait plus qu'une seule sœur de St Paul à Cayenne. Elles ne revinrent en Guyane qu'après le départ des Portugais en 1817.

Les sœurs de Saint Paul de Chartres s'acquittèrent avec zèle de leurs tâches en Guyane s'occupant à la fois de l'hôpital de Cayenne et de l'instruction des enfants. Ce n'est qu'à partir de l'arrivée en Guyane des sœurs de Saint Joseph de Cluny en 1822, que les sœurs de St Paul ne se consacrèrent plus qu'à soigner les malades. L'instruction fut en effet confiée aux soeurs de St Joseph.

A la création de l'hospice civil au camp St Denis à Cayenne en 1836, ce nouvel établissement de soins ne sera confié aux sœurs de St Paul de Chartres qu'en 1838. C'étaient les sœurs de St Joseph de Cluny qui en avaient jusqu'alors la responsabilité.

Maison hospitalière des Soeurs de Saint Paul de Chartres au début du XXe siècle à Cayenne

La Maison hospitalière des sœurs de St Paul de Chartres deviendra bien plus tard une maison de retraite, toujours gérée par les sœurs de St Paul. Cet ancien bâtiment, qui avait déjà subi plusieurs rénovations au cours des années, sera entièrement réhabilité pour un coût total de 3,7 millions d'euros et inauguré le 30 novembre 2007, avec toujours la même fonction de maison de retraite, mais avec un nom d'aujourd'hui : Etablissement d'Hébergement des Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) Saint Paul (Voir la photo ci-dessous).

Cet établissement est géré depuis 1974 par l'Association Guyanaise d'Aides aux Personnes Agées (AGAP) dans le cadre d'un partenariat avec les sœurs de St Paul de Chartres et d'une convention signée en 1976 avec le Département lui confiant la mission d'assurer l'hébergement des personnes âgées valides ou dépendantes en leur dispensant des soins.

Presque trois cents ans après leur installation en Guyane, les sœurs de St Paul de Chartres sont toujours présentes et disposent de plusieurs communautés : communauté des Palmistes (EHPAD St Paul) et communauté Clinique Saint-Paul (hôpital privé) à Cayenne ; communauté de Saint-Georges-de-l’Oyapock (Home indien), communauté de Cacao (Ecole et collège) à Roura. Présentes depuis plus de quarante ans à Maripasoula où elles s'occupaient des collégiens venant des villages isolés, les sœurs ont quitté cette commune fin juillet 2012 suite à la vente du Home qui, propriété du diocèse, a été vendu à la mairie.

Nombreuses sont les sœurs de St Paul de Chartres qui ont marqué la population guyanaise et leur passage sur cette terre française d'Amérique. Certaines ont été officiellement félicité par le ministre de la marine et des colonies pour leur abnégation et leur courage lors des épidémies de fièvre jaune, notamment celle de 1889. Pour n'en citer qu'une, bien que d'autres mériteraient aussi d'être nommées, on peut parler de Mme Jullie Charleux (1835-1900), Soeur Anselme en religion. Arrivée en Guyane en 1858, elle ne devait plus quitter ce pays et fut nommée Supérieure de l'hôpital militaire de Cayenne en 1889. Elle reçut la Croix de Chevalier de la légion d'honneur le 27 juillet 1896 (Décret du ministre des colonies).

L'EHPAD Saint Paul est situé sur l'emplacement de la Maison Hospitalière des soeurs de St Paul de Chartres du début du XXe siècle.

L'EHPAD Saint Paul est situé sur l'emplacement de la Maison Hospitalière des soeurs de St Paul de Chartres du début du XXe siècle.

Sources :

Site Internet de l'ancien Conseil général de Guyane (article du 20/12/2007 : Inauguration de l'EHPAD Saint Paul).

http://diocese.cayenne.free.fr/egliseguya.php/

Les hospitalières françaises en Amérique aux XVIIe et XVIIIe siècles par Marie-Claude Dinet-Lecomte.

La Guyane Française en 1865 : aperçu géographique, historique, législatif, agricole, industriel et commercial, par Léon Rivière, directeur de la Banque de la Guyane française (Imprimerie du Gouvernement Cauenne,1866).

Journal officiel de la Guyane Française (12/1900).

http://www.redris973.fr/HTML/Henry.htm

 

 

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16 février 2020 7 16 /02 /février /2020 12:46

Sur la place des Palmistes à Cayenne, se dresse en son milieu une colonne célébrant le centenaire de la Révolution française de 1789. Appelée Colonne de la République, elle porte à son sommet un buste de Marianne, symbole qui représente la République Française et ses valeurs contenues dans la devise " Liberté, Égalité, Fraternité ". Marianne, qui porte un bonnet phrygien, est la contraction de Marie-Anne, prénom féminin très répandue et populaire au XVIII° siècle ...

Les cayennais décidèrent de commander un monument commémoratif du centenaire de la grande révolution. Ce monument porte plusieurs inscriptions latines comme "Nepotes Gloriae Avorum 1889" (Les descendants à la gloire de leurs ancêtres), "Coeperunt cives libertatem 1789" (Les citoyens ont conquis leur liberté), ainsi que d'autres mots latins sur les quatre côtés du support de la colonne tels que : Pax, Lux, Jus, Lux (Paix, Loi, Justice, Lumière). Une gueule de lion, grande ouverte, représente la force du peuple.

Le monument ne fut inauguré que le 14 juillet 1890, soit un an après l'anniversaire du centenaire de la Révolution du 14 juillet 1789, jour de la fête nationale, qui commémore la prise de la Bastille et la fin de la monarchie absolue.

Mais la petite histoire en Guyane nous apprend que le fondeur Maurice Denonvilliers, débordé par les commandes pour la commémoration du centenaire de la révolution, n'avait plus de bustes de Marianne disponibles, tout son stock étant épuisé. Aussi, décida-t-il d'utiliser un buste de Charlotte Corday qui, après quelques petites retouches comme l'ajout d'un bonnet phrygien, faisait une "Marianne" très honorable.

Les guyanais ayant appris ce subterfuge, et loin de s'en offusquer, trouvèrent l'affaire cocasse et baptisèrent du nom de "Charlotte" le buste de la République, place des Palmistes. Certains lui rajoutèrent même le titre de reine d'où l'appellation encore répétée aujourd'hui de "Buste de la reine Charlotte" pour nommer la colonne commémorative du centenaire de la Révolution française.

Pour mémoire, Marie-Anne Charlotte Corday d'Armont assassina à Paris le 13 juillet 1793 dans sa baignoire le député à la Convention Jean-Paul Marat. Après un jugement expéditif, elle fut guillotinée le 17 juillet 1793 à l'âge de 25 ans.

L'autre histoire de la Colonne de la République à Cayenne ...

Autres photos de la Colonne de la République :

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Sans vouloir remettre en doute la belle histoire guyanaise du buste de la reine Charlotte, dont la source semble être de tradition orale, mais le proverbe nous apprend que "Lafimé pa ka maché san difé" (Il n'y a pas de fumée sans feu) ...

L'autre histoire, à défaut de se substituer à la première, pourrait sans problème la compléter. Elle trouve son origine dans les noms gravés à la base du monument soutenant la colonne, comme vous pouvez le constater sur la mini photo à gauche de ce texte (vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus). Ces noms représentent les acteurs qui ont participé à la création - élaboration de ce monument commémoratif de 1789 :

Maurice Denonvilliers (1848-1907), à qui l'on attribue la "transformation" du buste de Charlotte Corday en buste de Marianne, était le directeur de la fonderie installée à Sermaize-sur-Saulx (51), commune devenue à la fin du XIX° siècle Sermaize-les-Bains.

Charles Gauthier (1831-1891) était un sculpteur ayant réalisé de nombreuses œuvres monumentales. Récompensé à de multiples reprises, il fut nommé chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur en juillet 1872.

Jacques France, pseudonyme de Paul Lecreux (1826-1894), est un sculpteur franc-maçon qui a notamment réalisé une Marianne parée d'attributs maçonniques début 1881. Membre de la loge L’Étoile Polaire à Paris, Paul LECREUX s’était fait connaître par des oeuvres patriotiques.

Edmond Guillaume (1826-1894) était un architecte des monuments et des palais nationaux. Il reçut lui-aussi de nombreuses récompenses durant sa carrière et fut également nommé chevalier de la Légion d'honneur en décembre 1866.

L'Union Statuaire, entreprise de fonderie qui était située à Asnières et dirigée par Paul Lecreux, également connu comme sculpteur sous le pseudonyme de Jacques France (voir plus haut).

L'autre histoire de la Colonne de la République à Cayenne ...

La photo ci-dessus représente le buste de Marianne paru en première page du "Le Petit Journal - supplément illustré - daté du samedi 21 février 1891" avec en sous-titre : Le nouveau buste officiel de la République (projet de MM Jacques France et Charles Gauthier). L'article à l'intérieur du journal précise que ce buste peut être réellement considéré comme le nouveau buste officiel de la République, bien qu'aucune décision ministérielle ne soit intervenue.

On apprend aussi dans cet article de février 1891 que le gouvernement a préféré s'en rapporter au jugement des députés de la nation et voici le vœu que ceux-ci ont émis :" Attendu que depuis bientôt vingt ans que la République est proclamée, il n'existe d'autre buste officiel de la République que celui du gouvernement du 16 mai, les députés soussignés émettent le vœu de voir confirmer le suffrage de la majorité des républicains de France et des colonies, qui ont adopté, comme la figure personnifiant le mieux la République, le buste de Jacques France et Charles Gauthier." (suit la signature de 166 députés).

L'article poursuit: "La belle œuvre de MM Jacques France et Charles Gauthier avait précédemment reçu une importante consécration. L'original en fut inauguré au banquet des maires le 14 juillet 1888 ..." et notamment par le président de la République en personne. Bien que de nombreux autres projets furent présentés à la Chambre des députés, une commission se constitua en dehors du Parlement et adopta le 6 mars suivant, le projet présenté par le sculpteur Jacques France.

Un autre extrait de l'article du petit Journal précise: "Ce projet n'étant qu'une maquette, Jacques France s'adjoignit pour l'exécution son confrère Charles Gauthier, puis les deux collaborateurs firent appel aux connaissances techniques d'Edmond Guillaume, l'érudit architecte du Louvre, et de cette triple collaboration sortait le monument complet ...".

Et c'est ainsi que le nouveau buste de Marianne se retrouva en 1889 au sommet de la colonne de la République sur la Place des Palmistes à Cayenne ... S'agissant d'une nouvelle Marianne que nul ne connaissait, ne fut-elle pas confondue avec le buste de Charlotte Corday ? Peu importe après tout, les deux histoires, à défaut de se substituer, peuvent se compléter !

D'autres monuments, très nombreux, réalisés par ces mêmes artistes, y compris fondus par Maurice Denonvilliers, s'élevèrent, avec une ressemblance troublante avec notre Reine Chalotte, en de très nombreux autres lieux de la métropole et des colonies, afin de commémorer le centenaire de la grande révolution comme on peut en voir quelques unes ci-dessous ...

Source : Base Palissy du ministère de la cultureSource : Base Palissy du ministère de la cultureSource : Base Palissy du ministère de la culture

Source : Base Palissy du ministère de la culture

Sources :

Conseil Général de la Guyane - Lieux patrimoniaux guyanais - La place des Palmistes.

Le Petit Journal - supplément illustré - 21 février 1891 (Gallica).

Ministère de la culture - Base Palissy

http://www.linternaute.com/actualite/magazine/musee-franc-maconnerie/marianne-jacques-france.shtml

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18 décembre 2019 3 18 /12 /décembre /2019 13:15

L'hebdomadaire Le Monde Illustré, qui a paru de 1857 à 1938, a publié le 6 octobre 1888 plusieurs dessins de la Guyane, et plus particulièrement de Cayenne. Ceux-ci sont des fac-similés (reproductions exactes) de quelques vues de Cayenne extraites d'un album exposé à l'époque à la société géographique de Paris.

Le dessinateur, Lucien Fournereau (1846-1906), architecte et inspecteur de l'enseignement du dessin et des musées, est connu pour ses missions en Guyane (1878, 1882 et 1884) et au Cambodge sur le site d'Angkor ainsi qu'au Siam (ancien nom de la Thaïlande). Il fut même, un temps, nommé chef des travaux pénitentiaires en Guyane pour le ministère de la Marine et des colonies.

Outre ses dessins et photographies, il a ramené de ses différentes missions scientifiques et archéologiques exécutées pour le compte du ministère de l'Instruction Publique et des Beaux-arts, un grand nombre d'objets destinés à différents musées français.

Vous trouverez ci-dessous quelques vues (dessins d'après nature) réalisées en 1884. On peut dire que L. Fournereau avait un bon coup de crayon ...

Caserne d'infanterie de marine à Cayenne face à la mer au pied du Fort Cépérou

Caserne d'infanterie de marine à Cayenne face à la mer au pied du Fort Cépérou

Cayenne vue du Fort Cépérou

Cayenne vue du Fort Cépérou

Le pénitencier de Cayenne vu du bord de mer (actuelle Pointe Buzaré)

Le pénitencier de Cayenne vu du bord de mer (actuelle Pointe Buzaré)

Place des Palmistes à Cayenne

Place des Palmistes à Cayenne

Rue Lalouette à Cayenne

Rue Lalouette à Cayenne

Actuelle rue du Général De Gaulle à Cayenne

Actuelle rue du Général De Gaulle à Cayenne

Vue prise du mouillage des navires (Îles du Salut)

Vue prise du mouillage des navires (Îles du Salut)

Sources :

Le Monde Illustré du 6 octobre 1888

Base de données Léonore

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2 juillet 2018 1 02 /07 /juillet /2018 15:41

Excepté pour quelques uns qui s'intéressent à l'histoire de la Guyane, le nom de Paul Merwart ne doit rien évoquer pour la grande majorité de la population. Ce n'est a priori pas si étonnant car ce peintre de la marine et des colonies n'a pas non plus séjourné très longtemps en Guyane, et il y a longtemps de cela ! En effet, il n'est resté que neuf mois car arrivé le 29 juin 1901 à Cayenne, il a quitté la Guyane à destination de la Martinique le 3 avril 1902. Pourtant, et comme vous allez le voir, il a laissé quelques belles réalisations, encore aujourd'hui visibles, de son passage dans ce pays qui était alors une colonie française en Amérique du Sud.

Né le 25 mars 1855 en Russie à Marianowka, d'un père français résidant en Pologne mais à l'époque partie de l'empire russe, et d'une mère polonaise. Il passe sa jeunesse en Pologne puis fait ses études aux Beaux-arts de Vienne, de Munich et de Dusseldorf. Il s'inscrit à l'école des beaux-arts à Paris entre 1877 et 1884. Élève préféré du portraitiste réputé Henri Lehmann, il réalise de nombreuses toiles, et des tableaux remarqués qui seront achetés par l'Etat ou par des musées locaux.

Artiste-peintre, décorateur, illustrateur, il s'essaie à la peinture d'histoire, de genre, au portrait, au paysage, à la décoration. Il s'applique à acquérir la maîtrise complète de toutes les branches de son art : peinture à l'huile, aquarelle, pastel. Puis, il effectue de nombreux voyages pour visiter les musées d'Allemagne, de Hollande, d'Italie, et fait plusieurs séjours en Russie sur le Mont Oural et la mer Caspienne.

Comme dessinateur, son œuvre est très importante. Il réalise de nombreux dessins pour des journaux comme L'Illustration ou L'Univers illustré. Il participe notamment à illustrer l'Édition nationale de l'Œuvre de Victor Hugo. Par décision du ministre du 6 juin 1895, il devient officiellement peintre des colonies. Il sera nommé peintre de la marine en 1900. Il voyage dans de nombreux pays (Asie, Îles Canaries, Sénégal, Tunisie, Congo, Soudan ...). Il sera d'ailleurs nommé vice-président de la société coloniale des beaux-arts.

Affecté par le décès de son épouse en mars 1901, il sollicite auprès du ministère des colonies une mission en Guyane et aux Antilles, colonies encore inexplorées des peintres. Son frère cadet, Émile Merwart, secrétaire général des colonies, est alors gouverneur par intérim de la Guyane française.

Malheureusement, après son séjour guyanais, Paul Merwart trouvera la mort à Saint-Pierre en Martinique lors de l'explosion de la montagne Pelée le 8 mai 1902 à l'âge de 47 ans.

En hommage à Paul Merwart, une stèle avec son portrait en médaillon, sera apposée à l'entrée de la caverne d'Augas en forêt de Fontainebleau. Érigé par souscription publique, ce monument, oeuvre du sculpteur Ernest Dubois, sera inauguré le 15 juin 1906 en présence de sa famille : sa mère Mme Pauline Merwart, son frère, Mr. Émile Merwart, gouverneur du Congo français, et son autre frère Mr Léon Merwart, expert comptable.

En hommage à Paul Merwart, une stèle avec son portrait en médaillon, sera apposée à l'entrée de la caverne d'Augas en forêt de Fontainebleau. Érigé par souscription publique, ce monument, oeuvre du sculpteur Ernest Dubois, sera inauguré le 15 juin 1906 en présence de sa famille : sa mère Mme Pauline Merwart, son frère, Mr. Émile Merwart, gouverneur du Congo français, et son autre frère Mr Léon Merwart, expert comptable.

Paul Merwart visitera durant son séjour les sites les plus pittoresques de la Guyane française mais aussi de la Guyane hollandaise (actuel Surinam) prenant partout des croquis et des esquisses. Il remontera le fleuve Oyapock, frontière naturelle avec le Brésil, jusqu'au saut Café soka. Puis il fera une petite exploration du fleuve Maroni, frontière avec la Guyane hollandaise, jusqu'au saut Hermina.

En août 1901, il s'embarquera avec M. Levat sur le fleuve Sinnamary. David Levat était un explorateur, ingénieur civil, qui étudiera en Guyane un tracé de chemin de fer devant desservir les placers depuis Cayenne. Ils remonteront ce fleuve jusqu'au confluent avec la rivière Courcibo et jusqu'à la crique Tigre. A Courcibo, une drague à or, système Levat, était installé et semblait donner d'excellents résultats avec un personnel restreint. Cet ancien élève de l'école polytechnique et de l'école des mines concevra en effet en Guyane plusieurs dragues aurifères telles que les dragues Danica et Flora.

P. Merwart séjournera aussi chez les amérindiens Palicours et dans les villages des noirs marrons Saramacas au cours duquel il peindra de nombreuses toiles. Exténué par son exploration de la Guyane, il clôturera sa mission artistique par une exposition au musée local (actuel musée Alexandre Franconie) de Cayenne du 23 au 30 mars 1902 où près de 80 toiles seront présentées. Cette exposition qui attirera plus de 2000 visiteurs, avait été ouverte le dimanche 23 mars à 9 h du matin par le gouverneur Joseph François, accompagné de son épouse, et par le secrétaire général des colonies, Émile Merwart.

A cette occasion, le gouverneur félicitera l'artiste-peintre pour le travail considérable accomplie durant sa présence en Guyane. Il constatera aussi que pendant son séjour dans la colonie, il avait conquis la sympathie de tous, et que les habitants conserveraient un souvenir ému de l'homme et de l'artiste.

Oeuvre de Paul Merwart, cette peinture à l'huile représente l'inauguration du monument le 31 août 1901, érigé au cimetière de Cayenne, en hommage aux victimes de Mapa.

Oeuvre de Paul Merwart, cette peinture à l'huile représente l'inauguration du monument le 31 août 1901, érigé au cimetière de Cayenne, en hommage aux victimes de Mapa.

La toile ci-dessus représentant l'inauguration du Monument de Mapa au cimetière de Cayenne est encore aujourd'hui exposée au musée Franconie de Cayenne. Si vous voulez connaître l'histoire de ce monument, il faut cliquer "ICI" pour accéder à l'article qui lui est dédié sur ce blog. Outre ce tableau, Paul Merwart réalisera également une esquisse représentant la Reprise du fort Cépérou par le vice-amiral d'Estrées. Celle-ci sera finalisée sous forme de peinture à l'huile par le peintre Charles Morel en 1903.

 

Paul Merwart avait pris la précaution d'envoyer en France bon nombre de ses peintures et aquarelles de Guyane avant de s'embarquer pour la Martinique. Son travail réalisé localement n'a donc pas totalement disparu avec lui lors de l'explosion de la Montagne Pelée. On retrouve certaines de ses toiles dispersées dans plusieurs musées en métropole. Pour l'anecdote, et à l'initiative de son frère Émile, quelques restes de la dépouille physique de Paul Merwart, ainsi que quelques objets lui ayant appartenu, avaient été retrouvés le 29 octobre 1903 dans les ruines de son atelier à l'hôtel de l'Intendance à Saint-Pierre. Ces menus ossements furent envoyés à sa famille sur décision du gouverneur de la Martinique du 8 mai 1906 et placés derrière la plaque en marbre de la stèle érigée en forêt de Fontainebleau.

Sur la demande de son frère, le gouverneur par intérim Émile Merwart, qui s'étonnait que Cayenne n'ait pas d'armoiries ni de devise comme la plupart des villes de France, le peintre de la marine et des colonies s'attela donc à dessiner le blason de Cayenne qu'il présentera le 25 septembre 1901 lors de la première réunion du comité de patronage du Musée local. Les armoiries de Cayenne avaient été peintes sur un tableau en wacapou, bois du pays, avec la devise écrite en latin "Fert aurum industria". Cette devise, proposée par Émile Merwart, qui se traduit littéralement par "Le labeur produit l'or", signifie "Le travail procure la richesse" (Cf. Blason de Cayenne en haut à gauche de ce paragraphe). Ces armoiries de Cayenne ont été dessinées par P. Merwart mais avec les précieux conseils d'Hippolyte de Saint-Quentin.

Enfin, Paul Merwart préparait l'illustration, malheureusement inachevée, de toute une série de timbres-poste pour les colonies françaises et notamment pour le Moyen Congo, le Congo français, l'Oubangui-Chari ... et la Guyane Française. L'illustration de ces timbres-poste de Guyane, sur lesquels le nom de Paul Merwart apparaît discrètement, représente trois scènes : le fourmilier, le laveur d'or (Orpailleur) et la place des palmistes. Edités bien après la mort du célèbre illustrateur, ces timbres furent commercialisés pour la première fois en 1904, puis entre 1922 et 1928 à des montants différents, et sous plusieurs colories, comme on peut le voir sur les trois exemplaires ci-dessous.

Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).

Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).

Sources :

Journal officiel de la Guyane française (28 septembre 1901 / 8 février 1902 / 19 avril 1902).

Le Petit Parisien du 16 juin 1906.

Revue moderne des arts et de la vie (Octobre 1902 / Août 1906).

Gil Blas du 31 mai 1902 (La Mission Merwart).

Revue universelle 1902 (L'année philatélique).

Copie des timbres-poste de Guyane sur le site des enchères publiques (www.catawiki.fr).

http://portraitsofpainters.blogspot.com/ (Autoportrait de P.Merwart).

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18 avril 2018 3 18 /04 /avril /2018 18:41

Au n° 4 de la rue du vieux port à Cayenne, on trouve un magnifique bâtiment qui abrite aujourd'hui la direction des affaires culturelles (DAC) de la Guyane. Réhabilité à partir de 2009 jusqu'en 2014 (voir la photo sous ce paragraphe), cet édifice a été utilisé par le service des douanes durant 134 ans. Ce n'est en effet qu'en 1975 que les douanes ont déménagé après le transfert officiel du port à Degrad-des-cannes, nouveau port de commerce principal de la Guyane, situé au bord du fleuve Mahury sur la commune de Remire-Montjoly.

L'immeuble de l'ancienne douane de Cayenne dans le quartier du vieux port, est classé monument historique par arrêté du 12 juin 1992. Laissé à l'abandon (voir photo ci-dessus à gauche) durant de longues années, le bâtiment s'était gravement détérioré avant qu'il ne retrouve une seconde vie. La restauration complète de ce bâtiment n'a pas été simple car elle a nécessité l'intervention de nombreux corps de métiers tout en respectant les lourdes contraintes liées à son classement. Le suivi et le contrôle de sa mise en œuvre ont été supervisés par le service des architectes des monuments historiques.

La DAC, appelée antérieurement direction régionale des affaires culturelles, était auparavant installée dans l'immeuble Delabergerie, lui-aussi inscrit monument historique par arrêté du 26 novembre 1992, situé au numéro 95 de l'avenue du Général de Gaulle à Cayenne.

 

                  Direction des affaires culturelles de Guyane, 4 rue du vieux Port à Cayenne                                                                 (ancien bâtiment de la douane)

Du début du XVIIIe jusqu'au premier quart du XIXe siècle, la rue du Port de Cayenne, au pied du Fort Saint-Michel, aujourd'hui appelé Fort Cépérou, se trouvait l'hôpital royal. Celui-ci fut transféré, au début du XIXe, au nord de la place des savanes, devenue la place des Palmistes. Cet hôpital changea de dénomination au cours du temps puisqu'il fut "royal", puis "colonial" et "militaire" avant de devenir l'hôpital Jean Martial en 1946

Un imposant magasin général sera construit à l'emplacement de l'ancien hôpital. Un plan de Cayenne de 1821 indique déjà la présence de ce magasin. On peut supposer que le magasin général a été construit peu après le transfert de l'hôpital. Quant au bâtiment de la douane dans le quartier du vieux port, il fut construit à la fin des années 1840 dans le prolongement du magasin général.

Sur l'extrait du plan de Cayenne ci-dessous, daté du 1er août 1841 et réalisé par le Capitaine du génie Alfred de Saint-Quantin, directeur des Ponts et Chaussées, on peut voir le hangar de la douane qui jouxte le magasin général ainsi qu'une petite construction pour le bureau de la douane. Le service du Trésor se trouvait derrière ce bureau, légèrement décalé sur la droite et plus en hauteur (voir la carte postale ancienne à la fin de cet article).

C'est par un arrêté du 3 mars 1841 que le gouverneur de Guyane, GOURBEYRE (Jean-Baptiste - Marie - Augustin), réglait le mode d'admission des marchandises dans les magasins de la douane. Cet arrêté indique : "Considérant que dans le double but de favoriser le commerce et d'assurer l'exécution des lois et règlements en matière de Douanes, il a été construit par les soins de l'Administration et aux frais de la caisse coloniale, un hangar et des magasins propres à loger des denrées et marchandises ; considérant qu'il n'a pas encore été statué sur les règles d'après lesquelles les denrées et marchandises du commerce seront admises dans ces magasins et qu'il convient de ne pas laisser plus longtemps cette partie du service en souffrance" (sic).

 

                          Extrait du plan de Cayenne, quartier du port, en août 1841.

Au début du XXe siècle, d'anciennes cartes postales nous montrent la direction de la douane au n° 2 de la rue des remparts dans une grande maison de style créole. Un petit article sur ce blog est dédié à cette ancienne direction de la douane.

Quant au bâtiment de la douane qui a été réhabilité dans le quartier du vieux port, il était construit en pan de bois avec un remplissage de briques au rez-de-chaussée et des planches montées à clin à l'étage. Il était entouré de deux annexes. Le toit était en tuiles à emboîtement à la fin du XIXe et en tôles ondulées à partir de 1929.  

Cartes postales anciennes de l'ancienne douane, rue du vieux port :

 

 Le bâtiment à deux étages qui est contigu à la douane semble avoir été utilisé comme bureaux. Aujourd'hui disparu, il était à l'emplacement exact de l'ancien magasin général. 

   Au premier plan à gauche, on peut voir une petite partie du hangar et le bureau de la douane.         Au centre de la carte postale et en hauteur par rapport à la douane, le bâtiment du Trésor.

 

Sources :

Bulletins officiels de la Guyane française.

Base Mérimée du Ministère de la culture (photographie du vieux bâtiment de la douane : Marc Heller).

Base Ulysse (IREL).

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15 février 2018 4 15 /02 /février /2018 09:41

Charles Sébastien Marcel Bruère-Dawson est né le 20 janvier 1882 à Saint-Esprit, commune de la Martinique. Fils naturel de Sophie Bruère-Dawson, celle-ci était elle-même née à Saint-Esprit le 15 octobre 1856 et décédée à l'âge de quarante ans le 2 août 1896 à Sainte-Marie, autre commune martiniquaise. A son décès, elle était couturière et célibataire, fille légitime de feu Robert Bruère-Dawson et de Rose Adélaïde Sablé.

Robert Bruère-Dawson, grand-père de Marcel, était né à Sainte-Lucie en 1824, fils naturel reconnu de Sophie Bruère, décédée dans la commune du Marin (Martinique) le 26 septembre 1850. Sophie était également née au Marin en 1791. Elle avait vécu à Saint-Esprit avec un certain Dawson, probablement un officier de marine anglais, avec lequel elle ne s'est jamais mariée. Robert est le premier à avoir adopté les deux noms "Bruère-Dawson" dans son patronyme.

Robert se mariera le 16 août 1853 à Saint-Esprit avec Rose Adélaïde Sablé, née en 1829 à Trou-au-chat qui deviendra, en 1855, la commune de Ducos. Lors de leur mariage en 1853, le couple reconnaîtra officiellement trois enfants : Marie née le 14 août 1848, Joséphine née le 4 mars 1850, et Joseph né le 1er avril 1852, tous les trois nés dans la commune de Saint-Esprit.

Quant à Sophie Bruère-Dawson (1856-1896), autre fille de Robert et mère de Marcel, elle  aura deux autres fils nés à Saint-Esprit : Grégoire Charles né le 9 mai 1879 et Hubert Charles Maximilien, né le 20 avril 1880. Ce dernier décédera en 1902 à Saint-Pierre en Martinique.

C'est justement peu de temps après l'éruption de la montagne Pelée que les deux frères Bruère-Dawson, Charles et Marcel, arriveront en Guyane où ils s'établiront définitivement.

Magasin La Conscience à Cayenne au début du XXe siècle, située à l'angle de la rue Lalouette                                                      et de la rue François Arago.

A son arrivée en Guyane, Marcel Bruère-Dawson sera employé de commerce durant plusieurs années. En octobre 1913, il sera chargé par Mme Veuve L. Brière, suite à son départ définitif de la Guyane, du règlement de ses affaires et notamment de recouvrer les dettes de ses débiteurs. Mme Veuve Brière tenait en effet depuis de très nombreuses années un magasin dénommé la Maison Brière, située à l'endroit du futur magasin La Conscience, à l'angle des rues Lalouette et François Arago.

Début novembre 1912, Mme Brière avait fait paraître une publicité afin de liquider tout ce qui lui restait de marchandises dans le cadre d'une liquidation volontaire pour cause de cessation de commerce. Après son départ de la Guyane, Marcel Bruère-Dawson avait organisé une vente aux enchères publiques en octobre 1913 afin de poursuivre la liquidation du stock de marchandises de Mme Brière.

Un peu plus tard, en février 1914, il sera officiellement autorisé à tenir le débit auxiliaire de timbres-poste, qui avait été accordé à Mme Veuve Brière en avril 1909, dans sa maison de commerce. C'est, semble-t-il, durant le premier trimestre 1914 que Marcel deviendra propriétaire du magasin de Mme Veuve Brière. En effet, les 7 et 14 mars 1914, il fera paraître un encart publicitaire dans le "journal officiel de la Guyane française" annonçant la réouverture du commerce de Mme Brière sous le nom de magasin La Conscience (ci-dessous le texte intégral paru dans ledit journal) :

"La réouverture du magasin de Mme L. Brière, sis angle des rues Lalouette, 16, et François Arago, 22, en face l'Eglise, par la CONCIENCE, ne consiste seulement pas à faire du commerce, mais aussi à continuer la bonne renommée laissée par la précédente, de ne vendre que de la marchandise de première qualité.

LA CONSCIENCE, ne traitant que directement avec les fabricants, bénéficie de très forts escomptes, ce qui lui permet de vendre à des prix exceptionnels de bon marché. Les acheteurs gagneront beaucoup à visiter ce nouveau magasin ? Ils y trouveront de tout ... Tissus en tous genres, chaussures, corsets, parapluies, bonbons fins, bijoux or et argent contrôlés, articles de bureaux, papier à lettres en ramettes et en boîtes, registres de tous formats, etc , etc. 

Un beau choix de Madriers et planches en sap (sans-doute "sapin") du Nord à de bonnes conditions. Marchandises nouvelles par tous les courriers."

Sur une autre carte postale ancienne éditée par le magasin La Conscience représentant ce commerce en gros plan (Voir à la fin de l'article), un descriptif des marchandises vendues est détaillé et permet ainsi de compléter la liste du paragraphe précédent en y ajoutant "chapeaux, bimbeloterie, jouets, cartes postales, ... à des prix réellement consciencieux".

Marcel Bruère-Dawson fut en effet un photographe, qui se qualifiait lui-même d'amateur, et qui a édité un très grand nombre de cartes postales de la Guyane, mais essentiellement de Cayenne et de ses environs. Il a ainsi laissé, avec d'autres, à travers toutes ses photographies un témoignage important de ce que fut la Guyane avant la seconde moitié du XXe siècle.

Ancien magasin La Conscience, devenu aujourd'hui un commerce de papeterie et de fournitures   scolaires et de bureau, situé en face de l'externat Saint-Joseph (Photo prise en février 2018).

On doit à Marcel Bruère-Dawson environ 550 cartes postales dont quelques unes de la Martinique. Il a commencé son activité de photographe et d'éditeur autour de 1908 pour arrêter vers 1940. Ce n'est qu'après qu'il soit devenu négociant-propriétaire, en 1914, que ses photographies furent éditées sous forme de cartes postales par le magasin La Conscience. Il a également publié ses clichés en carnets avec plusieurs intitulés successifs. Le plus ancien semble être "Bruère-Dawson, amat.-phot.", puis "Nouvelle collection d'amateur M. Bruère-Dawson", et enfin "clichés Bruère-Dawson et Carranza, Cayenne". 

Outre Carranza, le magasin La Conscience a également édité les clichés d'autres photographes installés sur Cayenne comme celles du Lieutenant Li-Hon-Gien, de Jeannain, de Tillet, de Gabriel Chaumier et de Tiburce ... Les photographies de Marcel S. Bruère-Dawson nous montrent les monuments, les bâtiments publics et les sites de Cayenne. Il s'intéresse aussi à l'ethnographie avec par exemple la Cayennaise en costume local ou la toilette de Bonis (Cf. cartes postales ci-dessous).

Mais il y eut quelques autres photographes qui nous ont laissé de nombreuses cartes postales anciennes de Cayenne et de ses environs comme Jermolière, actif depuis le début du XXe siècle jusque vers 1932, Jeannain, à partir de 1903, Hilaire entre 1904 et 1925. Madame Georges Evrard, photographe professionnelle, est active sur l'ensemble de la Guyane entre 1902 et 1908.

D'autres encore, établis à Saint-Laurent-du-Maroni, ne produiront que des clichés de la région du Maroni. On peut citer Jarry qui a publié en 1922 "Collection Jarry, St-Laurent-du-Maroni (Guyane Française)" comportant 40 cartes postales. Il y a aussi les anciens bagnards Perez et Lévy, qui entre 1905 et 1910, ouvrent un bazar à Saint-Laurent où on vend de tout et notamment des cartes postales. Auteurs-éditeurs de plus de cent cinquante clichés, leurs cartes postales portent à la fois un numéro de cliché et leurs initiales P et L, inscrites dans un losange compris dans un cercle. Désiré Lanes est lui-aussi un ancien bagnard, photographe qui, dès sa libération en 1905, installera le premier studio professionnel à Saint-Laurent-du-Maroni et travaillera jusqu'en 1908. Un autre ancien bagnard Jean Ricord ouvrira une boulangerie avant de se lancer dans le  commerce de confection, mais aussi dans la photographie. Il a réalisé une trentaine de clichés qui furent édités en 1916. 

Il est difficile de citer tous les photographes de la Guyane de la première moitié du XXe siècle dans ce petit article, mais il y en eut beaucoup d'autres, certains anonymes, d'autres étrangers ... Quant à Marcel Bruère-Dawson, le plus prolifique d'entre eux, il s'était marié à Cayenne le 8 décembre 1923 avec Cécilia Ho-A-Fat, née le 11 novembre 1887 à Cayenne et décédée le 20 octobre 1948. Mort fin mars 1944, Marcel Bruère-Dawson repose avec son épouse Cécilia, et ses deux filles : Aimée (Wong-Youk-Hong) et Rolande (Tian-So-Pio), au cimetière de Cayenne.

 

                Autre carte postale représentant le magasin La Conscience en gros plan.

Quelques cartes postales éditées par Marcel S. Bruère-Dawson :

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Sources :

Archives Nationales d'Outre-Mer (ANOM)

Journal officiel de la Guyane Française

photographesenoutremeramerique.blogspot.fr/ (Blog de Marie-Hélène Degroise, conservateur en chef des Archives nationales - décédée en 2012).

http://photocartoutremer.com/guyane/ (blog de Patrice Garcia et Guy Stéhlé).

 

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 15:51

Ce grand édifice situé au numéro 9 de la rue Léon Gontran Damas et au 2 de la rue Mme Payé à Cayenne, a été construit vers la fin du XIXe siècle. Longeant la Place des Palmistes, il est impossible de ne pas le remarquer pour quiconque s'intéresse à l'architecture créole. 

Il accueillit au XXe siècle les services des Ponts et Chaussées, puis fut abandonné. Réhabilité par le Conseil général en 1985, il sera utilisé l'année suivante pour recevoir l'Institut d'Etudes Supérieures de la Guyane, première université du département.

Après l'installation de l'université dans les bâtiments de l'ancien hôpital Saint Denis en 1991,  le bâtiment fut occupé par la Direction des Ressources humaines du Conseil Général. Il est maintenant la propriété de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG).

 

 

Construit sur un rez-de-chaussée surélevé, il est composé de deux étages carrés avec des combles. Sa structure principale est en bois avec un remplissage de briques au rez-de-chaussée et au premier étage. Le second étage est en bois. Un escalier intérieur tournant à retours permet l'accès aux étages.

Au premier étage, la galerie est formée par des murs en lames de bois fixes. Le bâtiment est encadré par deux pavillons à simple rez-de-chaussée en maçonnerie.

L'édifice est inscrit monument historique par arrêté du 9 décembre 1992.

 

 

L'accès à cet édifice est situé au 2 rue Mme Payé, comme on le voir sur la photo ci-dessous.

 

 

Source :

Base Mérimée (Ministère de la culture).

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17 septembre 2017 7 17 /09 /septembre /2017 18:32

Les voyageurs qui arrivent en Guyane par l'aéroport Félix Éboué passent obligatoirement par ce rond-point Califourchon qui dessert bien sûr la route d'accès à l'aéroport, mais aussi celles de l'Est, de Cayenne via Matoury, et de Rémire-Montjoly (appelée La Matourienne).

Cette statue monumentale représentant un Chaman a été inaugurée le jeudi 9 août 2012 lors de la deuxième édition en Guyane des Journées des peuples autochtones en présence de M. Rodolphe Alexandre (Président du Conseil régional, aujourd'hui de la Collectivité Territoriale de Guyane), de Mme Christiane Taubira, alors Garde des sceaux, des chefs coutumiers et de M. Jean-Pierre Roumillac, maire de Matoury à l'époque.

La date de ces journées culturelles amérindiennes en Guyane coïncide maintenant, et délibérément, avec la Journée internationale des peuples autochtones fixée chaque année au 9 août par l'Organisation des Nations Unies.

Ce projet de statue a été imaginé et présenté en avril 2011 par la Fédération Lokono de Matoury dont le siège est fixé au village Sainte-Rose de Lima. Constituée en octobre 2008, cette fédération a pour objectif de promouvoir et de diffuser la culture Lokono. Elle a aussi pour but le développement social économique et environnemental de la communauté Lokono Arawak.

Symbolisant l'unité des six nations amérindiennes de Guyane, ce chaman, fabriqué en Ébène verte et d'un poids de 3,5 tonnes, a été sculpté par Garvin Jubithana, Milton Mase et Jhunry Undenhout. Cette sculpture monumentale rappelle également la reconnaissance de leur statut de premiers occupants du territoire de la Guyane, bien avant l'arrivée des explorateurs européens.

Un socle de mosaïques, inspirées de l'art de la vannerie, comporte les noms des six nations amérindiennes. Celles-ci sont l'œuvre de l'artiste amérindienne Ti'Iwan Couchili, de la nation Teko.

Entre le socle et la statue, les fresques sculptées représentant des scènes de la vie amérindienne sont l'œuvre de l'artiste brésilienne Djalma Dos Santos Ferreira dite Djalma Santos. Au dos de la statue, une femme et son enfant (voir photos en fin d'article) représentent la continuité de la vie, le lien unissant la famille et l'espoir des générations futures.

 

 

La population amérindienne de Guyane représente un peu plus de 15.000 personnes. Six nations amérindiennes sont présentes : Lokono Arawak, Kaliña (anciennement Galibis), Teko (anciennement Émerillons), Wayãpi (ou Wayampi), Paykweneh (ou Palikur) et les Wayana. Pour être complet, il faut aussi rajouter la petite communauté Apalaï, composée d'un peu plus d'une cinquantaine de personnes vivant à et dans les environs de la commune de Maripasoula sur le Haut-Maroni. Leur implantation en Guyane est plus récente.

La répartition géographique de ces peuples premiers sur le territoire guyanais a déjà été abordée dans un autre article rédigé sur ce blog "La vannerie amérindienne Palikur à Macouria". Pour résumer la distribution géographique des peuples autochtones en Guyane, on peut dire qu'il y a deux groupes distincts, les peuples du littoral : Kaliña, Lokono, Paykweneh, et ceux de l'intérieur : Wayana, Wayampi, Teko. Ces derniers sont essentiellement installés le long des deux fleuves, Maroni à l'ouest (frontière avec le Surinam) et Oyapock à l'est (frontière avec le Brésil). 

De même, certains peuples sont aussi présents dans les pays voisins de la Guyane. C'est le cas des Lokono Arawak qu'on retrouve aussi au Surinam et au Guyana ; les Kaliña sont présents au Brésil, Guyana, Surinam et Venezuela ; les Paykweneh sont également au Brésil.  Seuls les Teko (Emerillons) ne vivent que sur le territoire guyanais.

 

Ces troncs noirs, situés de l'autre côté de la route face au chaman, font partie de l'aménagement paysager avec la statue monumentale. Ils symbolisent la forêt dévastée et brûlée ...

Ces troncs noirs, situés de l'autre côté de la route face au chaman, font partie de l'aménagement paysager avec la statue monumentale. Ils symbolisent la forêt dévastée et brûlée ...

Longtemps abandonnées, pour ne pas dire ignorées par l'Etat et les Collectivités, ces nations amérindiennes se sont, depuis plus d'une vingtaine d'années, organisées et structurées afin de se faire entendre, de défendre leur culture et porter haut et fort leurs revendications. Celles-ci sont nombreuses et concernent aussi bien leur identité (amérindien / citoyen français), la protection des savoirs traditionnels, le droit de regard sur le foncier (leurs terres ancestrales), la participation aux prises de décisions, l'apprentissage et l'utilisation des langues amérindiennes dans les écoles de leurs villages, le problème du suicide des jeunes amérindiens, la déforestation et la pollution des terres et des rivières par l'orpaillage illégal ....

De nombreuses associations culturelles ont ainsi été créées dans le but de promouvoir leur artisanat et autres arts traditionnels. Sur un plan plus politique, on peut citer la Fédération des Organisations Autochtones de Guyane (FOAG), l'Organisation des Nations Autochtones de Guyane (ONAG) et le Conseil Consultatif des Populations Amérindiennes et Bushinengués (CCPAB).

A l'intérieur de ces organisations, on retrouve les chefs coutumiers. L'organisation des villages amérindiens s'articule en effet autour des chefs coutumiers, désignés par les groupes concernés, et nommés officiellement par arrêté du président de la collectivité territoriale (CTG). 

Le rôle des chefs coutumiers tend à se développer ces dernières années. Ils sont les interlocuteurs officiels de l'administration, sont souvent membres des conseils municipaux ou sont consultés par les maires, et interviennent traditionnellement dans l'arbitrage des litiges entre membres de la même communauté ...

 

Autres photos de la statue monumentale du chaman :

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Sources :

Compilation de nombreux articles de presse et études accessibles sur Internet.

Présentation sur internet : Un regard sur les peuples autochtones de Guyane Française par Alexis Tiouka.

 

 

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19 juin 2017 1 19 /06 /juin /2017 11:51

A un peu plus d'une encablure de la berge française du fleuve Maroni en face de Saint-Laurent, gît un navire épave qui s'est peu à peu au fil des ans transformé en une véritable île végétalisée. En effet, les plantes, arbustes, palmiers et autres arbres ont envahi le pont de ce cargo à vapeur anglais nommé Edith Cavell qui s'est échoué il y a un peu plus de quatre vingt dix ans sur cet écueil.

Affrété par la Société Générale des Transports Maritimes de Marseille, le vapeur anglais Edith Cavell effectue en novembre 1924 un transport de marchandises de Marseille vers les Antilles en passant par la Guyane (Cayenne d'abord, puis Saint-Laurent-du-Maroni). Après avoir quitté Cayenne le 27 novembre, il arrive à Saint-Laurent-du-Maroni le lendemain. Deux jours plus tard, le 30 novembre, en voulant accoster le quai de l'administration pénitentiaire, il s'échoue sur un rocher. L'eau envahit progressivement la salle des machines mais les pompes du navire sont inefficaces, il est alors fait appel à celles du vapeur Maroni, appartenant à l'administration pénitentiaire. Rappelons ici que Saint-Laurent-du-Maroni fut la seule commune de France créée et gérée par l'administration pénitentiaire jusqu'en novembre 1949 où elle devint alors une commune "civile" de plein droit. Elle est aujourd'hui avec plus de 40.000 habitants, la deuxième ville la plus peuplée de Guyane après Cayenne.

Le 13 décembre 1924, le gouverneur de la Guyane, Charles Jean Chanel,  infligera un blâme avec inscription au dossier  à Jean-Louis Cagnet, pilote de 4e classe, et à Julien Cabéria, guetteur de vigie de 3e classe, pour négligence dans le service à l'occasion du "stationnement hors rade du vapeur Edith Cavell". Cette décision sera finalement rapportée en juin 1925.

Malgré toutes les tentatives faites pour le renflouer, le vapeur anglais se brisera en deux le 30 décembre 1924. Les treuils du cargo anglais étant hors d'usage, ce sont ceux du vapeur Oyapock, autre bateau de l'administration pénitentiaire, qui se chargèrent de vider la cargaison. Seuls 1200 tonnes purent être sauvées et déchargées sur la rive. L'administration pénitentiaire mettra à la disposition de l'équipage des bagnards afin de transporter les marchandises jusqu'à un hangar près de l'hôpital.

Le navire épave Edith Cavell échoué fin 1924 à Saint-Laurent-du-Maroni ...

L'administration locale diligenta une enquête aboutissant à la responsabilité du capitaine du navire qui, lui, rejettera la faute à la fois sur une erreur du pilote français chargé de guider le navire et à la mauvaise position de la bouée signalant l'écueil. Cette argumentation ne tiendra pas car l'échouage s'étant produit de nuit, cette bouée n'était pas lumineuse. 

Cependant et après audition de l'ensemble de l'équipage, le capitaine et le 1er officier ainsi que le chef mécanicien seront arrêtés et emprisonnés le 13 janvier 1925 pour avoir délibérément abandonner leur navire sur les côtes françaises. Le reste de l'équipage sera rapatrié à destination du Havre à bord du vapeur Prins Frederik Hendrik (voir photo ci-dessous) le 24 janvier. De leur côté, et eu égard aux accusations venues de Guyane, les propriétaires du vapeur Edith Cavell déclareront que "le Capitaine et son second sont absolument incapables d'une telle indélicatesse".

L'affaire fera grand bruit en Angleterre où la presse se déchaînera interpellant le Foreign Office sur les mesures prises pour faire libérer les officiers du navire. De plus, l'état de santé du Capitaine John G. Joys s'étant détérioré, le Consul britannique en poste à Paramaribo - capitale de la Guyane hollandaise devenue aujourd'hui le Suriname - viendra rendre visite aux officiers écroués afin de les interroger et d'avoir aussi la version des officiels français. Après une forte pression du gouvernement anglais, le ministre des colonies demandera officiellement au gouverneur de la Guyane de remettre en liberté les deux officiers de marine, le chef mécanicien ayant déjà été autorisé à quitter la Guyane.

Finalement le Capitaine John G. Joys et son 1er officier Francis W. Burton furent libérés le vendredi 6 février 1925 sous caution d'un montant de 20.000 francs. Malgré les intentions des autorités locales en Guyane d'intenter un procès  contre les deux officiers anglais, le gouvernement français le jugera totalement inopportun. Les deux hommes décèderont malheureusement quelques mois après leur retour en Angleterre et la presse britannique imputera ces décès aux conditions de leur emprisonnement injustifié en Guyane.

Cette affaire de l'Edith Cavell se poursuivit encore plusieurs années après le naufrage, notamment après qu'elle fut à quelques reprises évoquée à la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni notamment par Sir Basil Peto qui demanda des compensations financières afin d'indemniser les familles des deux officiers. Ce fut finalement le gouvernement local en Guyane qui dût se charger de cette indemnisation à hauteur de 225 000 francs qui seront imputés sur le budget de l'année 1927.

Vapeur Prins Frederik Hendrik à bord duquel sera rapatrié le reste de l'équipage de l'Edith Cavell.

Vapeur Prins Frederik Hendrik à bord duquel sera rapatrié le reste de l'équipage de l'Edith Cavell.

Le vapeur 'Edith Cavell' dont le nom était 'Wagner' jusqu'en 1915, fut construit par Bartram & Sons à South Dock et mis à l'eau le 23 mai 1898 pour le compte de l'armement Jenneson Taylor and Co (Sunderland). Jaugeant 3475 tonneaux, le vapeur mesurait 106,60 m pour une largeur de 14,50 m et un tirant d'eau de 5 mètres.

Il fut racheté à la fin de l'année 1915 par "Sefton SteamShip Company" appartenant à Mr Edward Ashley Cohan, mais gérée par H. E. Moss & Co de Liverpool. La compagnie Sefton SS était une filiale anglaise de la Société Générale des Transports Maritimes (SGTM) de Marseille, ce qui explique sa présence en Guyane en novembre 1924. Lors de son rachat fin 1915, le vapeur fut renommé 'Edith Cavell' du nom de l'infirmière anglaise fusillée par les allemands en Belgique le 12 octobre 1915. Dans le milieu de la marine, on a l'habitude de dire que cela porte malheur de changer le nom d'un bateau ...

Edith Louisa Cavell (voir photo ci-dessus) naît le 4 décembre 1865 dans le village de Swaderson (Angleterre) où son père était pasteur. Après avoir été un temps gouvernante en Belgique où elle s'était installée, elle deviendra infirmière après son retour en Angleterre au "Royal London Hospital". Devenue infirmière chef, elle sera directrice de la première école d'infirmières dans la ville d'Ixelles près de Bruxelles.

Dès le début de la première guerre mondiale, elle aidera une centaine de soldats britanniques et français à quitter la Belgique occupée par les allemands pour se réfugier aux Pays-Bas qui était resté neutre. Dénoncée, elle sera arrêtée le 3 août 1915 et accusée de haute trahison devant une cour martiale. Condamnée à mort avec d'autres membres de son réseau, et malgré des demandes internationales de clémence, Edith Cavell sera fusillée le 12 octobre 1915 par un peloton d'exécution dans le camp militaire connu sous le nom de Tir national à Schaerbeeck dans la région bruxelloise.

 

Sources :

Bulletin officiel de la Guyane française (1925).

Journal officiel de la Guyane française (1924, 1927, 1935).

Brochure "Laissez-vous conter l'épave Edith Cavell" (plaquette de la ville de Saint-Laurent-du-Maroni - texte : Jean-Louis Conte).

Presse britannique : - Dundee Courier/12 february 1925, - Western Morning News/12 february 1925, - Gloucester Journal/14 february 1925).

Presse française : - Le Radical du 12 février 1925, - Annales coloniales du 12 février 1925, - La Lanterne du 10 mars 1925, - Le Gaulois du 12 février 1925).

http://www.sunderlandships.com/

Photo du vapeur Prins Frederik Henrik : Ships Nostalgia.

 

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10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 08:38

 

Située à l'angle de la rue Christophe Colomb et de la rue Félix Eboué, cette petite maison de style créole dans laquelle Félix Éboué aura passé une partie de sa jeunesse avant de partir en métropole en 1901 pour y poursuivre ses études est devenue aujourd'hui un musée dédié à la mémoire de ce grand homme. Rappelons en effet que les restes de Félix Eboué, premier résistant de la France d'Outre-Mer, ont été transférés au Panthéon le 20 mai 1949, en même temps que ceux de Victor Schoelcher.

Cette maison fut labellisée "Maison des Illustres" en 2011 par le Ministère de la Culture, ainsi que deux autres édifices en Guyane. Un petit article est dédié sur ce blog à cette labellisation des trois maisons de Guyane (pour lire l'article, cliquez "ICI"). La maison natale de Félix Éboué est composée d'un rez-de-chaussée, d'un étage et, comme la plupart des maisons créoles de l'époque, la cuisine était située dans la cour.

C'est son père, Yves Urbain Éboué, chercheur d'or, qui fit construire cette maison dans le centre de Cayenne après avoir acheté le terrain localisé au n° 37 de la rue Richelieu le 23 juillet 1883 à Mlle Elisa Pindard.

Yves Urbain Éboué naquît le 21 mai 1851, soit trois ans après l'abolition de l'esclavage, dans le quartier d'Approuague sur l'habitation La Joséphine, fils de Marie-Gabrielle Éboué, cultivatrice sur ladite habitation. Quant à la mère de Félix, Marie Joséphine Aurélie Léveillé, elle vit le jour le 2 janvier 1856 à Roura sur l'habitation Sainte-Anne (Davaux) où sa mère Palmire Léveillé était elle aussi cultivatrice.

Félix né le 26 décembre 1884 à Cayenne sera le quatrième d'une famille de cinq enfants : Yves Gilbert (1875-1895), Maximilien Alexandre (1877-1904, était commis-greffier au tribunal de Cayenne en 1903), Gabriel Joseph Edgard (1880-1911, garde particulier de placers : Tard-Venu, Enfin, Adieu-Vat, Deux-Frères ...), et la dernière Cornélie. Non mariés, les trois autres garçons mourront relativement jeunes, alors que la seule fille de la famille Éboué, Cornélie, née le 27 novembre 1890 à Cayenne, se mariera le 25 novembre 1916 à Cayenne avec Félix Albert Gratien.

L'aîné des garçons, Yves Gilbert né, comme ses frères Maximilien et Gabriel sous le nom de famille de leur mère "Léveillé", le 15 février 1875 à Roura, décèdera à l'âge de 20 ans le 10 juillet 1895 à Sinnamary où il était instituteur. Urbain Yves Éboué reconnaîtra officiellement ses trois garçons le 9 décembre 1881 à l'Etat-civil de la mairie de Cayenne.

Je ne vais pas reprendre ici le récit de la biographie de Félix Éboué qu'on retrouve dans de très nombreux articles sur Internet, y compris, mais d'une manière laconique, dans un petit article rédigé sur ce blog concernant le Monument érigé en son honneur, place des Palmistes à Cayenne. Un récent projet d'embellissement de ce monument, proposé par le Cercle Félix Éboué, a été réalisé par l'architecte André Barrat, petit-fils de Roland Barrat qui était alors maire de Cayenne lors de l'inauguration de la statue de Félix Éboué le 1er décembre 1957.

 

Maison natale de Félix Éboué à Cayenne (Guyane)

A sa mort le 14 juillet 1898, Urbain Yves Éboué lègue ses biens à sa veuve Marie-Joséphine Aurélie Léveillé et à ses enfants. Lors du décès de celle-ci le 23 mars 1926 à l'âge de 70 ans, les deux héritiers Éboué, Félix et Cornélie, vendent la maison familiale aux demoiselles Merckel le 2 avril 1927. Un peu plus tard, le 7 octobre 1929, celles-ci la cède aux enfants Lony. Mme Maurice Bernardine Lony épouse Bertrand en deviendra l'unique propriétaire le 8 mai 1848.

Le Conseil général de la Guyane achètera cette maison le 20 février 1989 et entreprendra des travaux de restauration afin d'y reconstituer la vie de l'époque pour en faire un musée. Inauguré le 16 juillet 1994 à l'occasion du cinquantenaire de la mort de Félix Éboué, la maison sera fermée en 1999.

Occupée pendant un temps par l'Office de l'eau, la maison d'une surface de 140 m2 a subi d'importants travaux de réhabilitation et de sécurité en 2012 pour être symboliquement inaugurée 18 juin 2013. Son espace est entièrement dédié à la vie professionnelle et familiale de Félix Éboué, gouverneur général de l'Afrique Equatoriale Française, décédé au Caire (Egypte) le 17 mai 1944.

Bien que le mobilier ne soit pas celui de la famille Éboué, on y trouve beaucoup d'objets personnels du gouverneur général ainsi que de nombreuses photographies familiales,  offerts pour la plupart par sa veuve Mme Eugénie Éboué née Tell (1891-1972) qui mènera, après la mort de son mari, une belle carrière de parlementaire en Guadeloupe. Eugénie Éboué-Tell était la fille d'Herménégilde Tell, premier directeur noir de l'administration pénitentiaire en Guyane.

Photos de l'extérieur de la maison :

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Ce que l'on sait moins sur les parents de Félix Éboué, c'est qu'ils se sont mariés tardivement, bien après avoir eu leurs enfants, et dans l'urgence, le 24 octobre 1894 dans cette maison. En effet, Urbain Yves Éboué était gravement malade. La gravité et l'évolution de sa maladie ont entraîné leur décision de se marier dans les plus brefs délais.

Pour ce faire, le docteur en médecine Philippe Pain avait fourni un certificat attestant de la gravité de la maladie d'Urbain Yves Éboué et de son incapacité à se déplacer. Celui-ci précisait aussi que l'intéressé était "sain d'esprit, mémoire et entendement". Par ailleurs, une dérogation avait aussi été obtenue auprès du chef du service judiciaire, M. Maximilien Liontel, pour dispenser les futurs époux de la deuxième publication des bans du mariage. Contrairement à la loi à cette époque, une seule publication avait été en effet apposée à l'entrée de la mairie de Cayenne le dimanche 21 octobre 1894, soit trois jours avant leur mariage.

C'est donc le mercredi 24 octobre 1894 que Louis Hippolyte Henri Ursleur, maire et officier d'Etat-Civil de la commune de Cayenne, se déplaça à la maison des futurs époux. L'acte du mariage précise : "Nous transportant dans une maison sise en cette ville à l'un des angles des rues Christophe Colomb et Richelieu(1) où étant entré dans une salle au rez-de-chaussée, toutes portes et fenêtres ouvertes, ont comparu publiquement Urbain Yves Éboué ... et Marie Joséphine Aurélie Léveillé". Il ne sera pas établi de contrat de mariage. La mère du futur mari et celle de la future épouse, toutes les deux habitant Cayenne, étaient présentes lors ce mariage civil.

Finalement, Urbain Yves Éboué se sortira de cette grave maladie car il ne s'éteindra, comme déjà mentionné, que quatre ans plus tard le 14 juillet 1898 dans cette maison familiale.

(1) Sur proposition du maire de Cayenne, la rue Richelieu sera renommée Rue Félix Éboué le 14 juillet 1944, soit deux mois après le décès du gouverneur général.

Photos de l'intérieur de la maison :

Maison natale de Félix Éboué à Cayenne (Guyane)Maison natale de Félix Éboué à Cayenne (Guyane)Maison natale de Félix Éboué à Cayenne (Guyane)

Sources :

Archives Nationales d'Outre-Mer (Etats-civil).

Maison natale de Félix Éboué (Musée Alexandre Franconie).

Lieux patrimoniaux de Guyane : La maison Félix Éboué à Cayenne (par Tchisseka Lobelt et Marie-Georges Thébia).

Journal officiel de la guyane française.

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17 mai 2017 3 17 /05 /mai /2017 17:06

Ce mécanisme d'horloge, très ancien, se trouve au premier étage de l'hôtel de préfecture, place Léopold Héder, à Cayenne. Elle n'est visible, pour le public, que lors des deux journées du patrimoine organisées chaque année, et dans la mesure où cet hôtel de préfecture est prévu dans le programme des visites guidées.

C'est lors de l'une de ces visites que j'ai pu découvrir cette horloge, ou plus précisément ce mécanisme d'horloge monumentale. Malgré mon interrogation, notre honorable guide ne put m'en dire plus que ce qui est écrit, mais à peine visible, sur une petite plaque toute rouillée fixée sur le support en bois de ce mécanisme, à savoir "Horloge suisse du XVIIIe siècle commandée à Liège par les Jésuites". On peut dès lors s'interroger sur le côté "suisse" d'une horloge commandée à Liège. Quelques recherches m'ont permis d'en savoir un peu plus.

Cet hôtel (voir la photo ci-dessous) a été construit par les jésuites entre 1749 et 1752 pour abriter le Père supérieur et son coadjuteur, même s'il existait déjà à cet endroit une résidence, mais beaucoup plus modeste, qu'ils avaient déjà édifiée. Le Supérieur des jésuites était alors Philippe d'Huberland, né en 1697 en Belgique, reçu dans la compagnie de jésus en 1718 à Tournai. Arrivé en Guyane en 1738, il assuma cette mission supérieure de 1746 à 1760. On le retrouve curé de Rémire en 1768 avant qu'il ne regagne la France en 1769.

Cette horloge fut commandée à Liège, qui était alors une principauté, après que cet hôtel fut construit selon les plans et sous la directive du Père Philippe d'Huberland.

Ancien hôtel des jésuites, puis hôtel des gouverneurs, et hôtel de préfecture (depuis 1947). Cet hôtel, tel qu'on peut le voir aujourd'hui, a subi de nombreuses transformations et améliorations au fil des ans.

Ancien hôtel des jésuites, puis hôtel des gouverneurs, et hôtel de préfecture (depuis 1947). Cet hôtel, tel qu'on peut le voir aujourd'hui, a subi de nombreuses transformations et améliorations au fil des ans.

L'histoire de cette horloge est narrée dans le compte-rendu de la quatrième séance du comité de patronage du Musée local (actuel Musée Alexandre Franconie) qui s'était tenue le vendredi 21 mars 1902. Lors cette séance, la commission chargée de recenser les monuments historiques et les objets d'art se trouvant en Guyane, a cité un grand nombre d'œuvres d'art et en particulier l'horloge du gouvernement. Cette horloge était installée à l'origine dans la tour carrée qui existait à l'époque à l'angle occidentale de l'hôtel des jésuites.

Celle-ci fût transportée, sur les ordres de Victor Hugues, qui était à l'époque gouverneur de la Guyane, au fronton de la grande porte d'entrée. Cette horloge a fait l'objet d'un rapport daté du 8 septembre 1821, rapport qui sera inséré dans la Feuille de la Guyane. Le rapport rédigé par M. Duvau Delvaty, horloger du Roi, est adressé à son Excellence M. le Gouverneur et commence par ces mots : "Cette horloge est une pierre précieuse qui sort de la classe des horloges ordinaires. La cage est composée de quatre colonnes d'ordre corinthien, avec huit plates-bandes en très beau laiton. Trois corps de rouage y sont distribués avec des combinaisons de métaux et de principes de l'art aussi savants que sages ...".

Suit une description très détaillée du mécanisme de cette horloge qui sonnait à l'origine, et avant modification, la demi-heure pour annoncer l'heure future. Elle a subi au cours des ans des modifications, et notamment par M. Duvau Delvaty lui-même qui, dans son rapport, fait état de ces réparations essentielles et nombreuses.

Malheureusement, le nom de son auteur-fabriquant n'a pas été retrouvé car il figurait sur un cadran en cuivre qui fut déposé au contrôle de la marine après le transport de l'horloge sur les instructions de Victor Hugues. Malgré des recherches, ce vieux cadran ne fut jamais retrouvé et le créateur de cette horloge demeura inconnu. On sait que l'horloge, commandée à Liège, coûta dix mille francs une fois arrivée à Cayenne.

L'horloge de l'ancien hôtel des jésuites à Cayenne, un chef-d'oeuvre venu de Liège ...

Curieux d'en savoir un peu plus sur ce mécanisme d'horloge venant de Belgique, je commençais à chercher sur Internet des sites concernant l'horlogerie ancienne dans ce pays. Je découvris rapidement l'Association Campanaire Wallonne qui comptait parmi ses membres des spécialistes en horlogerie.  Ayant reçu une réponse positive de cette association à laquelle j'adressais par courriel une photographie du mécanisme de cette horloge et des extraits du journal officiel de la Guyane française de 1902.

Un des spécialistes de cette association me répondit très rapidement après avoir examiné la documentation et la photographie associées, qu'il s'agissait selon toute vraisemblance d'une horloge de facture néerlandaise et redirigeait ma demande vers M. Eddy Fraiture, historien en horlogerie néerlandophone. En effet, le fait que cette horloge avant qu'elle ne fut modifiée, sonnait la demi avant l'heure, lui donnait une signature flamande.

Après de longues et minutieuses recherches, M. Fraiture qui sollicita aussi l'avis d'autres horlogers et notamment de l'un d'entre eux qui, comme lui, répondit immédiatement après avoir vu la photographie qu'il s'agissait à presque 100% d'une horloge de tour signée Gilles de Beefe. Cet avis partagé par deux experts en horlogerie ancienne s'est appuyé sur les caractéristiques du mécanisme, sur la comparaison de la façon dont est construite la cage, sur la forme et la décoration des piliers ... Pour atteindre les 100%, il aurait fallu que j'adresse à M. Fraiture plus de photographies détaillées de cette horloge que je n'avais malheureusement pas. Peut-être à l'occasion d'une autre journée du patrimoine, aurais-je l'occasion de prendre celle-ci sous toutes les coutures.

La famille des de Beefe (ou de Befve) est connue pour s'être distinguée dans l'horlogerie depuis les années 1550 à 1793, grâce à une longue lignée de maîtres horlogers. Gilles de Beefe (1694-1763) s'est installé à Liège en 1726. Après avoir travaillé au Portugal (Mafra et Lisbonne), il revint au pays et devint horloger du prince-évêque Georges-Louis de Berghes en 1740. Il a aussi réalisé, notamment avec ses fils, de nombreuses et exceptionnelles horloges tant en Belgique qu'au Pays-Bas.

Il est possible que l'origine "belge" du Père supérieur de l'époque, Philippe d'Huberland, l'ait tout naturellement conduit à commander l'horloge à Liège ...

L'horloge de l'ancien hôtel des jésuites à Cayenne, un chef-d'oeuvre venu de Liège ...

Remerciements :

Mes remerciements à l'Association Campanaire Wallonne, et notamment à l'un de ses spécialistes de l'horlogerie, M. Marc Streel.  Je remercie beaucoup M. Eddy Fraiture qui s'est lui-aussi intéressé à cette ancienne horloge de Cayenne et qui a effectué de nombreuses recherches, consulté d'autres experts et passé beaucoup de son précieux temps pour identifier son créateur.

Sources :

Journal officiel de la Guyane Française du 19 avril 1902.

Voyages et travaux des Missionnaires de la Compagnie de Jésus - Mission de Cayenne et de la Guyane Française (1857).

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 11:12

Cette belle et élégante maison, bien entretenue, est l'ancienne propriété de Léonce Melkior qui l'a occupée jusqu'à son décès en 1928. Située au numéro 9 de l'avenue Léopold Héder à Cayenne,  elle appartient aujourd'hui à Maud Rullier, petite-fille de Léonce Melkior. Construite dans le style créole, son ornementation extérieure (épis de faîtage, balcon en fer forgé, frises) est remarquable. Dotée d'un grand jardin avec un manguier centenaire, et protégée par un mur de clôture, elle possède tous les attributs d'une maison de notable.

Maud Rullier est la fille d'Arsène Gilbert Auguste Thémire (1887-1958), contrôleur principal des postes, chevalier de la légion d'honneur (décret du 28 février 1938) et de Anna Jeanne Melkior (1892- X), fille de Léonce. Ses parents Arsène et Jeanne se sont mariés le 18 novembre 1914 à Cayenne.

Maud Thémire, née le 27 octobre 1925 à Cayenne, épousera à Cayenne Paul Rullier, officier de carrière qui sera nommé en Guyane comme commandant militaire. Ayant pris sa retraite en 1954, il reviendra en Guyane comme chef des services administratifs du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) jusqu'en 1962. Paul Rullier se lancera dans la politique en devenant conseiller municipal (1959-1965), puis conseiller général (1966-1972) assumant durant quatre ans les fonctions de vice-président.

Après avoir été enseignante au lycée Félix Eboué, Maud Rullier travaillera comme cadre à la Préfecture. Elle est aujourd'hui retraitée de la fonction publique. Comme son mari avant elle, Maud deviendra présidente de la croix rouge en Guyane. Paul et Maud Rullier assureront aussi de nombreuses responsabilités au sein du mouvement Gaulliste dans le département.

Gros plan sur Léonce Melkior, ingénieur-entrepreneur dans la Guyane de la fin du XIXe et début du XXe siècle

Fils de Jean Jules Melkior (1826-1877) et de Anne Thérèse Bremond (1830-1891), Edmé Marie Jean Etienne Léonce  est né le 9 mai 1859 au domicile de ses parents, au n° 52 de la rue de Berry (actuelle rue François Arago) à Cayenne. Après de longues et brillantes études en métropole, il reviendra en Guyane avec son diplôme d'ingénieur (mécanicien) obtenu en 1882 à l'école centrale des arts et manufactures. Cette grande et prestigieuse école forme encore de nos jours des ingénieurs plus familièrement appelés "centraliens".

Léonce Melkior se mariera à Cayenne le 17 décembre 1888 avec Louise Marie Julia Bremond, alors âgée de 17 ans. Le couple aura quatre enfants, tous nés au n° 9 de la rue Nationale (actuelle avenue Léopold Héder) à Cayenne : Jean-Jules Etienne (né le 9 novembre 1889), Théophile Baptiste (né le 1er décembre 1890), Anna Alice "Jeanne" (née le 30 août 1892) et Madeleine Pauline (née le 5 mars 1898). Pauline décèdera prématurément le 15 mai 1900 à l'âge de deux ans.

Léonce avait deux autres frères et une sœur : Marie Anna Louise Joséphine (née le 22 juillet 1855 / mariée à Cayenne le 14 août 1883 avec  Alexandre Hildevert Sévère, né le 1er juin 1854 à Fort-de-France), Jules Théophile Etienne Albert (né le 25 juin 1857 / célibataire / décédé à Cayenne le 29 avril 1897) et Jean Jules Joseph Marie Etienne (né le 6 aout 1869 /Marié le 20 avril 1922 à Cayenne avec Ernestine Joséphine Anna Bremond, née en 1871).

Léonce Melkior décèdera le 29 septembre 1928 à Cayenne.

Maison Melkior-Rullier, 9 avenue Léopold Héder à Cayenne (Guyane)

Maison Melkior-Rullier, 9 avenue Léopold Héder à Cayenne (Guyane)

A son retour en Guyane, Léonce comme beaucoup d'autres, et notamment comme son père Jules, se lancera dans la recherche de l'or. Depuis la découverte de l'or en 1855, ce métal précieux deviendra un véritable attrait pour tous les habitants de la colonie. En effet, presque toutes les familles guyanaises, représentées par un père, un frère, un cousin ou un oncle, étaient directement ou indirectement concernées par l'orpaillage. Dès 1885, Léonce Melkior deviendra l'un des administrateurs du Placer "Enfin" situé sur le Haut-Mana. La société anonyme du Placer "Enfin", créée en juin 1880 par la Société Générale Française de Crédit, qui deviendra Crédit de France,  succéda à une société civile.

Mais Léonce Melkior avait aussi obtenu et exploitait pour son propre compte d'autres placers comme "Dagobert" ou "Souvenir" situés à l'ouest de la Guyane dans le bassin du fleuve Mana. A la fin de l'année 1901, et à sa demande (Arrêté du gouverneur du 28 octobre 1901), il montera à ses frais, une expédition de police et d'arpentage dans l'Inini afin de faire fuir les maraudeurs qui exploitaient illégalement les placers dans la région et de délimiter précisément les concessions aurifères. "Maraudeurs" est le nom qui était donné à l'époque aux orpailleurs illégaux. On peut souligner que la situation s'est encore aujourd'hui aggravée malgré les nombreuses opérations officielles de lutte contre cet orpaillage clandestin, principalement d'origine brésilienne.

Entrepreneur, Léonce Melkior participera à la reconstruction d'une partie de la ville de Cayenne ravagée par un incendie en 1888. Il construira notamment des maisons particulières et quelques édifices connus comme l'Habitation Leblond ou Thémire, connue aujourd'hui sous le nom de Bar des Palmistes, ou la Banque de la Guyane, détruite par l'incendie précitée.

Il prendra de nombreuses autres responsabilités tout au long de sa vie professionnelle :

Conseiller municipal de la ville de Cayenne dont il fut, un temps, le premier adjoint, il sera aussi nommé membre du comité d'organisation de l'Exposition universelle de 1889 et de 1900, de même que de celui chargé de faire la propagande nécessaire pour une représentation de la Guyane à la Foire commerciale de Bordeaux en septembre 1917.

Il sera en outre nommé Juge suppléant de la justice de paix de Cayenne, membre de la commission consultative des mines, membre de la chambre de commerce

En août 1922, et après enquête de Commodo et Incommodo, il construira sur sa propriété au kilomètre 2 de la route de la Madeleine à Cayenne une briqueterie (voir ses initiales sur la brique, photo ci-dessus à gauche), une scierie et une distillerie de bois de rose. On peut encore voir aujourd'hui les vestiges de la briqueterie au cœur de la Cité Césaire.

Léonce Melkior apportera aussi son aide financière à l'orphelinat de Cayenne, aidera les jeunes guyanais à poursuivre leurs études en France et s'impliquera dans le développement de l'enseignement technique en Guyane. Il participera activement à la vie politique en Guyane notamment en apportant son soutien à son grand ami Jean Galmot  et tentera d'apaiser les esprits après les évènements de 1928 à Cayenne. Il aura l'occasion de le recevoir et de l'héberger à son domicile de la rue Nationale.

Intelligent, brillant, travailleur et philanthrope, Léonce Melkior, avec ses multiples talents, aura durablement marqué son passage dans la société guyanaise.

Gros plan sur Léonce Melkior, ingénieur-entrepreneur dans la Guyane de la fin du XIXe et début du XXe siècle

Sources :

Journal officiel de la Guyane Française.

Bulletin officiel de la Guyane Française.

Le Patrimoine des communes de la Guyane (Fondation Clément).

Geneanet.

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4 février 2017 6 04 /02 /février /2017 09:17

Composée d'un peu moins de 1000 habitants, Régina est la deuxième plus grande commune de France par sa superficie après Maripasoula qui se trouve également en Guyane. Celle-ci est de 12.130 km2 alors que par exemple la Gironde, le plus grand département de la France hexagonale, ne fait que 10.000 km2. Située sur la rive du fleuve Approuague (270 km de long), Régina est aujourd'hui une petite bourgade paisible au cœur de la forêt amazonienne située à 116 km de Cayenne par la RN2, communément appelée route de l'Est. Cette route se prolonge jusqu'à Saint-Georges-de-l'Oyapoc, ville frontière avec le Brésil, après encore 65 km.

Depuis Régina, de nombreuses balades en pirogue sont proposées pour admirer la faune et la flore mais aussi pour se rendre sur les camps touristiques installés en pleine forêt sur le fleuve Approuague ou sur la crique Mataroni, à moins de 2h du bourg. Outre l'église Saint-Etienne avec son architecture créole, on y trouve aussi une épicerie chinoise, une boulangerie, un centre de santé, un gîte municipal, et surtout l'écomusée d'Approuague-Kaw, inauguré en mai 2008.

Cet écomusée municipal est situé dans une maison créole qui abritait autrefois un commerce connu localement sous le nom de Maison Aubin-Laigné, les derniers occupants jusqu'au milieu des années 1970. La visite du musée est très intéressante car on y apprend l'histoire du quartier d'Approuague, les premiers peuplements amérindiens, les techniques traditionnelles de l'orpaillage ...

Régina qui n'était alors qu'un hameau du quartier d'Approuague, ne deviendra officiellement chef-lieu de la commune qu'en janvier 1936, détrônant ainsi Guizanbourg, ancien bourg du quartier qui deviendra à son tour un hameau de la nouvelle commune.

Mais commençons cette petite histoire par le début ...

 

Régina, une commune de Guyane dont l'histoire est liée à la ruée vers l'or au milieu du XIXe siècle

C'est avec Pierre-Victor Malouet, commissaire général de la marine et ordonnateur de la colonie, que commence à se développer cette région de la Guyane à partir de la fin des années 1770. En effet, ce dernier est chargé du projet d'assainir les terres basses afin de rendre cultivable ces terres inondées mais riches... Il chargera Joseph Samuel Guisan, un ingénieur suisse qu'il avait rencontré au Suriname d'étudier et de poldériser ces terres inondées depuis Cayenne jusqu'à la rive gauche de l'Approuague.

En 1789, ce même Guisan fera creuser à la main par les esclaves le canal Roy, reliant le fleuve Approuague à la rivière de Kaw.  Il donnera son nom au village de Guisanbourg, situé dans l'estuaire du fleuve, autour duquel étaient déjà installés de nombreuses habitations esclavagistes agricoles exploitant des plantations de cacao, de coton, d'indigo, de sucre, de roucou. Celles-ci, au milieu du XIXe siècle,  avaient pour nom : Le Collège, La Ressource, La Joséphine, La Garonne, La Constance, La Jamaïque ... et d'autres encore.

C'est par une décision du 22 avril 1834, prise par le gouverneur Jubelin, que le bourg récemment formé dans le quartier, au confluent de l'Approuague et de la rivière Courouaïe, prit le nom de "Guisan-bourg" suite à une demande du commissaire-commandant de ce quartier. Cette décision avait pour but d'honorer la mémoire de l'ingénieur Guizan qui, en 1777, avait introduit en Guyane la culture des terres basses et qui pouvait être considéré comme le véritable fondateur du quartier d'Approuague où il avait réalisé les premiers asséchements.

A partir de 1855 avec la découverte de l'or sur la rivière Arataye par l'amérindien d'origine brésilienne Paoline, l'activité se tourne principalement vers l'extraction de l'or avec la création de placers (concessions aurifères) mais aussi progressivement à la fin du XIXe siècle, vers l'exploitation du bois de rose et de la gomme de balata. Guisanbourg, chef-lieu du quartier d'Approuague, perdra au fil des années de son importance au profit du hameau de Régina, situé à trente kilomètres plus en amont sur le fleuve, créé par des commerçants qui s'y étaient installés.

L'un d'entre-eux, Louis Athanase Théophane Régina, donnera son nom à la future commune ...

 

Les quais de Régina-Approuague (source Ulysse)

Les quais de Régina-Approuague (source Ulysse)

Théophane Régina arrive en Guyane à l'âge de quinze ans avec son père et son oncle en provenance de la Martinique. La famille Régina fait du commerce sur le fleuve Approuague. Né à Fort-de-France le 11 décembre 1868, Théophane est titulaire d'un certificat d'études primaires. Outre son comptoir qu'il ouvrit en amont un peu avant le premier saut sur l'Approuague, il deviendra aussi Secrétaire de mairie à Guisanbourg.

En mai 1902, il obtient comme beaucoup d'autres à cette époque un permis d'exploitation d'un gisement aurifère de 100 hectares sur la rive droite de l'Approuague. En 1903, il est nommé, avec d'autres, membre de la commission consultative des mines.

Le nom de la commune aurait été donné à ce qui n'était encore qu'un hameau, car les habitants du coin avaient l'habitude de dire "On va chez Régina" ou "On va à Régina", c'est-à-dire au commerce de Théophane Régina. On le retrouvera dans les années 1910 secrétaire de mairie à Macouria, puis en octobre 1913, il est élevé à la première classe de son emploi et est nommé à Sinnamary. Théophane Régina décèdera le 6 avril 1922 à Mana où il exerçait alors son emploi de secrétaire de mairie dans cette commune.

Théophane Régina s'était marié le 12 juin 1909 à Sinnamary avec Marie-Madeleine Thoulmey, née le 16 octobre 1887 à Kourou. Celle-ci décèdera le 19 mai 1978 à Cayenne à l'âge de 90 ans.

Mort d'une hémorragie cérébrale suite au paludisme, maladie contractée en service, son épouse Marie-Madeleine Thoulmey veuve Régina et ses six enfants, le dernier d'entre-eux étant né le 4 mars 1922, bénéficièrent d'une pension annuelle sur la Caisse de retraite des employés locaux de la Guyane. La plaque commémorative, sous son buste, indique qu'il est le fondateur éponyme de la commune de Régina.

Théophane Régina repose au cimetière de Cayenne.

 

Monument commémoratif de Louis Athanase Théophane Régina 

 

Longtemps encore, Guisanbourg resta le bourg du quartier d'Approuague, même si le hameau de Régina poursuivait son développement au détriment de son chef-lieu. Ainsi, un poste d'adjoint spécial fut créé à Régina par décret du Président de la République Deschanel le 6 août 1920 suite à la demande du Conseil municipal d'Approuague en raison du "mouvement commercial et industriel qui s'y est produit depuis quelques temps car ce centre tend, en effet, à devenir beaucoup plus important que Guisanbourg, chef-lieu de la commune" (extrait du décret présidentiel d'août 1920).

Le ministre des colonies, A. Sarraut, expliquait aussi que le lieu-dit Régina était situé à plus de 25 km du chef-lieu et uniquement accessible par voie fluviale. La conséquence de cet éloignement était que les naissances et les décès n'étaient pas toujours déclarés au bourg ou alors, tardivement et hors des délais. Les enterrements se faisaient aussi sans l'autorisation du maire. Pour remédier à ce problème, il était donc décidé de créer un poste d'adjoint spécial.

En 1922, seront créés successivement à Régina au mois de mai une station radiotélégraphique ouverte au public, permettant d'envoyer des télégrammes à Cayenne, et en novembre, un poste de gendarmerie composé de deux hommes détachés des brigades de Cayenne. C'est, du reste, le gendarme chef de poste qui sera provisoirement chargé de l'exploitation du poste T.S.F de Régina. Une école publique sera aussi ouverte au cours de cette année 1922.

Outre l'installation progressive de services administratifs, l'activité économique de Régina poursuivra également son essor. Mais ce n'est qu'en 1936, par décret présidentiel du 11 janvier, que Régina sera érigée en bourg, chef-lieu de la commune à la place de Guizanbourg qui deviendra un hameau (une "section" selon la formule utilisée par l'administration de l'époque) doté d'un poste d'adjoint spécial. Au fil des années, Guisanbourg sera peu à peu abandonnée, ses derniers habitants quitteront l'ancien bourg au milieu des années 1980.

Les quais de Régina dans les années 1930 (source Ulysse).

Les quais de Régina dans les années 1930 (source Ulysse).

Quelques photos de Régina aujourd'hui :

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Sources :

Archives Nationales d'Outre-Mer (Etat-civil).

Base Ulysse (IREL).

Bulletins officiels de la Guyane Française.

Journal officiel de la Guyane Française.

Le Patrimoine des communes de la Guyane (Fondation Clément).

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17 novembre 2016 4 17 /11 /novembre /2016 15:58

Au cimetière de Cayenne, se trouve un monument dédié aux médecins et pharmaciens de marine morts en combattant la fièvre jaune en Guyane durant les années 1850-1858. Cette tombe fut d'abord érigée à la mémoire des trois chirurgiens de marine qui moururent durant l'épidémie qui toucha la ville de Cayenne au milieu du XIXe siècle et dont les noms sont inscrits en lettres d'or sur trois des quatre faces de la stèle en forme de pyramide qui surplombe le monument.

Sur la quatrième face de la pyramide, on peut lire ces mots : "Victimes de leur dévouement pendant  l'épidémie de fièvre jaune qui a ravagé Cayenne en 1850 et 1851". Il y est précisé que la stèle fut élevée par souscription auprès de leurs collègues et de leurs amis. Le nom de l'artisan qui a fabriqué ce monument figure aussi en bas de cette quatrième face. Il s'agit de GORJU, maçon et marbrier à Brest (Finistère), ville où se trouvait l'une des trois écoles de santé de la marine à cette époque (Brest, Rochefort et Toulon).

Le monument est composé d'une stèle en pierre en forme de pyramide très élancée surmontée d'une croix de fer, qui repose sur quatre boulets eux-mêmes posés sur un socle carré, également en pierre. Outre les quatre faces de la stèle pyramidale sur lesquels des inscriptions ont été gravées, les noms des autres médecins et pharmaciens morts entre les années 1853 et 1858, également de la fièvre jaune, figurent aussi en lettres d'or sur trois des quatre côtés du socle, soit un total de 26 noms. Sur le dernier côté, on peut lire l'inscription suivante :" Victimes du même fléau, en attendant le grand jour de la résurrection, qu'ils reposent en paix".

Ce monument était à l'origine placé à la gauche de la porte d'entrée du cimetière, au bout de l'allée qui longe l'avenue d'Estrées. Il a été déplacé il y a quelques années et se trouve maintenant dans le carré militaire du cimetière.

Il est à noter qu'un autre monument en hommage aux 21 médecins et pharmaciens de la marine victimes de la fièvre jaune au Sénégal en 1878 a été élevé, par souscription du service de santé de la marine, sur l'Île de Gorée. En réalité, 24 officiers de santé périrent durant cette épidémie au Sénégal, trois noms furent oubliés sur cette stèle commémorative.

A partir de 1868, l'appellation de "chirurgien" disparaîtra au profit de celle de "médecin"  (Mise en application généralisée du décret impérial du 14 juillet 1865 concernant la réorganisation du service de santé de la marine).

Monument à la mémoire des chirurgiens et pharmaciens de la marine morts en combattant la fièvre jaune en Guyane entre 1850 et 1858.

Monument à la mémoire des chirurgiens et pharmaciens de la marine morts en combattant la fièvre jaune en Guyane entre 1850 et 1858.

L'identification des victimes, à partir des informations nominatives et du mois de décès inscrits sur le monument, et malgré quelques petites erreurs orthographiques dans certains patronymes ou dans les prénoms, a permis de constater que l'hommage était non seulement dédié  aux chirurgiens de marine, mais aussi à leurs collègues pharmaciens. Commençons par les trois noms gravés sur la stèle pyramidale (voir les trois photos ci-dessous), chirurgiens décédés durant l'épidémie de fièvre jaune à Cayenne de 1850-1851 :

- Joachim-Louis Perbosc, né le 6 Messidore an XI (25 juin 1803) à Paris. Chirurgien-major sur l'aviso à vapeur Le Tartare, il décédera début décembre 1850 à l'âge de 47 ans sur cet aviso alors mouillé au large de Cayenne. Il semble que l'épidémie de fièvre jaune ait été importée en Guyane par cet aviso Le Tartare qui venait de Sainte-Marie-de-Bélem au Brésil. Le Capitaine de vaisseau Louis-Eugène Maissin, qui assurait officiellement l'intérim du gouverneur de la Guyane, mais aussi le commandement de l'aviso le Tartare sur lequel il était arrivé en Guyane en provenance de Toulon le 12 mai, mourut lui-aussi de la fièvre jaune le 6 janvier 1851 (Voir l'article sur Louis-Eugène Maissin "ICI").

- Hippolyte Louis Célestin Mittre, né le 8 juillet 1811 à Cuers (Var), Chirurgien de 1ère classe de la marine, décèdera le 8 janvier 1851 à l'âge de 39 ans à son domicile de la rue de Provence à Cayenne où il résidait avec sa famille. Il était alors chargé de la direction du service médical à l'hôpital militaire de Cayenne.

- Eugène Pierre Thomas Leconte, né le 8 janvier 1822 à Tonnay-Boutonne (Charente-inférieure, aujourd'hui Charente-Maritime). Venant de la Martinique pour renforcer l'équipe médicale durant l'épidémie de fièvre jaune, affecté à l'hôpital militaire le 27 décembre 1850, il sera chargé de la direction du service médical à l'hôpital militaire pendant la maladie d'Hippolyte Mittre. Chirurgien de 1ère classe de la marine, Chevalier de la légion d'honneur, il décèdera lui-aussi quelques jours après Hippolyte Mittre, le 13 janvier 1851 à l'âge de 29 ans au domicile de la veuve de Saint Quentin, rue Dauphine à Cayenne.

 

Trois chirurgiens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane fin 1850 - début 1851 : Joachim-Louis Perbos, Hippolyte Mittre et Eugène Leconte (cliquer sur une photo pour l'agrandir)Trois chirurgiens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane fin 1850 - début 1851 : Joachim-Louis Perbos, Hippolyte Mittre et Eugène Leconte (cliquer sur une photo pour l'agrandir)Trois chirurgiens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane fin 1850 - début 1851 : Joachim-Louis Perbos, Hippolyte Mittre et Eugène Leconte (cliquer sur une photo pour l'agrandir)

Trois chirurgiens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane fin 1850 - début 1851 : Joachim-Louis Perbos, Hippolyte Mittre et Eugène Leconte (cliquer sur une photo pour l'agrandir)

Outre les chirurgiens de la marine, de nombreux pharmaciens comme déjà précisé au paragraphe précédent, disparurent aussi du fait des épidémies de fièvre jaune en Guyane. On peut citer quelques noms pris au hasard sur ce monument du cimetière de Cayenne :

- Honoré Oscar Bouyer, né à La Rochelle (Charente-Inférieure), pharmacien de 3ème classe de la marine, décèdera le 12 septembre 1856 à l'hôpital militaire de Cayenne, à l'âge de 23 ans.

- Eugène Daniel Délidon, né le 10 août 1830, pharmacien de 3ème classe de la marine, succombera le 3 janvier 1854 à son domicile sur l'Île Royale (Îles du Salut), à l'âge de 24 ans.

- Artur Nedelec, né le 6 juin 1835 à Brest (Finistère), pharmacien de 3ème classe de la marine, perdra la vie le 31 octobre 1856 à l'hôpital militaire de Cayenne, à l'âge de 21 ans.

Et bien d'autres encore, chirurgiens ou pharmaciens de marine, mourront du "vomito negro (*)", comme l'on nommait parfois la fièvre jaune, à l'hôpital militaire de Cayenne, ou dans des camps et pénitenciers de Guyane, ou à bord de leur navire de guerre  ...

Les sœurs de Saint Paul de Chartres, qui soignaient les malades, notamment à l'hôpital militaire de Cayenne mais aussi dans les divers établissements pénitentiaires, payèrent aussi un lourd tribut à la suite de ces épidémies. Le coût des funérailles des personnels coloniaux, comme par exemple des officiers de santé, mais pas uniquement, décédés de la fièvre jaune durant l'exercice de leurs fonctions, était payé par l'Etat.

Ainsi, par une décision du gouverneur Louis-Adolphe Bonard du 6 août 1855, et en application des instructions ministérielles, les différents frais des funérailles de deux sœurs hospitalières de Saint Paul de Chartres et d'un chirurgien de marine, frappés par la fièvre jaune à quelques jours d'intervalle, à l'hôpital militaire de Cayenne furent intégralement pris en charge par l'Etat (imputés sur les crédits des services des hôpitaux).

Ces obsèques concernaient Mmes Scholastique  Pinsonnet, sœur Azélie, et Jenny Saulier, sœur Saint-Julien, de l'ordre de Saint Paul de Chartres (voir "ICI" l'article sur les sœurs hospitalière de St Paul de Chartres en Guyane) et de Laurent Claude Micolon, chirurgien de marine de 3ème classe.

(*) "Vomito negro" était le nom parfois donné à cette maladie à cette époque car les malades de la fièvre jaune vomissaient abondamment du sang noir.

Liste des chirurgiens et pharmaciens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane entre 1853 et 1858 (noms gravés sur les côtés du socle du monument funéraire). Liste des chirurgiens et pharmaciens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane entre 1853 et 1858 (noms gravés sur les côtés du socle du monument funéraire). Liste des chirurgiens et pharmaciens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane entre 1853 et 1858 (noms gravés sur les côtés du socle du monument funéraire).

Liste des chirurgiens et pharmaciens de marine morts de la fièvre jaune en Guyane entre 1853 et 1858 (noms gravés sur les côtés du socle du monument funéraire).

Sources :

Bulletins officiels de la Guyane française.

Archives Nationales d'Outre-Mer (Etat-civil).

Association Amicale Santé Navale et d'Outre-Mer (lire "ICI").

 

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11 novembre 2016 5 11 /11 /novembre /2016 08:56

Cette œuvre en bronze massif poli patinée noir, réalisée par le sculpteur bordelais Alain Cantarel, représente un orpailleur avec sa batée. Elle se trouve dans le grand hall de l'aéroport international Félix Éboué, à gauche avant l'entrée dans la salle d'enregistrement des passagers et des bagages, a priori depuis le 18 décembre 2008. L'initiative de sa réalisation et le choix de l'œuvre ont été faits par le Club Soroptimist de Cayenne, club service qui a aussi récolté les dons pour l'achat de cette sculpture, moderne et stylisée aux formes épurées.

Bien qu'il n'y ait apparemment aucun lien avec l'administrateur colonial et grand résistant durant la seconde guerre mondiale qui donna officiellement son nom début 2012 à cet aéroport international auparavant appelé "Rochambeau", Félix Éboué, fils de la Guyane, était aussi le descendant direct d'un orpailleur. Son père, Yves Urbain Éboué, commença son activité professionnelle comme chercheur d'or sur le placer "Enfin" avant de devenir directeur-adjoint du placer "Dieu merci", non loin de la commune de Saint-Elie.

L'objectif affiché de cette œuvre est de marquer le lien historique liant l'activité de l'orpaillage avec nombre de familles guyanaises, mais aussi de faire prendre conscience de la nécessité de respecter l'Environnement.

En effet, sur le socle en bronze de cette œuvre, sont inscrits en lettres d'or ces mots :" l'or, c'est la vie, mais la vie c'est de l'or, protégeons notre environnement".

 

"L'orpailleur", une oeuvre d'art en bronze poli, à l'aéroport international Félix Éboué (Guyane)

L'exploitation de l'or en Guyane a débuté au milieu du XIXe siècle lorsque l'amérindien d'origine brésilienne, Joseph Paolino (ou Paoline), découvrit en juillet 1855 des pépites en bordure de la crique Arataye, un des affluents du fleuve Approuague, à l'est de Cayenne. Suite à cette découverte, le commissaire-commandant du quartier de l'Approuague, Félix Couy, fut chargé par le gouverneur de la Guyane de l'époque, Louis Adolphe Bonard, par une décision du 1er août 1855, de diriger une expédition d'exploration des terrains aurifères situés sur les bords de la rivière Arataye.

D'abord localisée dans cette zone géographique avec la création en 1857 d'une première "Compagnie de l'Approuague", la recherche aurifère s'étendit plus tard au centre et à l'ouest de la Guyane. Nombre de familles guyanaises investirent dans la recherche de l'or en obtenant des concessions aurifères (placers) notamment durant le dernier quart du XIXe siècle et le premier quart du XXe siècle.

Si l'exploitation de l'or n'a pas cessé en Guyane depuis sa découverte, elle a pris depuis les années 1990 une tournure dramatique avec le développement de l'orpaillage illégal sur le territoire guyanais, principalement d'origine brésilienne. Les effets sont  dévastateurs pour l'environnement mais aussi au plan sanitaire et social : empoisonnement au mercure des populations amérindiennes, rivières polluées, déforestation sauvage de grandes superficies, dérangement de la faune, destruction des écosystèmes aquatiques, rejet de déchets divers ...

Depuis presque quinze ans, des opérations de lutte contre l'orpaillage illégal sont menées en Guyane. D'abord appelée "Opération Anaconda" en 2002, cette lutte était opérée par la seule gendarmerie nationale.  A partir de février 2008, les forces armées se joignirent aux gendarmes pour combattre ce fléau sous le nouveau nom "d'Opération Harpie". Plus d'un millier de militaires, dit-on, participent à cette opération qui obtient, jour après jour, de nombreux succès (interpellation d'étrangers en situation irrégulière, destruction des moyens logistiques). Mais la tâche est énorme par rapport aux maigres moyens mis en œuvre et à l'immense superficie concernée par ce désastre  ...

"L'orpailleur", une oeuvre d'art en bronze poli, à l'aéroport international Félix Éboué (Guyane)

Le  premier Club Soroptimist international fut créé aux Etats-Unis à Oakland le 3 octobre 1921, puis en France à Paris en janvier 1924 par Suzanne Noël. Quant à l'organisation de l'Union Française des Clubs Soroptmimist international, elle date de janvier 1930 alors que la Fédération européenne vit le jour deux ans plus tôt en 1928.

En Guyane, c'est Raymonde Henriot qui fonda le 1er Club Soroptimist International de Cayenne le 6 novembre 1976. Puis quatre autres clubs suivirent : Kourou le 9 novembre 1991, Arouman de Guyane le 29 mai 2009, et Saint-Laurent-du-Maroni le 13 septembre 2013.

Pour reprendre les termes de l'encart paru début novembre 2016 dans le quotidien France-Guyane sur l'historique du mouvement, le Soroptimist International est une voix universelle pour les femmes, une voix pour une éducation durable. Il s'engage pour : la promotion du statut de la femme, le maintien d'un haut niveau de moralité, l'égalité, le développement et la paix, le principe des droits de l'homme pour tous.

Mouvement interprofessionnel, non politique et non confessionnel, le Soroptimist International est à l'origine de nombreuses actions caritatives et éducatives à travers la planète, et notamment en Guyane via ses quatre clubs.

 

"L'orpailleur", une oeuvre d'art en bronze poli, à l'aéroport international Félix Éboué (Guyane)

Sources :

Historique du Club Soroptimist de Cayenne paru début novembre 2016 dans le quotidien France-Guyane.

Bulletins officiels de la Guyane Française.

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