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25 octobre 2023 3 25 /10 /octobre /2023 06:47

Après avoir déjà rédigé sur ce blog un article sur l'artiste bagnard Louis Grilly, et un autre sur Casimir Prénéfato, c'est à la vie de Valentin Pourcillot, sans-doute l'un des plus doués de ces peintres bagnards avec Francis Lagrange, que nous allons aujourd'hui nous intéresser. Ses tableaux reproduisent, avec précision et réalisme dans des couleurs parfois vives et d'autres plus douces, des scènes de la vie du bagne aussi bien à Saint-Laurent-du-Maroni qu'à Saint-Jean. On ne connaît pas toutes ses œuvres car, comme les autres artistes du bagne, et pour améliorer son ordinaire, il a vendu ses tableaux en Guyane (surveillants, personnels pénitentiaires, civils).

Rappelons que l'histoire du bagne en France commence en 1748 avec la création du premier bagne à Toulon, pour se terminer en 1953 avec le rapatriement des derniers bagnards de Guyane. 

Origine familiale de Valentin Ludovic Pourcillot

Né le 6 septembre 1892 à Toulouse au domicile de ses parents au n° 3 de la rue Thionville,  Valentin Ludovic Pourcillot est le fils de Firmin Joseph, employé, alors âgé de 24 ans lors de sa naissance et de Anna Emilie Adèle Cornet, règleuse, âgée de 20 ans. Firmin, père de Valentin, naît le 5 août 1868 à Toulouse sous le nom de famille de Barat. En effet son père Joseph Pourcillot, sans profession, ne reconnaîtra son fils Firmin que lors de son mariage le 25 janvier 1869 à Toulouse avec sa mère, la demoiselle Isabelle Barat, domestique.

Anna Cornet, mère de Valentin, voit le jour le 26 novembre 1872 à Nantes (alors Loire-Inférieure, aujourd'hui Loire-Atlantique), fille naturelle de Jacqueline Adèle Cornet, célibataire, lingère, âgée de 18 ans. Le couple Firmin Pourcillot et Anna Cornet, parents de Valentin, se mariera le 3 octobre 1891 à Toulouse.

Firmin Joseph Pourcillot, père de Valentin, décèdera prématurément à l'âge de 39 ans le 16 septembre 1907 à Toulouse. Sa veuve Anna Pourcillot née Cornet, mère de Valentin, se remariera huit ans plus tard le 26 août 1915 à Toulon avec Albert Jean Montant. Elle décèdera à Cadillac (Gironde) le 27 juillet 1957.

Ayant grandi dans une famille modeste mais a priori sans histoire, Il semble que la mort de son père ait eu un impact important sur son comportement. Ce n'est en effet que quelques mois plus tard que le jeune Valentin Pourcillot commettra son premier méfait, pour ne plus jamais s'arrêter. 

 

 "Saint-Laurent-du-Maroni, Jour de courrier, 1934". 

De la maison de correction au 3e Bataillon d'Afrique

Le 25 juillet 1908 à Angers, il sera condamné par le tribunal correctionnel à 25 francs d'amende pour contravention à la police des chemins de fer. Quelques mois après, le 4 décembre 1908, il comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour vol d'une montre.  Âgé de 16 ans, sans domicile fixe, Valentin Pourcillot fut effectivement accusé du vol d'une petite montre de dame en or, qui appartenait au patron de la barque le Tarn, en stationnement sur le canal du midi au port fluvial de Saint-Sauveur.

Le patron ne revit plus sa montre le 2 novembre au soir, et ne revit plus non plus le jeune Pourcillot. "En vertu de la loi des phénomènes concomittants" (sic), le tribunal l'a condamné à être enfermé jusqu'à l'âge de 18 ans dans une maison de correction. Lors de l'audience en appel le 6 janvier 1909, la Cour confirmera la sanction mais décidera que l'internement se prolongera jusqu'à ses 20 ans.

Finalement, et sans-doute pour s'en sortir, Valentin Pourcillot s'engagera dans l'armée le 21 avril 1911 à la mairie de Toulon pour une durée de quatre ans. Lors de son engagement, il déclare être musicien et son niveau d'instruction est classé 3, ce qui veut dire qu'il sait lire, écrire et compter. Incorporé au 14e Régiment d'infanterie le 24 avril, il sera plus tard transféré par mesure disciplinaire au 83e Régiment d'infanterie à Saint-Gaudens où il arrivera le 21 septembre 1911. Manquant à l'appel dès le 21 septembre, il est déclaré déserteur le 28 septembre.

"Sur les conseils de sa mère" déclara son avocat lors de son procès militaire, il se présentera volontairement aux autorités à Toulon le 5 novembre 1911 et sera condamné le 10 janvier 1912 par le Conseil de guerre de la 17e Région à 3 mois de prison pour désertion à l'intérieur en temps de paix (Circonstances atténuantes admises). Le 6 février, il sera affecté au 9e Régiment  d'infanterie à Agen. Accusé de vol d'un porte-monnaie appartenant à l'un de ses camarades pendant la baignade le 20 juillet 1912 et d'un bris de clôture en voulant s'évader, il sera condamné par le Conseil de guerre à un an de prison.

Gracié du restant de sa peine le 2 mai 1913, il est affecté en Afrique du Nord au 4e Bataillon d'Afrique à compter du 25 mai comme chasseur de 2ème classe. Quelques mois plus tard, une nouvelle mutation disciplinaire l'expédie le 19 juillet 1913 au 3e Bataillon d'Afrique.

Ces bataillons d'Afrique, composés de soldats ayant de lourds casiers judiciaires, entretenaient à l'époque une discipline de fer dans le but de mater les fortes têtes et de casser les durs à cuire.

 

 "Saint-Jean-du-Maroni, 1934"

Du pénitencier de Douéra (Algérie) au pénitencier de Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane)

Loin de le calmer, ce régime endurcira encore davantage le soldat Pourcillot. Il sera une nouvelle fois condamné par le Conseil de guerre dans sa séance du 19 février 1915 à deux ans de prison pour refus d'obéissance. Il sera écroué le 24 mars 1915 au pénitencier militaire de Douéra (petit village à 18 km d'Alger) où il réussira à obtenir une remise de peine de trois mois. Manquant à l'appel le 17 août 1916, il est déclaré déserteur le 20 août et sera ramené au régiment sous escorte de la gendarmerie.

Le 31 août 1918, il s'échappera de l'hôpital de Fort de l'Empereur à Alger et sera déclaré déserteur le 3 septembre 1918. Condamné le 15 octobre 1918, il s'évadera de la prison annexe de la Bouzareah à Alger dans la nuit du 20 octobre, et sera à nouveau déclaré déserteur le 23 octobre 1918. Repris et détenu, il s'échappe dans la nuit du 3 au 4 avril 1919 de l'hôpital Maillot d'Alger où il était en traitement. Il sera interpellé une vingtaine de jours plus tard par les agents de la Sûreté d'Alger. 

On le retrouve à Toulouse le 19 février 1920 au tribunal correctionnel où il est condamné à six mois d'emprisonnement pour vol et port illégal d'uniforme. Il comparaît quelques mois après devant le même tribunal de Toulouse pour vol au préjudice de la Compagnie des chemins de fer du Midi où il est condamné à quatre mois de prison. Evadé de l'infirmerie de l'hôpital de Collioure dans la nuit du 7 au 8 juin 1920, il sera déclaré déserteur le 14 juin 1920. Il sera à nouveau condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse le 20 septembre 1920 à quatre mois d'emprisonnement pour vol commis en juillet 1920.

Valentin Pourcillot sera réformé définitivement pour invalidité constatée à 60% (sans pension) par la commission de réforme de Toulouse le 25 octobre 1921 pour ankylose du genou gauche et paludisme. Une deuxième commission de réforme le 28 juin 1925 à Marseille la rendra définitive mais avec quelques modifications : "invalidité inférieure à 10% pour allégation d'accès de paludisme survenant au changement de saison ; état général un peu déficient ankylose du genou gauche reliquat d'une arthrotomie pour arthrite purulente".

Valentin Pourcillot trouvera quand même le temps, entre deux délits et évasions, de se marier. Il épousera le 18 juillet 1922 à Narbonne (Aude) la nommée Georgette Hélène Marguerite Chanoine. Le couple n'aura pas d'enfant.

Le 14 avril 1926, il est condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à six mois de prison pour vol. Quelques jours plus tard, ce même tribunal lui inflige 15 jours de prison et 5 frs d'amende pour outrages à agents et insultes. Il est encore jugé coupable le 14 février 1927 et écope de trois mois de prison pour vol, toujours à Lyon. Enfin, le 5 mai 1927 et toujours dans cette ville, le tribunal le sanctionne d'un an et un jour de prison et à la relégation pour recel de vêtements et étoffes (soieries), délit commis le 18 février 2017. Il sera incarcéré à la prison de Riom (Puy-de-Dôme).

La cour d'appel de Lyon confirmera le 16 mai 1927 sa condamnation à la relégation individuelle malgré une infirmité au genou gauche (ankylose). Il était en effet atteint de claudication.

Cette dernière condamnation pour recel, sans-doute celle de trop, conduira Valentin Pourcillot au dépôt forteresse de Saint-Martin-de-Ré où il attendra son départ pour le bagne de la Guyane.

Pendant sa présence en Afrique du Nord, le soldat Valentin Pourcillot fera des dessins sur mouchoirs qu'il signera (Voir ci-dessus - cliquer sur une des photos pour l'agrandir).Pendant sa présence en Afrique du Nord, le soldat Valentin Pourcillot fera des dessins sur mouchoirs qu'il signera (Voir ci-dessus - cliquer sur une des photos pour l'agrandir).Pendant sa présence en Afrique du Nord, le soldat Valentin Pourcillot fera des dessins sur mouchoirs qu'il signera (Voir ci-dessus - cliquer sur une des photos pour l'agrandir).

Pendant sa présence en Afrique du Nord, le soldat Valentin Pourcillot fera des dessins sur mouchoirs qu'il signera (Voir ci-dessus - cliquer sur une des photos pour l'agrandir).

Ses courtes années au bagne de Guyane

Embarqué sur le "Martinière" (navire prison) le 3 avril 1928, il arrivera à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane le 21 avril sous le matricule 14137. Sur sa notice individuelle, il est indiqué "qu'en raison de son infirmité, ne peut être classé qu'à des travaux en atelier et assis autant que possible". A Saint-Laurent, il travaillera un temps comme typographe avant d'être réintégré à Saint-Jean-du-Maroni pour ivresse.

Là encore, Valentin Pourcillot tentera à quelques reprises de s'échapper : - Évadé le 14 décembre 1931, repris le jour même, - Disparu le 30 septembre 1932, il sera repris le 1er octobre et condamné à 8 jours de réclusion le 31 octobre 1932, - Disparu le 3 août 1935, retrouvé le 6 août près d'un radeau, condamné le 19 août 1935 à un mois de réclusion. Il aura malgré cela réussi à obtenir une concession provisoire (n°16) le 14 mars 1935 d'une superficie de 14 ares.

Le 31 mars 1936, Valentin Pourcillot est relevé de la relégation. Il sera jugé et condamné une dernière fois par le tribunal d'instance de Cayenne le 29 décembre 1936 à trois mois de prison et à 25 frs d'amende pour vol.

Il décèdera à Cayenne le 3 septembre 1937 à l'âge de 45 ans.

 

"Saint Laurent du Maroni, Débarquement de Forçats Le Martinière" 

Autres tableaux de V. Pourcillot :

 

"Saint Jean du Maroni, Coopérative des surveillants militaires" 

 

"Saint Laurent du Maroni, Entrée du bagne" 

 

Sources :

Quotidien L'Express du midi ( 18 septembre 1907 / 7 décembre 1908 / 8 janvier 1909 / 11 janvier 1912 / 29 août 1912 / 21 septembre 1920).

L'Écho d'Alger ( 1er mai 1919).

Archives départementales numérisées - Etat-civil (Haute-Garonne, Loire-Atlantique).

Éléments de biographie et photos des tableaux de V. Pourcillot communiqués par François Morand (Galerie Morand à St Eulalie-En-Born, 40).

Arts graphiques - Forum 14-18 Pages.

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16 janvier 2023 1 16 /01 /janvier /2023 12:32

Lorsque l'on évoque les artistes du bagne de Guyane, on pense tout de suite à Francis Lagrange alias FLAG qui a réalisé des fresques, notamment celles de l'intérieur de la chapelle de l'Île Royale (cliquer "ICI") et de nombreux tableaux représentant des scènes de la vie au bagne, ou encore au bagnard Pierre Huguet qui a peint l'intérieur de l'église Saint Joseph d'Iracoubo (cliquer "ICI").

Mais il y en a eu bien d'autres comme Daniel Capbal, ou LK, ou Casimir Prénéfato , ou Valentin Pourcillot, ou encore Louis Grilly. C'est à ce dernier peintre du bagne que nous allons nous intéresser dans ce petit article. A travers leurs peintures, ces bagnards trouvaient ainsi un petit espace de liberté, mais aussi le moyen d'améliorer leur ordinaire en échangeant parfois leurs tableaux avec des représentants de l'administration pénitentiaire (surveillants ...) contre de la nourriture ou d'autres objets utiles à leur survie.

D'autres bagnards utiliseront des supports qu'ils trouvaient dans la nature comme des coquillages, des noix de coco, des planches de bois, des bouts de branche ou encore des calebasses qu'ils graveront, sculpteront ou décoreront. Quant aux artistes-peintres, leur support pouvait être la toile d'un sac de farine ou celle d'une tenue de bagnard, une assiette ou encore de la tôle ...

Louis Joseph Ulysse Grilly est né le 13 février 1899 à Fressenneville (Somme), de Joseph François Marie Grilly, ouvrier serrurier, âgé de vingt six ans, et de Marie Camille Mercier, son épouse, âgée de vingt et un ans, exerçant la profession de serrurière, et demeurant tous deux dans la commune de Fressenneville.

L'on apprendra au cours d'un de ses jugements que Louis était l'ainé d'une fratrie de dix enfants, que son père qui était alcoolique et paresseux, avait complètement négligé l'éducation de ses fils. En effet, Louis Grilly, livré à ses mauvais instincts, commettra dès son plus jeune âge des vols qui le conduiront directement devant la justice pour la première fois le 18 mai 1916.

Eu égard à son jeune âge, le tribunal d'Evreux l'acquittera pour ses premiers délits jugeant qu'il avait agi sans discernement et le confiera à la société de patronage d'Evreux. Cette société de patronage avait en charge l'assistance aux libérés et la défense, le placement, l'aide aux enfants traduits en justice.

Ce tableau de Louis Grilly intitulé "Le bagne de Cayenne en 1936" a été peint sur une toile de sac de farine. Le pénitencier de Cayenne était situé à l'actuel emplacement de l'Institut Pasteur.

Ce tableau de Louis Grilly intitulé "Le bagne de Cayenne en 1936" a été peint sur une toile de sac de farine. Le pénitencier de Cayenne était situé à l'actuel emplacement de l'Institut Pasteur.

Louis Grilly, un délinquant multirécidiviste

Après ce premier jugement en mai 1916, Louis Grilly s'enfoncera de plus en plus dans la délinquance.

Une nouvelle affaire le conduira le lundi 15 octobre 1917 devant la Cour d'Assises du Calvados pour incendie volontaire et vol qualifié. En effet, et alors qu'il était employé comme domestique de ferme au service de la veuve Blin, cultivatrice à Sainte-Foy-de-Montgommery, dont le mari avait été tué au front en 1916, il projeta de lui voler la somme de 3750 francs, et de mettre le feu à la ferme. Grilly sauvera le plus jeune enfant de la veuve Blin, âgé de 18 mois, et coura donner l'alarme dans la commune voisine de Livarot (Calvados). Après avoir dans un premier temps nié les faits, Louis Grilly passera aux aveux complets et sera condamné à cinq ans d'emprisonnement.

ll purgeait sa peine à la maison centrale de Beaulieu à Caen, lorsqu'il fut extrait le 13 août 1918 pour être dirigé sur le camp de travailleurs spéciaux d'Amblainville (Oise) où il arriva le 15 août. Le 31 août, il s'évadait et revenait dans la région où il habitait avant sa condamnation. Sans ressources, il erra dans les campagnes tout en commettant plusieurs autres vols importants. Arrêté par les gendarmes le 12 octobre à Léaupartie (Calvados), il fut écroué le 16 octobre à la maison d'arrêt de Lisieux avant sa comparution devant le juge. Mais il s'échappera du Palais de justice le 8 novembre, faussant compagnie aux gendarmes chargés de le surveiller. Il commettra trois autres cambriolages durant sa courte cavale avant d'être arrêté le 9 novembre par le garde-champêtre du village de Crèvecoeur (aujourd'hui Crèvecoeur-le-grand dans l'Oise).

Louis Grilly, sans domicile fixe, domestique de ferme, sera une nouvelle fois jugé par la Cour d'Assises du Calvados lors de la séance du 9 avril 1919 et condamné à dix ans de réclusion et à la relégation. La relégation, peine supplémentaire du XIXe et du début du XXe siècle, consistait à maintenir interné, dans une colonie, un condamné aux travaux forcés après l'accomplissement de la peine principale.

Il sera également condamné une dernière fois par arrêt contradictoire en date du 23 octobre 1919 de la Cour d'Assises de l'Eure, siégeant à Evreux, à douze années de réclusion et de relégation pour vols qualifiés. C'est ainsi que Louis Grilly prit le chemin du bagne de la Guyane ...

Les bâtiments du bagne de Cayenne, au bord de la mer, vers 1935 par Louis Grilly (Marseille, Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée). Ce titre a probablement été donné par le Musée, mais en réalité il s'agit bien de la Caserne d'infanterie coloniale à Cayenne connue sous le nom de Caserne Loubère.

Les bâtiments du bagne de Cayenne, au bord de la mer, vers 1935 par Louis Grilly (Marseille, Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée). Ce titre a probablement été donné par le Musée, mais en réalité il s'agit bien de la Caserne d'infanterie coloniale à Cayenne connue sous le nom de Caserne Loubère.

Condamné à la réclusion et à la relégation en Guyane, Louis Grilly embarquera le 27 décembre 1921 à bord de la Martinière et arrivera dans la colonie en 1922. La conduite du transporté Grilly a été médiocre dès son arrivée dans la colonie jusqu'en 1926. Il sera désigné Transporté de 1ère classe à partir du 1er avril 1928.

Louis Grilly ne s'est ensuite plus fait remarquer et n'a plus jamais encouru de peine ni de punition disciplinaire jusqu'à sa libération. A noter toutefois qu'il s'était évadé du bagne à quatre reprises et toujours repris. Sa dernière évasion a eu lieu au camp disciplinaire de Charvein dans l'ouest de la Guyane, non loin de Saint-Laurent-du-Maroni.

Le 17 décembre 1929, il fit une demande pour être porte-clefs, c'est-à-dire pour devenir un forçat employé comme auxiliaire de l'administration pénitentiaire. Sa demande sera rejetée au motif que "ce transporté actuellement à l'hôpital est peintre aux travaux". Il terminera sa peine et sera libéré le 16 avril 1936 et restera encore deux ans à Saint-Laurent-du-Maroni avant de partir s'installer à Saint-Jean-du-Maroni. Il sera relevé définitivement de sa condamnation à la relégation en 1946.

Il restera cependant en Guyane jusqu'à sa mort qui surviendra en 1970 à Cayenne.

Le camp des Roches, situé à la pointe des Roches à l'embouchure du fleuve Kourou (1930) par Louis Grilly (huile sur toile). Le pénitencier des Roches, ouvert en 1856, était principalement à vocation agricole.

Le camp des Roches, situé à la pointe des Roches à l'embouchure du fleuve Kourou (1930) par Louis Grilly (huile sur toile). Le pénitencier des Roches, ouvert en 1856, était principalement à vocation agricole.

Quelques autres peintures du peintre bagnard Louis Grilly

cliquer sur une des peintures pour l'agrandircliquer sur une des peintures pour l'agrandircliquer sur une des peintures pour l'agrandir

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Cette toile ci-dessus représentant un paysage de Guyane se trouve à la Galerie Morand Collection à Saint-Eulalie-en-Born (40200).

Cette toile ci-dessus représentant un paysage de Guyane se trouve à la Galerie Morand Collection à Saint-Eulalie-en-Born (40200).

Ces deux tableaux ci-dessus sont la propriété d'un particulier dont le grand-père était gardien au bagne en Guyane. Ces deux tableaux ci-dessus sont la propriété d'un particulier dont le grand-père était gardien au bagne en Guyane.

Ces deux tableaux ci-dessus sont la propriété d'un particulier dont le grand-père était gardien au bagne en Guyane.

Trois tableaux de L. Grilly au Musée départemental Alexandre Franconie de Cayenne

Ces trois tableaux (1930 ?) ont été achetés par le Musée départemental Alexandre Franconie à Cayenne en 1991.Ces trois tableaux (1930 ?) ont été achetés par le Musée départemental Alexandre Franconie à Cayenne en 1991.Ces trois tableaux (1930 ?) ont été achetés par le Musée départemental Alexandre Franconie à Cayenne en 1991.

Ces trois tableaux (1930 ?) ont été achetés par le Musée départemental Alexandre Franconie à Cayenne en 1991.

Trois tableaux de L. Grilly mis en vente aux enchères à Quimper (29) en mai 2016

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Un tableau de L. Grilly récemment mis en vente sur Ebay (septembre 2017)

Ce tableau de Grilly est intitulé "Guyane, Maroni".

Ce tableau de Grilly est intitulé "Guyane, Maroni".

Trois nouveaux tableaux de Grilly provenant d'une collection privée en Bretagne (rajoutés en Janvier 2023)

Ces tableaux représentent les trois Îles du Salut (Royale, Diable et Saint-Joseph) en GuyaneCes tableaux représentent les trois Îles du Salut (Royale, Diable et Saint-Joseph) en GuyaneCes tableaux représentent les trois Îles du Salut (Royale, Diable et Saint-Joseph) en Guyane

Ces tableaux représentent les trois Îles du Salut (Royale, Diable et Saint-Joseph) en Guyane

Deux nouveaux tableaux de Grilly appartenant à un collectionneur privé (Rajoutés en Novembre 2023)

Gros plan sur le bagnard Louis Grilly, artiste-peintre, et ses tableaux sur la GuyaneGros plan sur le bagnard Louis Grilly, artiste-peintre, et ses tableaux sur la Guyane

Sources :

https://criminocorpus.org/fr/musee/les-artistes-du-bagne/

Normannia.info (L'indicateur de Bayeux : 1916/1917/1919 et Le Lexovien : 1916/1919).

Archives départementales en ligne de la Somme (Etat-civil numérisé).

Musée Balaguier au Fort de la Seyne-sur-Mer (83).

Musée Départemental Alexandre Franconie à Cayenne (973).

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27 janvier 2020 1 27 /01 /janvier /2020 13:31

Né le 15 janvier 1845 à Cayenne dans une belle maison créole située au n° 1 rue de Choiseul, renommée rue de la Liberté fin XIXe début XXe siècle, puis rebaptisée aujourd'hui sous le nom d'avenue du Général De Gaulle. Gustave était mulâtre - on dirait aujourd’hui métis - d’un père issu d’une vieille famille de blancs installée en Guyane au XVIIIe siècle et d’une mère également mulâtresse. Le père de Gustave, Alexandre Franconie, était négociant et jouissait en Guyane d’une excellente réputation, apprécié et respecté aussi bien par la population locale que par les colons.

Gustave grandit dans cette grande maison auprès de son frère Elie, de douze ans son aîné. Celui-ci travaillait au négoce (conserves alimentaires, morue, tafia, vins divers, bitter d'Angostura) avec son père et lui succéda quand ce dernier prit sa retraite. Intelligent, érudit, et républicain, Alexandre donna une bonne éducation à son fils Gustave. Celle-ci fut développée et approfondie par le journaliste déporté politique Charles Delescluze qui purgea en partie sa peine en Guyane où il arriva en octobre 1858, en séjournant d'abord durant un mois sur l'île du Diable aux Îles du Salut au large de Kourou, puis à Cayenne.

En novembre 1858, il sera accueilli chez Alexandre Franconie à Cayenne où il resta jusqu’en novembre 1860, date de son départ de la Guyane après l’amnistie générale des déportés politiques. Durant son séjour de deux ans chez Alexandre Franconie, Charles Delescluze sera notamment chargé de l’éducation du jeune Gustave. Ce précepteur atypique aura une influence décisive sur l’orientation intellectuelle et politique du jeune Franconie. Son père l’enverra ensuite à Paris poursuivre ses études secondaires, d’abord au lycée Bonaparte puis au lycée Charlemagne. Souhaitant poursuivre des études de médecine, Gustave devra rentrer à Cayenne à la demande de son père pour diriger, avec son frère Elie, le négoce familial.

Outre son activité commercial, son frère Frédéric Elie, né le 3 juin 1833 à Cayenne, sera élu maire de Cayenne de juillet 1880 à juin 1882. Il décèdera le 2 août 1882 à l'âge de 49 ans. Frédéric Elie et Paul Gustave, les deux frères, seront reconnus par leur père Alexandre Franconie une première fois le 23 mars 1849, mais aussi lors de son mariage avec la mère de ses deux fils, Marie Geneviève Gertrude, le 27 juillet 1853 à Cayenne. 

Cette maison créole, autrefois demeure et négoce de la famille Franconie, abrite aujourd'hui le musée départemental Alexandre Franconie ainsi que la bibliothèque municipale de Cayenne

Cette maison créole, autrefois demeure et négoce de la famille Franconie, abrite aujourd'hui le musée départemental Alexandre Franconie ainsi que la bibliothèque municipale de Cayenne

Durant quelques années, Gustave participa au commerce mais sans grand enthousiasme ni intérêt. Il collabora vers la fin des années 1870 au Journal d'Outre-Mer du journaliste Pierre Alype, directeur-fondateur de cet hebdomadaire créé en 1872 et dédié aux questions coloniales. Plus tard, ce dernier rejoindra Gustave à la Chambre car il sera élu député des Etablissements français de l'Inde en septembre 1881, siégeant dans les rangs de la gauche radicale.

Profitant d'une élection législative partielle à Cayenne le 22 juin 1879, dans le cadre du rétablissement de la députation en Guyane et au Sénégal à la suite de leur suppression en 1875, Gustave se présenta contre le candidat parachuté Camille Pelletan et fut élu au premier tour. Il sera réélu en 1881, 1885, 1889, 1890(1), 1893. Il sera battu en 1898 par Henri Ursleur, alors maire de Cayenne, ainsi qu'en 1902. De sa première législature jusqu'en 1889, Gustave siégeait sur les bancs de l'extrême gauche, puis à cette date dans le groupe des socialistes unifiés. Il était en effet un membre actif du parti communiste français.

(1) L'élection partielle de 1890 en Guyane avait été provoquée par sa démission le 31 mai suite à un différend avec le sous-secrétaire d'Etat aux colonies, Eugène Etienne, à la suite de la suppression des neuf conseils municipaux guyanais. Il sera réélu le 17 août 1890.

Il sera également membre du groupe de la Libre-Pensée du dixième arrondissement de Paris. Gustave Franconie était aussi pour "l'abolition de l'armée permanente" selon les termes utilisés à l'époque (Il soutenait la Ligue prônant pour une armée composée de professionnels). 

Ses opposants en Guyane lui reprochaient de ne pas s'intéresser suffisamment aux affaires du pays, lui qui avait fixé sa résidence en métropole, en région parisienne. Il arriva même à Gustave Franconie d'être réélu député sans faire l'effort de se déplacer en Guyane, communiquant avec ses électeurs par correspondance et envoi de circulaires ou brochures critiquant ses adversaires et mettant en avant son activité en faveur de la Guyane.

Il récupérera son siège de député en mai 1906 et ce, jusqu'à son décès sur La Normandie à l'âge de 65 ans le 22 janvier 1910 dans la matinée au mouillage en rade de Pointe à Pitre en Guadeloupe, alors que le paquebot avait quitté Saint Nazaire le 11 janvier affrété par la Compagnie Générale Transatlantique. Malade depuis quelques années, il avait déjà renoncé à prendre une part très active aux travaux parlementaires.

Sur cette carte postale du début du XX° siècle, le premier bâtiment à gauche est la mairie de Cayenne. La maison suivante, sur le même côté gauche, est l'ancienne maison Franconie. Celle-ci fut vendue par Gustave à l'administration coloniale en 1885. Conformément au testament de son père Alexandre, il avait déjà fait don en 1883 de la bibliothèque de son père à la Colonie.

Sur cette carte postale du début du XX° siècle, le premier bâtiment à gauche est la mairie de Cayenne. La maison suivante, sur le même côté gauche, est l'ancienne maison Franconie. Celle-ci fut vendue par Gustave à l'administration coloniale en 1885. Conformément au testament de son père Alexandre, il avait déjà fait don en 1883 de la bibliothèque de son père à la Colonie.

Gustave Franconie s'était marié le 10 juillet 1879 à Paris 10° avec Marie-Madeleine Gindre, née le 24 septembre 1855 à Lyon, avec lequel il aura deux filles et un garçon : - Marie-Pauline Jeanne Elise née le 29 janvier 1880 à Paris 10° et décédée le 4 mai 1951 à Paris 9°, - Alexandrine Henriette Gertrude née le 23 février 1882 à Paris 8° et - Henri Etienne. Ce dernier, né le 20 décembre 1883 à Paris 5°, se suicidera le 5 janvier 1906 dans l'allée du jardin de la préfecture maritime de Rochefort en se tirant une balle dans la région du cœur, alors qu'il n'avait que 23 ans. 

Henri Etienne Franconie avait déjà effectué un séjour à l'école navale de médecine de Brest, puis se trouvait à l'école de Rochefort. Il préparait l'entrée à l'école de santé navale de Bordeaux, seule école habilitée à délivrer le doctorat, diplôme devenu obligatoire pour exercer la médecine. Or, Henri était admissible à cette école universitaire, mais il semble que les craintes qu'il avait de ne pas réussir à l'examen final, ne seraient pas étrangères à sa fatale décision.

Gustave Franconie et sa famille ont déménagé plusieurs fois dans plusieurs arrondissements de Paris (dans le 10° au 23 rue d'Enghien / au 2 de la rue Monge à Paris 5° / au 31 rue de Boissy dans le 8°), puis en région parisienne : au n° 5 de l'avenue Horace Vernet à Le Vésinet, et au 2 rue Eugénie à Asnières. Le couple Franconie se séparera définitivement dans le cadre de leur jugement de divorce le 17 juillet 1897 par le tribunal civil de la Seine, après 18 ans de mariage.

Sur cette photographie prise du Fort Cépérou au début du XX° siècle, on aperçoit la grande maison Franconie sur la gauche, juste avant la place des Palmistes. Comme déjà précisé, la rue de la Liberté est devenue aujourd'hui l'avenue du Général de Gaulle.

Sur cette photographie prise du Fort Cépérou au début du XX° siècle, on aperçoit la grande maison Franconie sur la gauche, juste avant la place des Palmistes. Comme déjà précisé, la rue de la Liberté est devenue aujourd'hui l'avenue du Général de Gaulle.

Sources :

Archives nationales d'Outre-Mer (ANOM).

Archives numérisées de Paris - Etat-civil.

Le Panthéon de l'industrie du 23 août 1885.

Le Figaro du 20 mars 1886.

http://www.histoire-vesinet.org/franconie-g.htm

Le Journal du 6 septembre 1906.

Base de données des parlementaires Sycomore.

L'Intransigeant du 23 novembre 1883 et du 10 octobre 1884.

Le Radical du 7 septembre 1906.

L'Humanité du 24 janvier 1910 (Mort de Franconie) et 7 février 1910.

 

 

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2 juillet 2018 1 02 /07 /juillet /2018 15:41

Excepté pour quelques uns qui s'intéressent à l'histoire de la Guyane, le nom de Paul Merwart ne doit rien évoquer pour la grande majorité de la population. Ce n'est a priori pas si étonnant car ce peintre de la marine et des colonies n'a pas non plus séjourné très longtemps en Guyane, et il y a longtemps de cela ! En effet, il n'est resté que neuf mois car arrivé le 29 juin 1901 à Cayenne, il a quitté la Guyane à destination de la Martinique le 3 avril 1902. Pourtant, et comme vous allez le voir, il a laissé quelques belles réalisations, encore aujourd'hui visibles, de son passage dans ce pays qui était alors une colonie française en Amérique du Sud.

Né le 25 mars 1855 en Russie à Marianowka, d'un père français résidant en Pologne mais à l'époque partie de l'empire russe, et d'une mère polonaise. Il passe sa jeunesse en Pologne puis fait ses études aux Beaux-arts de Vienne, de Munich et de Dusseldorf. Il s'inscrit à l'école des beaux-arts à Paris entre 1877 et 1884. Élève préféré du portraitiste réputé Henri Lehmann, il réalise de nombreuses toiles, et des tableaux remarqués qui seront achetés par l'Etat ou par des musées locaux.

Artiste-peintre, décorateur, illustrateur, il s'essaie à la peinture d'histoire, de genre, au portrait, au paysage, à la décoration. Il s'applique à acquérir la maîtrise complète de toutes les branches de son art : peinture à l'huile, aquarelle, pastel. Puis, il effectue de nombreux voyages pour visiter les musées d'Allemagne, de Hollande, d'Italie, et fait plusieurs séjours en Russie sur le Mont Oural et la mer Caspienne.

Comme dessinateur, son œuvre est très importante. Il réalise de nombreux dessins pour des journaux comme L'Illustration ou L'Univers illustré. Il participe notamment à illustrer l'Édition nationale de l'Œuvre de Victor Hugo. Par décision du ministre du 6 juin 1895, il devient officiellement peintre des colonies. Il sera nommé peintre de la marine en 1900. Il voyage dans de nombreux pays (Asie, Îles Canaries, Sénégal, Tunisie, Congo, Soudan ...). Il sera d'ailleurs nommé vice-président de la société coloniale des beaux-arts.

Affecté par le décès de son épouse en mars 1901, il sollicite auprès du ministère des colonies une mission en Guyane et aux Antilles, colonies encore inexplorées des peintres. Son frère cadet, Émile Merwart, secrétaire général des colonies, est alors gouverneur par intérim de la Guyane française.

Malheureusement, après son séjour guyanais, Paul Merwart trouvera la mort à Saint-Pierre en Martinique lors de l'explosion de la montagne Pelée le 8 mai 1902 à l'âge de 47 ans.

En hommage à Paul Merwart, une stèle avec son portrait en médaillon, sera apposée à l'entrée de la caverne d'Augas en forêt de Fontainebleau. Érigé par souscription publique, ce monument, oeuvre du sculpteur Ernest Dubois, sera inauguré le 15 juin 1906 en présence de sa famille : sa mère Mme Pauline Merwart, son frère, Mr. Émile Merwart, gouverneur du Congo français, et son autre frère Mr Léon Merwart, expert comptable.

En hommage à Paul Merwart, une stèle avec son portrait en médaillon, sera apposée à l'entrée de la caverne d'Augas en forêt de Fontainebleau. Érigé par souscription publique, ce monument, oeuvre du sculpteur Ernest Dubois, sera inauguré le 15 juin 1906 en présence de sa famille : sa mère Mme Pauline Merwart, son frère, Mr. Émile Merwart, gouverneur du Congo français, et son autre frère Mr Léon Merwart, expert comptable.

Paul Merwart visitera durant son séjour les sites les plus pittoresques de la Guyane française mais aussi de la Guyane hollandaise (actuel Surinam) prenant partout des croquis et des esquisses. Il remontera le fleuve Oyapock, frontière naturelle avec le Brésil, jusqu'au saut Café soka. Puis il fera une petite exploration du fleuve Maroni, frontière avec la Guyane hollandaise, jusqu'au saut Hermina.

En août 1901, il s'embarquera avec M. Levat sur le fleuve Sinnamary. David Levat était un explorateur, ingénieur civil, qui étudiera en Guyane un tracé de chemin de fer devant desservir les placers depuis Cayenne. Ils remonteront ce fleuve jusqu'au confluent avec la rivière Courcibo et jusqu'à la crique Tigre. A Courcibo, une drague à or, système Levat, était installé et semblait donner d'excellents résultats avec un personnel restreint. Cet ancien élève de l'école polytechnique et de l'école des mines concevra en effet en Guyane plusieurs dragues aurifères telles que les dragues Danica et Flora.

P. Merwart séjournera aussi chez les amérindiens Palicours et dans les villages des noirs marrons Saramacas au cours duquel il peindra de nombreuses toiles. Exténué par son exploration de la Guyane, il clôturera sa mission artistique par une exposition au musée local (actuel musée Alexandre Franconie) de Cayenne du 23 au 30 mars 1902 où près de 80 toiles seront présentées. Cette exposition qui attirera plus de 2000 visiteurs, avait été ouverte le dimanche 23 mars à 9 h du matin par le gouverneur Joseph François, accompagné de son épouse, et par le secrétaire général des colonies, Émile Merwart.

A cette occasion, le gouverneur félicitera l'artiste-peintre pour le travail considérable accomplie durant sa présence en Guyane. Il constatera aussi que pendant son séjour dans la colonie, il avait conquis la sympathie de tous, et que les habitants conserveraient un souvenir ému de l'homme et de l'artiste.

Oeuvre de Paul Merwart, cette peinture à l'huile représente l'inauguration du monument le 31 août 1901, érigé au cimetière de Cayenne, en hommage aux victimes de Mapa.

Oeuvre de Paul Merwart, cette peinture à l'huile représente l'inauguration du monument le 31 août 1901, érigé au cimetière de Cayenne, en hommage aux victimes de Mapa.

La toile ci-dessus représentant l'inauguration du Monument de Mapa au cimetière de Cayenne est encore aujourd'hui exposée au musée Franconie de Cayenne. Si vous voulez connaître l'histoire de ce monument, il faut cliquer "ICI" pour accéder à l'article qui lui est dédié sur ce blog. Outre ce tableau, Paul Merwart réalisera également une esquisse représentant la Reprise du fort Cépérou par le vice-amiral d'Estrées. Celle-ci sera finalisée sous forme de peinture à l'huile par le peintre Charles Morel en 1903.

 

Paul Merwart avait pris la précaution d'envoyer en France bon nombre de ses peintures et aquarelles de Guyane avant de s'embarquer pour la Martinique. Son travail réalisé localement n'a donc pas totalement disparu avec lui lors de l'explosion de la Montagne Pelée. On retrouve certaines de ses toiles dispersées dans plusieurs musées en métropole. Pour l'anecdote, et à l'initiative de son frère Émile, quelques restes de la dépouille physique de Paul Merwart, ainsi que quelques objets lui ayant appartenu, avaient été retrouvés le 29 octobre 1903 dans les ruines de son atelier à l'hôtel de l'Intendance à Saint-Pierre. Ces menus ossements furent envoyés à sa famille sur décision du gouverneur de la Martinique du 8 mai 1906 et placés derrière la plaque en marbre de la stèle érigée en forêt de Fontainebleau.

Sur la demande de son frère, le gouverneur par intérim Émile Merwart, qui s'étonnait que Cayenne n'ait pas d'armoiries ni de devise comme la plupart des villes de France, le peintre de la marine et des colonies s'attela donc à dessiner le blason de Cayenne qu'il présentera le 25 septembre 1901 lors de la première réunion du comité de patronage du Musée local. Les armoiries de Cayenne avaient été peintes sur un tableau en wacapou, bois du pays, avec la devise écrite en latin "Fert aurum industria". Cette devise, proposée par Émile Merwart, qui se traduit littéralement par "Le labeur produit l'or", signifie "Le travail procure la richesse" (Cf. Blason de Cayenne en haut à gauche de ce paragraphe). Ces armoiries de Cayenne ont été dessinées par P. Merwart mais avec les précieux conseils d'Hippolyte de Saint-Quentin.

Enfin, Paul Merwart préparait l'illustration, malheureusement inachevée, de toute une série de timbres-poste pour les colonies françaises et notamment pour le Moyen Congo, le Congo français, l'Oubangui-Chari ... et la Guyane Française. L'illustration de ces timbres-poste de Guyane, sur lesquels le nom de Paul Merwart apparaît discrètement, représente trois scènes : le fourmilier, le laveur d'or (Orpailleur) et la place des palmistes. Edités bien après la mort du célèbre illustrateur, ces timbres furent commercialisés pour la première fois en 1904, puis entre 1922 et 1928 à des montants différents, et sous plusieurs colories, comme on peut le voir sur les trois exemplaires ci-dessous.

Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).

Timbres-poste de la Guyane française illustrés par le peintre de la marine et des colonies Paul Merwart (Cliquer sur un des timbres pour l'agrandir).

Sources :

Journal officiel de la Guyane française (28 septembre 1901 / 8 février 1902 / 19 avril 1902).

Le Petit Parisien du 16 juin 1906.

Revue moderne des arts et de la vie (Octobre 1902 / Août 1906).

Gil Blas du 31 mai 1902 (La Mission Merwart).

Revue universelle 1902 (L'année philatélique).

Copie des timbres-poste de Guyane sur le site des enchères publiques (www.catawiki.fr).

http://portraitsofpainters.blogspot.com/ (Autoportrait de P.Merwart).

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15 février 2018 4 15 /02 /février /2018 09:41

Charles Sébastien Marcel Bruère-Dawson est né le 20 janvier 1882 à Saint-Esprit, commune de la Martinique. Fils naturel de Sophie Bruère-Dawson, celle-ci était elle-même née à Saint-Esprit le 15 octobre 1856 et décédée à l'âge de quarante ans le 2 août 1896 à Sainte-Marie, autre commune martiniquaise. A son décès, elle était couturière et célibataire, fille légitime de feu Robert Bruère-Dawson et de Rose Adélaïde Sablé.

Robert Bruère-Dawson, grand-père de Marcel, était né à Sainte-Lucie en 1824, fils naturel reconnu de Sophie Bruère, décédée dans la commune du Marin (Martinique) le 26 septembre 1850. Sophie était également née au Marin en 1791. Elle avait vécu à Saint-Esprit avec un certain Dawson, probablement un officier de marine anglais, avec lequel elle ne s'est jamais mariée. Robert est le premier à avoir adopté les deux noms "Bruère-Dawson" dans son patronyme.

Robert se mariera le 16 août 1853 à Saint-Esprit avec Rose Adélaïde Sablé, née en 1829 à Trou-au-chat qui deviendra, en 1855, la commune de Ducos. Lors de leur mariage en 1853, le couple reconnaîtra officiellement trois enfants : Marie née le 14 août 1848, Joséphine née le 4 mars 1850, et Joseph né le 1er avril 1852, tous les trois nés dans la commune de Saint-Esprit.

Quant à Sophie Bruère-Dawson (1856-1896), autre fille de Robert et mère de Marcel, elle  aura deux autres fils nés à Saint-Esprit : Grégoire Charles né le 9 mai 1879 et Hubert Charles Maximilien, né le 20 avril 1880. Ce dernier décédera en 1902 à Saint-Pierre en Martinique.

C'est justement peu de temps après l'éruption de la montagne Pelée que les deux frères Bruère-Dawson, Charles et Marcel, arriveront en Guyane où ils s'établiront définitivement.

Magasin La Conscience à Cayenne au début du XXe siècle, située à l'angle de la rue Lalouette                                                      et de la rue François Arago.

A son arrivée en Guyane, Marcel Bruère-Dawson sera employé de commerce durant plusieurs années. En octobre 1913, il sera chargé par Mme Veuve L. Brière, suite à son départ définitif de la Guyane, du règlement de ses affaires et notamment de recouvrer les dettes de ses débiteurs. Mme Veuve Brière tenait en effet depuis de très nombreuses années un magasin dénommé la Maison Brière, située à l'endroit du futur magasin La Conscience, à l'angle des rues Lalouette et François Arago.

Début novembre 1912, Mme Brière avait fait paraître une publicité afin de liquider tout ce qui lui restait de marchandises dans le cadre d'une liquidation volontaire pour cause de cessation de commerce. Après son départ de la Guyane, Marcel Bruère-Dawson avait organisé une vente aux enchères publiques en octobre 1913 afin de poursuivre la liquidation du stock de marchandises de Mme Brière.

Un peu plus tard, en février 1914, il sera officiellement autorisé à tenir le débit auxiliaire de timbres-poste, qui avait été accordé à Mme Veuve Brière en avril 1909, dans sa maison de commerce. C'est, semble-t-il, durant le premier trimestre 1914 que Marcel deviendra propriétaire du magasin de Mme Veuve Brière. En effet, les 7 et 14 mars 1914, il fera paraître un encart publicitaire dans le "journal officiel de la Guyane française" annonçant la réouverture du commerce de Mme Brière sous le nom de magasin La Conscience (ci-dessous le texte intégral paru dans ledit journal) :

"La réouverture du magasin de Mme L. Brière, sis angle des rues Lalouette, 16, et François Arago, 22, en face l'Eglise, par la CONCIENCE, ne consiste seulement pas à faire du commerce, mais aussi à continuer la bonne renommée laissée par la précédente, de ne vendre que de la marchandise de première qualité.

LA CONSCIENCE, ne traitant que directement avec les fabricants, bénéficie de très forts escomptes, ce qui lui permet de vendre à des prix exceptionnels de bon marché. Les acheteurs gagneront beaucoup à visiter ce nouveau magasin ? Ils y trouveront de tout ... Tissus en tous genres, chaussures, corsets, parapluies, bonbons fins, bijoux or et argent contrôlés, articles de bureaux, papier à lettres en ramettes et en boîtes, registres de tous formats, etc , etc. 

Un beau choix de Madriers et planches en sap (sans-doute "sapin") du Nord à de bonnes conditions. Marchandises nouvelles par tous les courriers."

Sur une autre carte postale ancienne éditée par le magasin La Conscience représentant ce commerce en gros plan (Voir à la fin de l'article), un descriptif des marchandises vendues est détaillé et permet ainsi de compléter la liste du paragraphe précédent en y ajoutant "chapeaux, bimbeloterie, jouets, cartes postales, ... à des prix réellement consciencieux".

Marcel Bruère-Dawson fut en effet un photographe, qui se qualifiait lui-même d'amateur, et qui a édité un très grand nombre de cartes postales de la Guyane, mais essentiellement de Cayenne et de ses environs. Il a ainsi laissé, avec d'autres, à travers toutes ses photographies un témoignage important de ce que fut la Guyane avant la seconde moitié du XXe siècle.

Ancien magasin La Conscience, devenu aujourd'hui un commerce de papeterie et de fournitures   scolaires et de bureau, situé en face de l'externat Saint-Joseph (Photo prise en février 2018).

On doit à Marcel Bruère-Dawson environ 550 cartes postales dont quelques unes de la Martinique. Il a commencé son activité de photographe et d'éditeur autour de 1908 pour arrêter vers 1940. Ce n'est qu'après qu'il soit devenu négociant-propriétaire, en 1914, que ses photographies furent éditées sous forme de cartes postales par le magasin La Conscience. Il a également publié ses clichés en carnets avec plusieurs intitulés successifs. Le plus ancien semble être "Bruère-Dawson, amat.-phot.", puis "Nouvelle collection d'amateur M. Bruère-Dawson", et enfin "clichés Bruère-Dawson et Carranza, Cayenne". 

Outre Carranza, le magasin La Conscience a également édité les clichés d'autres photographes installés sur Cayenne comme celles du Lieutenant Li-Hon-Gien, de Jeannain, de Tillet, de Gabriel Chaumier et de Tiburce ... Les photographies de Marcel S. Bruère-Dawson nous montrent les monuments, les bâtiments publics et les sites de Cayenne. Il s'intéresse aussi à l'ethnographie avec par exemple la Cayennaise en costume local ou la toilette de Bonis (Cf. cartes postales ci-dessous).

Mais il y eut quelques autres photographes qui nous ont laissé de nombreuses cartes postales anciennes de Cayenne et de ses environs comme Jermolière, actif depuis le début du XXe siècle jusque vers 1932, Jeannain, à partir de 1903, Hilaire entre 1904 et 1925. Madame Georges Evrard, photographe professionnelle, est active sur l'ensemble de la Guyane entre 1902 et 1908.

D'autres encore, établis à Saint-Laurent-du-Maroni, ne produiront que des clichés de la région du Maroni. On peut citer Jarry qui a publié en 1922 "Collection Jarry, St-Laurent-du-Maroni (Guyane Française)" comportant 40 cartes postales. Il y a aussi les anciens bagnards Perez et Lévy, qui entre 1905 et 1910, ouvrent un bazar à Saint-Laurent où on vend de tout et notamment des cartes postales. Auteurs-éditeurs de plus de cent cinquante clichés, leurs cartes postales portent à la fois un numéro de cliché et leurs initiales P et L, inscrites dans un losange compris dans un cercle. Désiré Lanes est lui-aussi un ancien bagnard, photographe qui, dès sa libération en 1905, installera le premier studio professionnel à Saint-Laurent-du-Maroni et travaillera jusqu'en 1908. Un autre ancien bagnard Jean Ricord ouvrira une boulangerie avant de se lancer dans le  commerce de confection, mais aussi dans la photographie. Il a réalisé une trentaine de clichés qui furent édités en 1916. 

Il est difficile de citer tous les photographes de la Guyane de la première moitié du XXe siècle dans ce petit article, mais il y en eut beaucoup d'autres, certains anonymes, d'autres étrangers ... Quant à Marcel Bruère-Dawson, le plus prolifique d'entre eux, il s'était marié à Cayenne le 8 décembre 1923 avec Cécilia Ho-A-Fat, née le 11 novembre 1887 à Cayenne et décédée le 20 octobre 1948. Mort fin mars 1944, Marcel Bruère-Dawson repose avec son épouse Cécilia, et ses deux filles : Aimée (Wong-Youk-Hong) et Rolande (Tian-So-Pio), au cimetière de Cayenne.

 

                Autre carte postale représentant le magasin La Conscience en gros plan.

Quelques cartes postales éditées par Marcel S. Bruère-Dawson :

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Sources :

Archives Nationales d'Outre-Mer (ANOM)

Journal officiel de la Guyane Française

photographesenoutremeramerique.blogspot.fr/ (Blog de Marie-Hélène Degroise, conservateur en chef des Archives nationales - décédée en 2012).

http://photocartoutremer.com/guyane/ (blog de Patrice Garcia et Guy Stéhlé).

 

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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 10:40

Le destin de ce guyanais "homme de couleur libre", selon l'expression utilisée par l'état-civil avant l'abolition de l'esclavage, devenu général de division (***), n'aura pas été banal durant cette seconde moitié du XIXe siècle. Intelligent, travailleur, et sans-doute aussi aidé par la chance, il aura su s'élever dans les hautes sphères de la hiérarchie militaire et de la société française ... 

François Potin Samuel VIRGILE est le fils de François Virgile, né le 6 mai 1778 à Cayenne et de Marie-Olympe, née le 1er juillet 1789 également à Cayenne. Les parents Virgile s'étaient mariés le 17 juillet 1805 (28 Messidor an XIII) alors que Marie-Olympe n'avait que seize ans. Dans leur acte de mariage, il est indiqué que François, mulâtre libre, est le fils naturel de Dorothée, mulâtresse libre domiciliée à Cayenne, et que Marie-Olympe est la fille naturelle de Magdeleine, elle-aussi mulâtresse libre habitant Cayenne.

François Virgile(1) était propriétaire de l'habitation La Providence à Montsinéry et d'une maison à Cayenne, rue des Marais. Il aurait été le premier mulâtre membre du Conseil colonial en 1830.  Il décèdera le 3 octobre 1843, et son épouse Marie-Olympe, le 6 juillet 1851, tous les deux à leur domicile de Cayenne.

Le couple François et Marie-Olympe Virgile eurent plusieurs enfants :

- Philippe Frédéric, né le 8 octobre 1807 à Cayenne. Docteur en médecine, il exercera comme médecin civil et se mariera à Cayenne le 1er février 1845 avec Marie-Olympe Astasie Frontin, née le 25 avril 1819 à Cayenne. Elle décèdera le 18 mai 1871 à son domicile au n° 3 de la rue Praslin (actuelle rue Christophe Colomb). Le couple Frédéric Virgile aura eu trois enfants : Pierre Philippe Frédéric, né le 21 février 1846 à Cayenne, François Philippe Eugène, né le 18 août 1848 également à Cayenne, et Philippe Frédéric Emile (né le 19 septembre 1852 / décédé le 15 mars 1854).

Frédéric sera nommé chevalier de la légion d'honneur le 29 décembre 1855 en raison de sa bonne conduite et de son dévouement durant les épidémies de fièvre jaune. Il sera Conseiller privé du gouvernement de la Guyane durant plusieurs années. Il décèdera à Saint Nazaire (à l'époque Loire-Inférieure, aujourd'hui Loire-Atlantique) le 27 août 1873 à l'hôtel Bily, rue Ville-es-Martin, où il était descendu. Sa dépouille mortelle sera rapatriée à Cayenne à la demande de sa famille.

- Saint Félix, né le 20 novembre 1810 à Cayenne. Régisseur, il décèdera le 21 août 1834 au domicile de ses parents, rue des Marais à Cayenne à l'âge de vingt quatre ans.

- Christine Marguerite Hermina, née le 24 juillet 1818 à Cayenne. Mariée le 17 octobre 1838 à Cayenne avec Ferjus, fils naturel de demoiselle Alexandrine, né le 31 octobre 1795 à Cayenne. Le couple Ferjus aura deux enfants : François Hilarion Alexandre Ferjus, né le 21 octobre 1840 à Cayenne, et Marie Charlotte Mathilde Ferjus, née le 14 mars 1846 à Cayenne. Hermina décèdera le 8 juillet 1889 à son domicile rue Chaussée-Sartines, au numéro 21.

- François Potin Samuel, né le 2 juin 1821 à Cayenne au domicile de ses parents, rue des Marais (actuelle rue du Lieutenant Becker), objet de cet article. 

- Agnès François Timoléon, né le 21 janvier 1827 à Cayenne, décèdera au domicile de ses parents rue des Marais à Cayenne, le 15 juin 1830 à l'âge de trois ans.

 

(1) Jacques François Marie Eléonore Thimoléon de Béhague d'Hartincourt, major commandant d'artillerie dans l'île de Cayenne rédigea son testament le 4 juillet 1778 alors qu'il se trouvait de passage à Paris. Il avait hérité de l'habitation Mont-Sinéry après le décès de son épouse Marie RESEN, décédée un an après leur mariage soit le 8 septembre 1766. Dans ce testament, il donnait la plus grande partie de ses biens à ses anciens esclaves parmi lesquels figurait une nommée Dorothée ("Je lègue à Dorothée, négresse esclave de la même habitation, pour la récompenser de ses services, 30 livres par an sa vie durant").

Or il est établi que Dorothée, affranchie par ce même chevalier de Béhague, était la mère de François Virgile. Sans que rien ne puisse à ce jour le confirmer ou l'infirmer, certains généalogistes s'interrogent sur le fait que François aurait pu être le fils du chevalier de Béhague. Ce dernier mourut à son domicile de Cayenne le 8 mars 1793 à l'âge de 51 ans.

Pauline Dorothée et François Virgile demanderont l'affranchissement de six esclaves de leur habitation au quartier de Mont-Sinéry - arrêté du gouverneur du 2 décembre 1833 (Cf. liste ci-dessus) - François Virgile héritera de cette habitation au décès de sa mère Pauline Dorothée qui surviendra sur son habitation La Providence le 25 août 1838 à l'âge de 91 ans.

Pauline Dorothée et François Virgile demanderont l'affranchissement de six esclaves de leur habitation au quartier de Mont-Sinéry - arrêté du gouverneur du 2 décembre 1833 (Cf. liste ci-dessus) - François Virgile héritera de cette habitation au décès de sa mère Pauline Dorothée qui surviendra sur son habitation La Providence le 25 août 1838 à l'âge de 91 ans.

C'est en 1835 que François Potin Samuel Virgile arrive à Paris, alors qu'il n'a que 14 ans, afin de se préparer à entrer à l'école polytechnique. Il poursuivra ses études au lycée Henri IV avant de réussir le concours d'entrée à la prestigieuse école militaire en 1840, à l'âge de 19 ans. Diplômé en 1842 (Classé 63e sur 119 élèves), il complétera sa formation de polytechnicien à l'École d'application de Metz et sera nommé sous-lieutenant d'artillerie de marine le 1er octobre 1842, lieutenant en second le 1er octobre 1844, puis lieutenant en premier le 20 janvier 1845.

Il s'embarque du 5 novembre 1845 au 3 février 1846 sur la Corvette de charge "La Caravane". Il sera affecté en Guadeloupe à l'Etat-Major du gouverneur. Nommé capitaine en second le 5 juin 1848, puis rappelé en France le 27 octobre 1848, il embarquera à bord de la Corvette "La Girafe" jusqu'au 10 décembre 1848.

Embarqué sur le navire "L'Infrenet", il fera partie du corps expéditionnaire dirigé par le général Joseph-Nicolas Mayran envoyé au Pirée en Grèce du 28 juin 1854 au 18 février 1855. Puis il partira faire la guerre en Crimée contre les russes à bord du "Solon" où il arrivera le 25 février 1855. Nommé chevalier de la légion d'honneur le 4 mai 1855, il sera également promu Capitaine en premier le 5 juin 1855.

Désigné à la batterie n° 4, il remplacera son capitaine commandant qui avait été blessé et participera à l'attaque et à la prise du "Mamelon vert" au siège de Malakoff. Il sera blessé de deux éclats d'obus le 9 juin 1855, une première fois à la cuisse droite et une seconde, au jarret gauche, tout en continuant à diriger le feu depuis le remblai où on l'avait couché. Ce ne fut que sur l'ordre formel de son colonel qu'il se laissera conduire à l'ambulance. 

Comme ses blessures le faisaient encore souffrir, on lui confia la direction du parc de l'artillerie de marine détachée en Orient. Il quitte la Crimée le 30 mai 1856 où il avait passé deux ans. Il revient en France à bord de "l'Iéna" et est décoré peu après de la médaille de Crimée. Il reçevra aussi la médaille de 5ième classe de l'Ordre de Medjidié (Turquie) le 10 février 1857. Il est nommé chef d'escadron (commandant dans l'artillerie) le 30 juillet 1857.

 

 

Ayant observé avec soin durant sa campagne de Crimée le fonctionnement des canons envoyés aux batteries par le département de la marine, François Virgile avait recherché les causes des nombreux éclatements des "bouches à feu". Il fit part de ses observations dans un mémoire qu'il adressa dès son retour à l'Amiral Hamelin, alors ministre de la marine. Celles-ci entraînèrent une véritable révolution dans les fonderies de la marine.

Ayant été attaché pendant quelques années à la Commission d'expériences de Gâvres et à l'inspection générale de son arme, il sera nommé en 1860 directeur de l'école de pyrotechnie de Toulon. Il restera à ce poste jusqu'à sa promotion au grade de lieutenant-colonel le 27 avril 1864 où il sera alors appelé à Paris par le général Charles Victor Frébault (Directeur de l'artillerie au ministère de la marine). Celui-ci qui appréciait ses travaux sur le matériel d'artillerie de marine, le prendra auprès de lui comme chef du bureau technique et le fera entrer au Conseil des travaux.

Nommé en 1865 président de la commission d'expériences de Gâvres, il fait effectuer des travaux concernant la résistance des canons rayés. Il étudie les différentes sortes de fontes, émet des théories et des formules utilisées ensuite pour le tracé et l’exécution des canons. Il publie un traité sur la résistance des tubes métalliques. Il est considéré comme l’un des artisans du progrès que constitue le rayage de l’âme des canons, procédé utilisé dans le système d’Artillerie Modèle 1870 : un des plus réussis créés par l’Artillerie.  

François Virgile occupa ce dernier poste durant six années au cours desquelles il recevra la rosette (officier) de la légion d'honneur le 29 décembre 1866, et sera promu l'année suivante au grade de colonel le 6 novembre 1867. Le déclenchement de la guerre de 1870 contre l'Allemagne lui fera reprendre une vie plus active notamment quand on lui confiera le commandement de l'artillerie, après que la ville de Paris fut assiégé, du 6e secteur de l'enceinte (Passy, Auteuil, Point-du-Jour) soit l'une des parties de la ville qui eurent le plus à souffrir des batteries allemandes établies à Saint-Cloud et sur la rive gauche de la Seine.

Cette campagne, qui lui vaudra d'être nommé commandeur de la légion d'honneur le 26 janvier 1871, fut la dernière à laquelle prit part le colonel Virgile. Ayant échappé de justesse à une tentative d'arrestation par les Communards (Insurrection contre le gouvernement du 18 mars au 28 mai 1871) au ministère de la marine, François Virgile poursuivra sa carrière à l'inspection générale de l'Artillerie de marine. Devenu général de brigade le 22 avril 1876, il sera nommé inspecteur adjoint, puis membre du comité consultatif de l'artillerie de terre et du comité des poudres et salpêtres. 

Promu général de division par décret le 1er mai 1880 à l'âge de 59 ans, il est nommé Inspecteur général permanent de l'Artillerie de marine, poste le plus élevé de l'Artillerie de marine, et reçoit deux ans plus tard, le 28 décembre 1882, la Croix de Grand Officier de la Légion d'honneur (44 ans de services, 7 campagnes dont 4 de guerre, 2 blessures). Par décision présidentielle du 22 mai 1886, François Virgile, général de division d'artillerie de la marine et des colonies, est admis dans la 2e section du cadre de l'état-major général de l'armée de mer, à compter du 2 juin 1886.

Le général de division Virgile était aussi, jusqu'à son placement dans la réserve à l'âge de 65 ans, membre du Conseil de perfectionnement de l'école polytechnique.

 

François Virgile se mariera le 8 août 1859 à Paris avec Françoise Adélaïde Marguerite Rey, née le 10 septembre 1840 à Villiers-Le-Bel (Val d'Oise). Elle décèdera à l'âge de 64 ans le 11 août 1905. Le couple aura trois enfants :

- Elisabeth Jeanne Virgile, née le 19 octobre 1861 à Toulon. Mariée le 28 octobre 1882 à Paris avec Georges Painvin. Né le 20 mai 1859 à Paris, Georges Painvin, polytechnicien, sera ingénieur des Manufactures de l'Etat, ingénieur en chef puis directeur des chantiers de la Loire de Nantes, président du syndicat patronal des Constructions Mécaniques et Navales ...

Jeanne Virgile décèdera à son domicile de Le Croisic (44) le 22 novembre 1942, son époux le 15 mars 1945 également à Le Croisic. Georges Painvin et Jeanne Virgile auront eu trois enfants : Louis Painvin (1883-1968), Georges-Jean Painvin (1886-1980), et René Painvin (1889-1978).

- Albert Virgile, né le 22 novembre 1863 à Toulon. Marié le 30 juin 1890 avec Lucie Palmyre Bassez-Préville, née le 30 juillet 1864 à Paris 2e. Saint-cyrien, Albert sera nommé chevalier de la légion d'honneur par décret du 30 décembre 1906 alors qu'il était capitaine instructeur au 3e Régiment de Dragons à Nantes. Lieutenant-colonel de cavalerie à la retraite, Albert décèdera le 5 juin 1943 à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritime). Son épouse Lucie était décédée l'année précédente, soit le 19 septembre 1942.

Le couple aura deux fils : Roger Alexis Virgile, né le 17 octobre 1891, et marié le 15 septembre 1917 à Bellevue (Meudon) avec la comtesse Mlle Gladys de Pourtalès (1897-1976). Lors de son mariage, Roger était sous-lieutenant au 86e d'artillerie. Raoul, né le 24 mai 1894, décèdera en août 1939 à l'âge de 45 ans. 

- François Marie Fernand Virgile, né le 29 juillet 1866 à Paris 16e. Docteur en droit, il exercera la profession d'avocat à la Cour d'appel de Paris. Il se mariera avec Céline Léonie Bassez-Préville, sœur de Lucie, épouse de son frère Albert. Le couple aura un enfant, Robert, né le 9 juin 1893.

Léonie, née le 1er août 1867 à Paris 2e, décèdera le 11 octobre 1945 à Paris 11e, son époux Fernand quelques années après, à L'Hay-les-Roses le 19 février 1953 à l'âge de 87 ans.

*

*        *

Le général de division François Potin Samuel Virgile décèdera à Paris le 25 décembre 1895 à l'âge de 74 ans.  Le domicile des époux Virgile du 16e arrondissement situé au 41 bis rue La Fontaine - aujourd'hui rue Jean-de-la-Fontaine - sera loué à leur décès à la ville de Paris qui en fera une école communale. La ville de Paris l'achètera dans les années 1930 aux héritiers Virgile-Painvin. Il y a encore aujourd'hui une école primaire d'application au 41bis rue Jean-de-la-Fontaine à Paris 16e.

Une avenue à Cayenne porte son nom.

 

 

Sources :

Bulletins officiels de la Guyane française.

Geneanet.org.

Le chevalier de Béhague et le général VIRGILE par Bernadette et Philippe Rossignol (Généalogie et histoire de la Caraïbe).

Généalogie du général Virgile (Sur Geneanet par Jean Colin de Verdière).

Archives de l'école polytechnique (https://bibli-aleph.polytechnique.fr/).

Nos marins par Etienne Tréfeu (Éditions Berger-Levrault et Cie, 1888).

Archives Nationales d'Outre-Mer.

http://museedesetoiles.fr/

 

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 11:12

Cette belle et élégante maison, bien entretenue, est l'ancienne propriété de Léonce Melkior qui l'a occupée jusqu'à son décès en 1928. Située au numéro 9 de l'avenue Léopold Héder à Cayenne,  elle appartient aujourd'hui à Maud Rullier, petite-fille de Léonce Melkior. Construite dans le style créole, son ornementation extérieure (épis de faîtage, balcon en fer forgé, frises) est remarquable. Dotée d'un grand jardin avec un manguier centenaire, et protégée par un mur de clôture, elle possède tous les attributs d'une maison de notable.

Maud Rullier est la fille d'Arsène Gilbert Auguste Thémire (1887-1958), contrôleur principal des postes, chevalier de la légion d'honneur (décret du 28 février 1938) et de Anna Jeanne Melkior (1892- X), fille de Léonce. Ses parents Arsène et Jeanne se sont mariés le 18 novembre 1914 à Cayenne.

Maud Thémire, née le 27 octobre 1925 à Cayenne, épousera à Cayenne Paul Rullier, officier de carrière qui sera nommé en Guyane comme commandant militaire. Ayant pris sa retraite en 1954, il reviendra en Guyane comme chef des services administratifs du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) jusqu'en 1962. Paul Rullier se lancera dans la politique en devenant conseiller municipal (1959-1965), puis conseiller général (1966-1972) assumant durant quatre ans les fonctions de vice-président.

Après avoir été enseignante au lycée Félix Eboué, Maud Rullier travaillera comme cadre à la Préfecture. Elle est aujourd'hui retraitée de la fonction publique. Comme son mari avant elle, Maud deviendra présidente de la croix rouge en Guyane. Paul et Maud Rullier assureront aussi de nombreuses responsabilités au sein du mouvement Gaulliste dans le département.

Gros plan sur Léonce Melkior, ingénieur-entrepreneur dans la Guyane de la fin du XIXe et début du XXe siècle

Fils de Jean Jules Melkior (1826-1877) et de Anne Thérèse Bremond (1830-1891), Edmé Marie Jean Etienne Léonce  est né le 9 mai 1859 au domicile de ses parents, au n° 52 de la rue de Berry (actuelle rue François Arago) à Cayenne. Après de longues et brillantes études en métropole, il reviendra en Guyane avec son diplôme d'ingénieur (mécanicien) obtenu en 1882 à l'école centrale des arts et manufactures. Cette grande et prestigieuse école forme encore de nos jours des ingénieurs plus familièrement appelés "centraliens".

Léonce Melkior se mariera à Cayenne le 17 décembre 1888 avec Louise Marie Julia Bremond, alors âgée de 17 ans. Le couple aura quatre enfants, tous nés au n° 9 de la rue Nationale (actuelle avenue Léopold Héder) à Cayenne : Jean-Jules Etienne (né le 9 novembre 1889), Théophile Baptiste (né le 1er décembre 1890), Anna Alice "Jeanne" (née le 30 août 1892) et Madeleine Pauline (née le 5 mars 1898). Pauline décèdera prématurément le 15 mai 1900 à l'âge de deux ans.

Léonce avait deux autres frères et une sœur : Marie Anna Louise Joséphine (née le 22 juillet 1855 / mariée à Cayenne le 14 août 1883 avec  Alexandre Hildevert Sévère, né le 1er juin 1854 à Fort-de-France), Jules Théophile Etienne Albert (né le 25 juin 1857 / célibataire / décédé à Cayenne le 29 avril 1897) et Jean Jules Joseph Marie Etienne (né le 6 aout 1869 /Marié le 20 avril 1922 à Cayenne avec Ernestine Joséphine Anna Bremond, née en 1871).

Léonce Melkior décèdera le 29 septembre 1928 à Cayenne.

Maison Melkior-Rullier, 9 avenue Léopold Héder à Cayenne (Guyane)

Maison Melkior-Rullier, 9 avenue Léopold Héder à Cayenne (Guyane)

A son retour en Guyane, Léonce comme beaucoup d'autres, et notamment comme son père Jules, se lancera dans la recherche de l'or. Depuis la découverte de l'or en 1855, ce métal précieux deviendra un véritable attrait pour tous les habitants de la colonie. En effet, presque toutes les familles guyanaises, représentées par un père, un frère, un cousin ou un oncle, étaient directement ou indirectement concernées par l'orpaillage. Dès 1885, Léonce Melkior deviendra l'un des administrateurs du Placer "Enfin" situé sur le Haut-Mana. La société anonyme du Placer "Enfin", créée en juin 1880 par la Société Générale Française de Crédit, qui deviendra Crédit de France,  succéda à une société civile.

Mais Léonce Melkior avait aussi obtenu et exploitait pour son propre compte d'autres placers comme "Dagobert" ou "Souvenir" situés à l'ouest de la Guyane dans le bassin du fleuve Mana. A la fin de l'année 1901, et à sa demande (Arrêté du gouverneur du 28 octobre 1901), il montera à ses frais, une expédition de police et d'arpentage dans l'Inini afin de faire fuir les maraudeurs qui exploitaient illégalement les placers dans la région et de délimiter précisément les concessions aurifères. "Maraudeurs" est le nom qui était donné à l'époque aux orpailleurs illégaux. On peut souligner que la situation s'est encore aujourd'hui aggravée malgré les nombreuses opérations officielles de lutte contre cet orpaillage clandestin, principalement d'origine brésilienne.

Entrepreneur, Léonce Melkior participera à la reconstruction d'une partie de la ville de Cayenne ravagée par un incendie en 1888. Il construira notamment des maisons particulières et quelques édifices connus comme l'Habitation Leblond ou Thémire, connue aujourd'hui sous le nom de Bar des Palmistes, ou la Banque de la Guyane, détruite par l'incendie précitée.

Il prendra de nombreuses autres responsabilités tout au long de sa vie professionnelle :

Conseiller municipal de la ville de Cayenne dont il fut, un temps, le premier adjoint, il sera aussi nommé membre du comité d'organisation de l'Exposition universelle de 1889 et de 1900, de même que de celui chargé de faire la propagande nécessaire pour une représentation de la Guyane à la Foire commerciale de Bordeaux en septembre 1917.

Il sera en outre nommé Juge suppléant de la justice de paix de Cayenne, membre de la commission consultative des mines, membre de la chambre de commerce

En août 1922, et après enquête de Commodo et Incommodo, il construira sur sa propriété au kilomètre 2 de la route de la Madeleine à Cayenne une briqueterie (voir ses initiales sur la brique, photo ci-dessus à gauche), une scierie et une distillerie de bois de rose. On peut encore voir aujourd'hui les vestiges de la briqueterie au cœur de la Cité Césaire.

Léonce Melkior apportera aussi son aide financière à l'orphelinat de Cayenne, aidera les jeunes guyanais à poursuivre leurs études en France et s'impliquera dans le développement de l'enseignement technique en Guyane. Il participera activement à la vie politique en Guyane notamment en apportant son soutien à son grand ami Jean Galmot  et tentera d'apaiser les esprits après les évènements de 1928 à Cayenne. Il aura l'occasion de le recevoir et de l'héberger à son domicile de la rue Nationale.

Intelligent, brillant, travailleur et philanthrope, Léonce Melkior, avec ses multiples talents, aura durablement marqué son passage dans la société guyanaise.

Gros plan sur Léonce Melkior, ingénieur-entrepreneur dans la Guyane de la fin du XIXe et début du XXe siècle

Sources :

Journal officiel de la Guyane Française.

Bulletin officiel de la Guyane Française.

Le Patrimoine des communes de la Guyane (Fondation Clément).

Geneanet.

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2 mars 2017 4 02 /03 /mars /2017 17:22

En Guyane, tout le monde a entendu parler de D'chimbo dit "Le Rongou", un bandit sanguinaire, dont la légende se perpétue encore aujourd'hui. Il fut pourtant décapité le 14 janvier 1862 à 6h30 sur la place du marché - actuelle place du coq - à Cayenne devant une foule nombreuse et matinale qui s'était massée autour de l'échafaud. Son surnom "Le Rongou" vient du fait qu'il appartenait à cette tribu africaine du Gabon dont nombre de ses membres avait immigré en Guyane. C'est le cas de D'chimbo qui a débarqué le 26 septembre 1858 sous le numéro 1144, soit dix ans après l'abolition de l'esclavage.

Outre l'arrivée des premiers bagnards en Guyane en 1852 qui devait aussi en partie remplacer la main d'œuvre servile, l'administration coloniale avait favorisé l'arrivée de travailleurs extérieurs dans cette colonie de la Guyane, mais aussi dans les autres, afin de relancer leur économie. L'abolition de l'esclavage en 1848 avait en effet logiquement abouti au départ massif des esclaves de toutes les habitations. De plus, la découverte de l'or en 1855 dans le quartier d'Approuague nécessitait beaucoup de personnel pour exploiter tous les gisements déjà découverts et ceux qui allaient progressivement l'être durant la seconde moitié du XIXe siècle.

Il faut savoir qu'un nouveau Traité - le premier datait de janvier 1854 - avait été signé par le ministre de la marine et des colonies du Second Empire avec le capitaine nantais Charles Chevalier (*) le 30 juin 1858 ayant pour objectif l'introduction de 2000 immigrants africains en Guyane. Il était précisé que ceux-ci pourront être cédés aux habitants de la colonie qui voudront les engager selon les termes de l'arrêté du gouverneur de la Guyane du 7 septembre 1858 concernant l'exécution dudit Traité. Ces immigrants africains arrivés en Guyane en 1858 et 1859 étaient recrutés selon la méthode du rachat de "captif" et engagés pour dix ans en échange de leur affranchissement ... contrairement aux immigrants africains "libres" recrutés avant 1858 et dont la durée d'engagement n'était que de six ans.

La Compagnie des mines d'or de l'Approuague, pour laquelle D'Chimbo avait été engagé, avait elle-même fait venir d'Afrique 141 immigrants sur le navire le Joseph vers la fin de l'année 1858. Les frais inhérents à la venue de ces immigrés avaient été payés par la Compagnie de l'Approuague à la Maison Vidal du Havre. Il est tout-à-fait raisonnable de penser que D'Chimbo, arrivé en Guyane en septembre 1858, était de ceux-là.

 

(*) Charles Chevalier, né en avril 1798 à Nantes, était un ancien capitaine négrier après qu'il ait été reçu capitaine au long cours en avril 1825. Après avoir abandonné sa spécialité en 1830, il fera six expéditions de recrutement d'immigrants africains pour la Guyane entre 1854 et 1859.

Ce portrait au crayon de D'chimbo a été réalisé par Hippolyte de Saint-Quentin, receveur des Domaines, en décembre 1861 à  la prison de Cayenne, quelques semaines avant son exécution.

Ce portrait au crayon de D'chimbo a été réalisé par Hippolyte de Saint-Quentin, receveur des Domaines, en décembre 1861 à la prison de Cayenne, quelques semaines avant son exécution.

Né en 1828 au Gabon, D'chimbo qui était engagé comme ouvrier agricole, se fit rapidement remarquer par ses nombreux vols et sa violence. Suite à ses méfaits, il fut arrêté une première fois sur les "placers" (gisements aurifères) de l'Approuague mais réussit à s'échapper. Repris et conduit à la geôle de Cayenne, Il fût condamné par la chambre correctionnelle de la Cour impériale le 10 décembre 1859 pour coups et blessures, vol et vagabondage à trois mois de prison et cinq ans de surveillance par la haute police. Il parvint à s'échapper de la prison le 28 janvier 1860 et se réfugia dans la forêt au sud de Cayenne.

C'est durant près d'un an et demi qu'il demeura caché dans la brousse, vivant de rapines, volant dans les habitations, dévalisant à mains armées les passants isolés, surtout des femmes, et commettant un grand nombre de vols, de viols et d'assassinats. C'est ainsi que la légende de D'chimbo naquît, le dotant de pouvoirs surnaturels, véritable démon qui terrorisait la population et se métamorphosait pour ne pas être pris. Des battues furent organisées par les colons, mais Le Rongou s'échappait toujours, changeant régulièrement de cachettes, dormant dans des carbets provisoires sous le vent des sentiers, et poursuivaient ses crimes.

"Petit mais trapu, et prodigieusement musclé, les dents de devant limés en pointe, tatoué sur la poitrine, le ventre et le dos, couturé sur tout le corps de cicatrices de coups de sabre et de coups de feu, D'chimbo joignait à une force herculéenne, une agilité incroyable", telle est la description physique du Rongou rédigée de la propre main d'Emile Merwart, président du comité de patronage du musée local de Cayenne en 1902, et secrétaire général de la Guyane.

Emile Merwart avait en effet rédigé un résumé de l'histoire guyanaise et meurtrière de D'chimbo, au verso du portrait de ce dernier réalisé par Hippolyte de Saint-Quentin.

Image provenant du livre rédigé par Frédéric Bouyer, Capitaine de frégate " La Guyane Française, Notes et souvenirs d'un voyage exécuté en 1862-1863".

Image provenant du livre rédigé par Frédéric Bouyer, Capitaine de frégate " La Guyane Française, Notes et souvenirs d'un voyage exécuté en 1862-1863".

Sa tête ayant été mise à prix, il se jouait des coups de fusil tirés dans sa direction lors des battues et passait aux yeux de la population pour invulnérable alors qu'il n'avait pour seule arme qu'un mauvais sabre d'abatis. Il fut pourtant capturé le 6 juin 1861 à deux heures du matin sur l'habitation La Folie dans le quartier d'Approuague où il était venu chercher du feu. Ce sont deux autres immigrants africains, Tranquille et Anguilaye, de la tribu des Rongous comme lui, et qui, employés sur cette habitation, réussirent à le maîtriser après une terrible bagarre. Les deux hommes furent largement félicités et officiellement remerciés par une gratification de mille francs chacun.

Ligoté et ramené à la geôle (terme utilisé à l'époque pour désigner la prison) de Cayenne dès le lever du jour, il fut présenté au juge d'instruction Frédéric Besse auquel il fit des aveux partiels. L'instruction du dossier fut longue car il y avait beaucoup de témoins à entendre et de nombreux chefs d'accusation  Il comparut le 19 août 1861 devant la Cour d'assises présidée par M. Baudouin, chef du service judiciaire. Le procès dura quatre jours. Le 22 août, D'chimbo fut condamné à mort et son pourvoi rejeté. Le Conseil privé déclara qu'il n'y avait pas lieu de recourir à la clémence de l'Empereur.

Il fut conduit à pied depuis la geôle jusqu'à la place du marché et fit montre de la plus totale indifférence face à la préparation de l'exécution, sans-doute cette machine étrange nommée guillotine ne lui disait rien du tout. Les autorités de la colonie avaient placé toute la tribu des immigrants rongous au premier rang devant l'échafaud. Quelques minutes encore avant son exécution, le Révérend Père Guyodo, curé de Cayenne, l'exhortait à se repentir, Le Rongou lui répondit en créole "D'abord, puisque c'est si bon, pourquoi ne prends-tu pas ma place ?".

Il fut donc guillotiné le 14 janvier 1862 à 6h30. Sa tête fut exposée à l'amphithéâtre de l'hôpital militaire de Cayenne (devenu hôpital Jean Martial et actuellement en cours de réhabilitation). Ainsi se termina la vie meurtrière de l'immigrant africain D'chimbo qui est aujourd'hui devenu un personnage de la littérature guyanaise.

 

Extrait de l'Etat-civil de Cayenne (Archives Nationales d'Outre-Mer).

Extrait de l'Etat-civil de Cayenne (Archives Nationales d'Outre-Mer).

Sources :

Les migrations de travail à destination de la Guyane et des Antilles françaises - Sociétés post-esclavagistes, macule servile et genre, par Céline Flory (OpenEdition Press).

Archives Nationales d'Outre-Mer (Etat-civil).

"La Guyane Française : Notes et souvenirs d'un voyage exécuté en 1862-1863" par Frédéric Bouyer, Capitaine de frégate.

Musée Franconie de Cayenne (portrait de D'chimbo d'Hippolyte de Saint-Quentin et son histoire rédigée par Emile Merwart).

site internet "www.manioc.org"

Bulletin officiel de la Guyane française (1868).

Compagnie de l'Approuague - Assemblée générale du 30 janvier 1859 - Rapport présenté au nom du Conseil d'administration par M. A. Franconie Aîné.

Guadeloupe, Guyane et Martinique en 1848-1898, Trois colonies françaises des Caraïbes sous l'optique de l'histoire et de l'historiographie par Oruna D. Lara.

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13 février 2017 1 13 /02 /février /2017 14:38

Après avoir rédigé précédemment un petit article sur Louis Grilly, un bagnard devenu artiste durant sa détention au bagne de Guyane, nous allons aujourd'hui nous intéresser à Casimir Prenefato, lui-aussi devenu artiste alors qu'il purgeait sa peine également en Guyane. Rappelons que pendant l'époque des bagnes coloniaux, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, certains bagnards amélioraient leur ordinaire en peignant des toiles ou en réalisant des dessins, aquarelles, en sculptant des objets en bois, en os, en coquillage ou même de simples noix de coco ... qu'ils vendaient ensuite, souvent à des personnels de l'administration pénitentiaire.

Si certains sont devenus très connus comme Francis Lagrange alias Flag qui a peint l'intérieur de la chapelle de l'Île Royale en Guyane et réalisé de nombreux tableaux représentant des scènes de la vie au bagne, ou Pierre Huguet qui a entièrement décoré l'intérieur de l'église Saint-Joseph à Iracoubo (Guyane), d'autres bagnards ont aussi réalisé de belles toiles qui, aujourd'hui, sont recherchées sur le marché de l'art par les collectionneurs. Outre Louis Grilly, déjà mentionné, citons Valentin Pourcillot, Daniel Capbal, LK, Vanhove ...

Casimir Prenefato est né le 17 février 1888 dans la province d'Aragon en Espagne. Il se fait rapidement connaître des services judiciaires à la suite de nombreux délits qu'il commet en Midi-Pyrénées. Il passera à plusieurs reprises devant les juges du tribunal correctionnel mais aussi devant ceux de la Cour d'assises jusqu'à sa condamnation aux travaux forcés aboutissant à son départ pour le bagne de la Guyane.

Bagne : Une case : vie intime du forçat (Musée des beaux-arts de Chartres - 28000).

Bagne : Une case : vie intime du forçat (Musée des beaux-arts de Chartres - 28000).

Le 29 avril 1915, Casimir Prénéfato, sans profession ni domicile fixe, comparaît devant la Cour d'assises du Gers pour vol qualifié. Il sera condamné à cinq ans de travaux forcés. Il est jugé une nouvelle fois le 23 juillet 1915 mais cette fois, devant le tribunal correctionnel de Lectoure (Gers) pour tentative d'évasion avec un de ses complices, le nommé Trinchon.

Casimir Prénéfato étant l'inspirateur et principal auteur de la tentative d'évasion, il sera condamné à un an de prison ferme, alors que son complice ne prendra qu'un mois. Cette dernière condamnation de Prénéfato viendra s'ajouter aux cinq ans de travaux forcés pour lesquels il avait été précédemment condamné.

Les deux compères seront transférés début juillet 1915 à la prison de la rue Montaigne à Agen, Prénéfato ayant fait appel de son jugement du tribunal de Lectoure suite à sa condamnation à un an de prison ferme pour tentative d'évasion. Dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 juillet, ils tenteront une nouvelle fois de s'évader de la prison d'Agen mais seront interpellés par le surveillant-chef qui faisait sa ronde de nuit.

Après de nombreux autres délits et péripéties, Il sera finalement condamné en 1922 par la cour d'assises de l'Ariège aux travaux forcés. Sa fiche conservée aux Archives nationales d'Outre-Mer précise que Casimir Prénéfato "vivait du vol, intelligent mais d'un cynisme et d'une audace inouïe. Spécialiste du vol qualifié. A plusieurs évasions à son actif."

 

Evasion de forçats (Musée Alexandre Franconie à Cayenne - 97300).

Evasion de forçats (Musée Alexandre Franconie à Cayenne - 97300).

Casimir Prenefato réalise ses "œuvres" au début des années 1940. Au bagne, il est officiellement "peintre aux travaux publics". Il sera même mentionné dans un arrêté du 20 janvier 1945 portant révision au titre de l'année 1945 de la liste des condamnés aux travaux forcés classés "Ouvriers d'art" et "Bons ouvriers", dans la liste des bons ouvriers alors qu'il est peintre à Cayenne.

Quelques mois plus tard, un nouvel arrêté du 20 octobre 1945 portant révision pour le 3e trimestre 1945 du classement des condamnés aux travaux forcés classés "Ouvriers d'art" et "Bons ouvriers", précise que Casimir Prenefato, bon ouvrier, est libéré.

L'intéressé portait des tatouages notamment d'un oiseau de mer, nid, oiseau en vol et sur le poignet gauche le mot "Amor". Casimir Prenefato décèdera le 5 octobre 1946 à Cayenne d'une hémorragie interne et d'un pneumothorax, soit à peine un an après sa libération. Il semblerait qu'il ait été violemment percuté par la roue d'une voiture qui s'était accidentellement détachée ...

Les Îles du Salut (Galerie Morand Collection à Sainte-Eulalie-en-Born - 40200)

Les Îles du Salut (Galerie Morand Collection à Sainte-Eulalie-en-Born - 40200)

Evasion au clair de lune à Sinnamary (MuCEM de Marseille - 13000)

Evasion au clair de lune à Sinnamary (MuCEM de Marseille - 13000)

Autres tableaux de Prenefato au Musée Balaguier de La Seyne-Sur-Mer :


Le musée Balaguier est situé à l'intérieur du fort, ouvrage militaire construit en 1636 dans le but de protéger la rade de Toulon.  Il relate l’histoire des bagnes de Toulon et d’Outre-Mer mais il accueille aussi des expositions relatives à la Marine méditerranéenne et à l'histoire de la ville.

Une exposition intitulé "Les artistes du bagne. Chefs-d’œuvre de la débrouille 1748-1953" a été présentée dans ce musée du 27 mars 210 au 18 septembre 2011 avec une vue d'ensemble riche et variée de la production artistique issue des bagnes français (Toulon, Nouvelle-Calédonie et Guyane française). Criminocorpus présente virtuellement sur son site une grande partie de l'exposition du musée Balaguier sur les artistes du bagne.

 

 

 

L'île Royale avec l'île du Diable au fond, reliée par un câble permettant l'approvisionnement des bagnards (Musée Balaguier à La Seyne-sur-Mer - 83500)

L'île Royale avec l'île du Diable au fond, reliée par un câble permettant l'approvisionnement des bagnards (Musée Balaguier à La Seyne-sur-Mer - 83500)

Île Royale : Le camp de la transportation et l'hôpital (Musée Balaguier à la Seyne-sur-Mer - 83500)

Île Royale : Le camp de la transportation et l'hôpital (Musée Balaguier à la Seyne-sur-Mer - 83500)

Sources :

Journal officiel de la Guyane française (1945).

L'express du Midi (1915).

Site internet Criminocorpus.org.

Musée Balaguier à La Seyne-Sur-Mer.

Archives Nationales d'Outre-Mer.

 

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4 février 2017 6 04 /02 /février /2017 09:17

Composée d'un peu moins de 1000 habitants, Régina est la deuxième plus grande commune de France par sa superficie après Maripasoula qui se trouve également en Guyane. Celle-ci est de 12.130 km2 alors que par exemple la Gironde, le plus grand département de la France hexagonale, ne fait que 10.000 km2. Située sur la rive du fleuve Approuague (270 km de long), Régina est aujourd'hui une petite bourgade paisible au cœur de la forêt amazonienne située à 116 km de Cayenne par la RN2, communément appelée route de l'Est. Cette route se prolonge jusqu'à Saint-Georges-de-l'Oyapoc, ville frontière avec le Brésil, après encore 65 km.

Depuis Régina, de nombreuses balades en pirogue sont proposées pour admirer la faune et la flore mais aussi pour se rendre sur les camps touristiques installés en pleine forêt sur le fleuve Approuague ou sur la crique Mataroni, à moins de 2h du bourg. Outre l'église Saint-Etienne avec son architecture créole, on y trouve aussi une épicerie chinoise, une boulangerie, un centre de santé, un gîte municipal, et surtout l'écomusée d'Approuague-Kaw, inauguré en mai 2008.

Cet écomusée municipal est situé dans une maison créole qui abritait autrefois un commerce connu localement sous le nom de Maison Aubin-Laigné, les derniers occupants jusqu'au milieu des années 1970. La visite du musée est très intéressante car on y apprend l'histoire du quartier d'Approuague, les premiers peuplements amérindiens, les techniques traditionnelles de l'orpaillage ...

Régina qui n'était alors qu'un hameau du quartier d'Approuague, ne deviendra officiellement chef-lieu de la commune qu'en janvier 1936, détrônant ainsi Guizanbourg, ancien bourg du quartier qui deviendra à son tour un hameau de la nouvelle commune.

Mais commençons cette petite histoire par le début ...

 

Régina, une commune de Guyane dont l'histoire est liée à la ruée vers l'or au milieu du XIXe siècle

C'est avec Pierre-Victor Malouet, commissaire général de la marine et ordonnateur de la colonie, que commence à se développer cette région de la Guyane à partir de la fin des années 1770. En effet, ce dernier est chargé du projet d'assainir les terres basses afin de rendre cultivable ces terres inondées mais riches... Il chargera Joseph Samuel Guisan, un ingénieur suisse qu'il avait rencontré au Suriname d'étudier et de poldériser ces terres inondées depuis Cayenne jusqu'à la rive gauche de l'Approuague.

En 1789, ce même Guisan fera creuser à la main par les esclaves le canal Roy, reliant le fleuve Approuague à la rivière de Kaw.  Il donnera son nom au village de Guisanbourg, situé dans l'estuaire du fleuve, autour duquel étaient déjà installés de nombreuses habitations esclavagistes agricoles exploitant des plantations de cacao, de coton, d'indigo, de sucre, de roucou. Celles-ci, au milieu du XIXe siècle,  avaient pour nom : Le Collège, La Ressource, La Joséphine, La Garonne, La Constance, La Jamaïque ... et d'autres encore.

C'est par une décision du 22 avril 1834, prise par le gouverneur Jubelin, que le bourg récemment formé dans le quartier, au confluent de l'Approuague et de la rivière Courouaïe, prit le nom de "Guisan-bourg" suite à une demande du commissaire-commandant de ce quartier. Cette décision avait pour but d'honorer la mémoire de l'ingénieur Guizan qui, en 1777, avait introduit en Guyane la culture des terres basses et qui pouvait être considéré comme le véritable fondateur du quartier d'Approuague où il avait réalisé les premiers asséchements.

A partir de 1855 avec la découverte de l'or sur la rivière Arataye par l'amérindien d'origine brésilienne Paoline, l'activité se tourne principalement vers l'extraction de l'or avec la création de placers (concessions aurifères) mais aussi progressivement à la fin du XIXe siècle, vers l'exploitation du bois de rose et de la gomme de balata. Guisanbourg, chef-lieu du quartier d'Approuague, perdra au fil des années de son importance au profit du hameau de Régina, situé à trente kilomètres plus en amont sur le fleuve, créé par des commerçants qui s'y étaient installés.

L'un d'entre-eux, Louis Athanase Théophane Régina, donnera son nom à la future commune ...

 

Les quais de Régina-Approuague (source Ulysse)

Les quais de Régina-Approuague (source Ulysse)

Théophane Régina arrive en Guyane à l'âge de quinze ans avec son père et son oncle en provenance de la Martinique. La famille Régina fait du commerce sur le fleuve Approuague. Né à Fort-de-France le 11 décembre 1868, Théophane est titulaire d'un certificat d'études primaires. Outre son comptoir qu'il ouvrit en amont un peu avant le premier saut sur l'Approuague, il deviendra aussi Secrétaire de mairie à Guisanbourg.

En mai 1902, il obtient comme beaucoup d'autres à cette époque un permis d'exploitation d'un gisement aurifère de 100 hectares sur la rive droite de l'Approuague. En 1903, il est nommé, avec d'autres, membre de la commission consultative des mines.

Le nom de la commune aurait été donné à ce qui n'était encore qu'un hameau, car les habitants du coin avaient l'habitude de dire "On va chez Régina" ou "On va à Régina", c'est-à-dire au commerce de Théophane Régina. On le retrouvera dans les années 1910 secrétaire de mairie à Macouria, puis en octobre 1913, il est élevé à la première classe de son emploi et est nommé à Sinnamary. Théophane Régina décèdera le 6 avril 1922 à Mana où il exerçait alors son emploi de secrétaire de mairie dans cette commune.

Théophane Régina s'était marié le 12 juin 1909 à Sinnamary avec Marie-Madeleine Thoulmey, née le 16 octobre 1887 à Kourou. Celle-ci décèdera le 19 mai 1978 à Cayenne à l'âge de 90 ans.

Mort d'une hémorragie cérébrale suite au paludisme, maladie contractée en service, son épouse Marie-Madeleine Thoulmey veuve Régina et ses six enfants, le dernier d'entre-eux étant né le 4 mars 1922, bénéficièrent d'une pension annuelle sur la Caisse de retraite des employés locaux de la Guyane. La plaque commémorative, sous son buste, indique qu'il est le fondateur éponyme de la commune de Régina.

Théophane Régina repose au cimetière de Cayenne.

 

Monument commémoratif de Louis Athanase Théophane Régina 

 

Longtemps encore, Guisanbourg resta le bourg du quartier d'Approuague, même si le hameau de Régina poursuivait son développement au détriment de son chef-lieu. Ainsi, un poste d'adjoint spécial fut créé à Régina par décret du Président de la République Deschanel le 6 août 1920 suite à la demande du Conseil municipal d'Approuague en raison du "mouvement commercial et industriel qui s'y est produit depuis quelques temps car ce centre tend, en effet, à devenir beaucoup plus important que Guisanbourg, chef-lieu de la commune" (extrait du décret présidentiel d'août 1920).

Le ministre des colonies, A. Sarraut, expliquait aussi que le lieu-dit Régina était situé à plus de 25 km du chef-lieu et uniquement accessible par voie fluviale. La conséquence de cet éloignement était que les naissances et les décès n'étaient pas toujours déclarés au bourg ou alors, tardivement et hors des délais. Les enterrements se faisaient aussi sans l'autorisation du maire. Pour remédier à ce problème, il était donc décidé de créer un poste d'adjoint spécial.

En 1922, seront créés successivement à Régina au mois de mai une station radiotélégraphique ouverte au public, permettant d'envoyer des télégrammes à Cayenne, et en novembre, un poste de gendarmerie composé de deux hommes détachés des brigades de Cayenne. C'est, du reste, le gendarme chef de poste qui sera provisoirement chargé de l'exploitation du poste T.S.F de Régina. Une école publique sera aussi ouverte au cours de cette année 1922.

Outre l'installation progressive de services administratifs, l'activité économique de Régina poursuivra également son essor. Mais ce n'est qu'en 1936, par décret présidentiel du 11 janvier, que Régina sera érigée en bourg, chef-lieu de la commune à la place de Guizanbourg qui deviendra un hameau (une "section" selon la formule utilisée par l'administration de l'époque) doté d'un poste d'adjoint spécial. Au fil des années, Guisanbourg sera peu à peu abandonnée, ses derniers habitants quitteront l'ancien bourg au milieu des années 1980.

Les quais de Régina dans les années 1930 (source Ulysse).

Les quais de Régina dans les années 1930 (source Ulysse).

Quelques photos de Régina aujourd'hui :

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Sources :

Archives Nationales d'Outre-Mer (Etat-civil).

Base Ulysse (IREL).

Bulletins officiels de la Guyane Française.

Journal officiel de la Guyane Française.

Le Patrimoine des communes de la Guyane (Fondation Clément).

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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 09:02

Le nom de Félix Coüy est surtout connu de celles et ceux qui s'intéressent à la découverte de l'or en Guyane, car il a en effet été, avec l'amérindien d'origine brésilienne Paolino (ou Paoline), l'un des découvreurs de ce précieux métal au bord de la crique Arataye dans le quartier d'Approuague en juillet 1855.

Il faut simplement retenir que Si l'amérindien Joseph Paoline est celui qui a découvert quelques grammes d'or au bord de la rivière Arataye, Félix Coüy, le commissaire-commandant du quartier d'Approuague a, quant à lui, adressé un rapport au directeur de l'intérieur du "gouvernement" de la Guyane sur cette découverte en y joignant quelques échantillons. Quelques temps plus tard, il se verra confier, par décision du 1er août 1855, une mission d'exploration des terrains situés sur le bord de la crique Arataye, l'un des affluents du fleuve Approuague, avec pour objectif de relever avec exactitude l'emplacement des terrains aurifères.

Un commissaire-commandant avait à cette époque des missions plus ou moins identiques à un maire d'aujourd'hui, sauf qu'il n'était pas élu, mais nommé par le gouverneur. Il était assisté d'un Lieutenant-commissaire et parfois, sur demande du commissaire-commandant et en cas de besoin, d'un second lieutenant. Seule la ville de Cayenne avait un maire et des adjoints, mais eux-aussi désignés par le gouverneur.

De même, un quartier était un peu comme une commune actuelle mais sans autonomie de décision et de budget car complètement dépendant des services rattachés au gouverneur. Il faudra attendre l'application du décret du 15 octobre 1879 qui organisait en Guyane les municipalités, élues au suffrage universel, pour que les quartiers deviennent de véritables communes.

Gros plan sur Félix Coüy, commissaire-commandant du quartier d'Approuague en Guyane, au milieu du XIXe siècle

Félix Coüy est né à Nantes dans ce qui était à l'époque la Loire-Inférieure le 24 pluviôse an VII (12 février 1799), fils de Pierre Aimé Coüy, né le 20 avril 1767 à Nantes, Commis principal de la marine, et de Françoise Chamaillard (1766-1813). Félix avait un frère Alexandre Coüy qui restera durant treize ans maire de la ville de Cayenne entre 1867 et 1880.

Félix Coüy épousera Louise Jeannette Rouxel, née en 1801 à Cayenne, le 16 janvier 1826. Lors de son mariage à Cayenne, l'intéressé a déclaré exercer le métier de  Capitaine au long cours et de négociant. Il habitait alors rue Chaussée Sartines. Le couple aura un enfant, Elisabeth Caroline née le 15 décembre 1829 à Cayenne.

Louise Jeannette Rouxel, épouse de Félix Coüy, fille de Sophie Philippine Elisabeth Rouxel, décèdera le 2 septembre 1847 au domicile de son beau-père Jean-Joseph Pain, rue de Choiseul (actuelle avenue du Général de Gaulle) à Cayenne.

Elisabeth Caroline Coüy se mariera le 14 janvier 1848 à Cayenne avec Alexis Aimé Joseph Cerisier, né le 29 avril 1821 à Brest, chirurgien de la marine. Celui-ci sera nommé Chevalier de la légion d'honneur par décret du 30 octobre 1852. Ils auront deux enfants :

- Charles Aimé Marie Cerisier, né le 22 mars 1849 à Cayenne, marié à Emilie Françoise Neveu, sous-commissaire à la marine, fera une belle carrière dans l'administration coloniale où il terminera avec le grade de directeur de l'intérieur au Congo français, et recevra de nombreuses distinctions : chevalier de la légion d'honneur par décret du 20 juillet 1892, officier d'académie, commandeur de l'étoile noire du Bénin, médaille de 1ere classe en or à l'occasion de l'incendie de Cayenne en 1888, officier de l'ordre royal du Cambodge. Mis à la retraite en octobre 1892 pour cause d'infirmité contractée en service, il décèdera le 10 octobre 1906 à l'âge de 57 ans à sa maison de Saint-Maurice (Val de Marne). Son corps sera ramené à son domicile au 15 rue Molitor à Paris 16e et sera inhumé au cimetière de Billancourt.

- et Louise Léontine Alexandrine Cerisier, née le 25 janvier 1857 qui décèdera un an plus tard, soit le 27 janvier 1858.

Elisabeth Caroline Coüy épouse Cerisier décèdera le 20 avril 1857 à l'âge de 27 ans, à son domicile, au numéro 40 de la rue de Choiseul à Cayenne.

Gravure extraite de l'ouvrage "La Guyane Française, Notes et souvenirs d'un voyage exécuté en 1862-1863 par Frédéric Bouyer, Capitaine de Vaisseau".

Gravure extraite de l'ouvrage "La Guyane Française, Notes et souvenirs d'un voyage exécuté en 1862-1863 par Frédéric Bouyer, Capitaine de Vaisseau".

Félix Coüy sera nommé lieutenant-commissaire-commandant du quartier de l'Approuague le 22 avril 1833. Il restera commissaire-commandant quasiment sans interruption jusqu'au 7 juillet 1860, date de sa révocation par le gouverneur. Parallèlement, Félix Coüy sera membre du Conseil Colonial de la Guyane dont il assurera la vice-présidence à partir de 1835. Dans le quartier d'Approuague, il était le propriétaire de l'habitation esclavagiste La Ressource. 135 esclaves seront recensés dans cette habitation lors de l'abolition de l'esclavage de 1848.

Alors qu'il est commissaire-commandant dans le quartier d'Approuague, il est nommé Chevalier de la Légion d'honneur par ordonnance du roi du 16 octobre 1842. On trouve deux traces de ses écrits : Un Rapport fait par Félix Coüy, membre du Conseil colonial, sur son voyage au Surinam, Démerary et aux Antilles françaises, du 10 juillet 1844, et une Notice sur la Guyane par Félix Coüy, habitation La Ressource, rivière d'Approuague, le 3 mai 1849.

Bien que le décès de Félix Coüy fut officiellement enregistré à l'Etat-civil du quartier d'Approuague le 29 octobre 1863, il fut en réalité assassiné le 15 octobre de cette même année alors qu'il se rendait sur son placer "Impératrice Eugénie", au bord de la rivière Arataye, par un petit groupe de cinq personnes qui avaient monté un véritable guet-apens. L'auteur et ses complices furent identifiés, interpellés et jugés par la Cour d'assises de Cayenne en novembre 1866 :

- L'auteur du crime qui donna les coups de couteau, le brésilien Païva, 49 ans, sera condamné à la peine de mort,

- L'instigateur, Pierre Honoré Antoine Béranger, né à Bouyon dans les Alpes-Maritimes, 49 ans, chercheur d'or, sera condamné aux travaux forcés à perpétuité,

- Trois amérindiens émerillons du quartier d'Approuague : Séguine (30 ans), Massouaye (30 ans) et Charles (19 ans) seront respectivement condamnés pour les deux premiers à 20 ans de travaux forcés, et le plus jeune à 5 ans.  

Ni Félix Coüy, ni Joseph Paoline ne profitèrent de leur découverte qui entraîna en Guyane une véritable ruée vers l'or. En effet, Joseph Paoline mourut quelques années plus tard le 19 décembre 1871, sans ressources, à l'hôpital militaire de Cayenne à l'âge d'environ 60 ans.

 

Gros plan sur Félix Coüy, commissaire-commandant du quartier d'Approuague en Guyane, au milieu du XIXe siècle

Sources :

Bulletins officiels de la Guyane Française.

Archives Nationales d'Outre-Mer (ANOM).

Geneanet (Coüy Félix).

Décret colonial concernant l'organisation municipale à la Guyane française du 30 juin 1835.

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1 septembre 2016 4 01 /09 /septembre /2016 12:08

 

Issu d'une vieille famille créole installée en Guyane dès le XVIII° siècle, Jean Marie Louis Hippolyte de Saint- Quentin est né le 5 juin 1814 à Paris, fils de Narcisse Isidore Edouard de Saint-Quentin né à Abbeville le 23 décembre 1775 dans la Somme et décédé le 29 septembre 1838 à Cayenne à son domicile rue Dauphine (sous-commissaire à la marine à Cayenne / lieutenant-colonel des milices / juge de paix), et de Louise Elisabeth Victoire d'Audiffredy, née le 15 janvier 1780 à Cayenne et décédée le 15 janvier 1864 à Cayenne.

Ses parents avaient été amenés à s'installer en France à la suite de l'occupation portugaise de la Guyane en 1809, ce qui explique sa naissance à Paris en 1814.

Hippolyte de Saint-Quentin s'est marié le 6 octobre 1847 à Marigot sur l'Île de Saint-Martin (Antilles françaises) avec Caroline Dormoy, née le 23 avril 1810 à Marigot (Saint-Martin) et décédée le 25 mai 1871 à Cayenne. Elle était la fille de Pierre Charles Dormoy, né le 12 juillet 1748 à Paris et décédé le 12 mai 1817 sur l'habitation Lotterie, située au quartier du Colombier (Saint-Martin) et de Louise Bertier.

Son portrait ci-dessus (peinture à l'huile) est l'œuvre de Paul Merwart, peintre de la marine et des colonies, vers 1902, c'est-à-dire quelques mois avant le décès d'Hyppolite de Saint-Quentin. Ce tableau est la propriété du Musée Franconie à Cayenne.

Caroline Dormoy avait été mariée en premières noces avec Louis Joseph Maurras, commerçant, né le 19 mai 1810 à Marseilles et décédé le 19 mai 1838 au bourg de Marigot (Saint-Martin). Un enfant, François Charles Maurras, était né de cette union.

Avec son épouse Caroline Dormoy, Hippolyte de Saint-Quentin eut six enfants :

  • Jeanne Hippolyte de Saint-Quentin, née le 26 août 1840 à Marigot, mariée le 8 février 1866 à Cayenne avec Charles Philippe Lestrade (1829-1889), officier d'infanterie de marine.
  • Émile Édouard de Saint-Quentin né le 16 novembre 1841 à Marigot, décédé le 30 septembre 1896 à La Trinité (Martinique), marié avec Nelly Caroline Calixte Durant Saint-Amand, née le 6 mai 1859 à Brest (Finistère), décédée le 15 juin 1898 à Cayenne. Emile Edouard a été receveur de l'enregistrement à Basse-Terre (Guadeloupe), à Gorée et à Cayenne ; il était aussi agent de la Cie transatlantique à Cayenne.
  • Robert Gabriel de Saint-Quentin, né à Marigot le 21 avril 1845, décédé le 20 juin 1876 à Toulon (Var), sous-commissaire de la marine en Cochinchine.
  • Félix Emmanuel de Saint-Quentin,né le 17 juillet 1847 à Marigot (Saint-Martin), marié le 17 février 1873 à Cayenne avec Marie Félicité Quintrie-Lamothe (1852-1897). Il était commissaire de la marine à Cayenne. Il est décédé en mer en 1874.
  • Hippolyte de Saint-Quentin, né en 1850,
  • Adèle Marie Émilie de Saint-Quentin, née le 10 juillet 1851 à Cayenne, mariée le 21 juillet 1869 à Cayenne avec Paul Eucher Auguste Quintrie-Lamothe, né le 9 mars 1844 à Saint-Anne (Guadeloupe), caissier à la Banque de Guyane.

Hippolyte de Saint-Quentin avait cinq frères qui étaient également établis en Guyane. Avec sa nombreuse descendance et celle de ses frères, il était devenu à la fin de sa vie le véritable patriarche de la famille.

Il s'éteignit le 2 juin 1902 à Cayenne à l'âge de 88 ans à son domicile du n° 3 de la rue Maissin entouré des siens. Ses obsèques eurent lieu le lendemain à Cayenne, le mardi 3 juin à 7 heures du matin, en présence d'une foule nombreuse et d'une importante délégation officielle composée de magistrats, de fonctionnaires, d'officiers et de nombreux agents des diverses administrations.

Les cordons du poêle étaient tenus par Henri Ursleur, député de la Guyane, Henry Richard, maire de Cayenne, Théodule Le Blond, consul des Pays-Bas, Henri Marchand, chef de l'imprimerie, Edouard Antier, administrateur de la Banque, et Alfred Cor, chef du service des douanes. Le gouvernement de la Guyane était représenté par Emile Merwart, secrétaire général de la colonie et président du comité de patronage du musée local.

PS : Autrefois, "tenir les cordons du poêle" , c'était tenir les cordons reliés au drap funéraire qui recouvrait le cercueil.

Cayenne, le Gouvernement (Hôtel du gouverneur qui abrite aujourd'hui les services rattachés au Préfet de la Guyane).

Cayenne, le Gouvernement (Hôtel du gouverneur qui abrite aujourd'hui les services rattachés au Préfet de la Guyane).

Ayant obtenu son baccalauréat en avril 1831, avec de grandes connaissances en latin et en grec, il revint en Guyane pour se préparer à une carrière dans l'administration de l'Etat. Nommé surnuméraire au service de l'Enregistrement en 1836 (surnuméraire : a dû attendre une place vacante pour être titularisé), Il fut appelé à servir durant plusieurs années en Guadeloupe et notamment sur l'Île de Saint-Martin.

N'aspirant qu'à revenir en Guyane, il n'obtint satisfaction qu'en 1848 pour ne plus jamais quitter Cayenne. Durant les vingt années qui suivirent, il prit une part active à l'administration de la colonie, devenant pour les gouverneurs qui s'y succédèrent un conseiller précieux et écouté. Etant revenu à Cayenne comme receveur au bureau des enregistrements, il gravit progressivement les échelons de son grade pour prendre la direction du 1er bureau de l'enregistrement (bilan de la propriété immobilière du pays).

C'est au titre de conservateur des hypothèques, et en remerciement de ses services, qu'il fut nommé Chevalier de la légion d'honneur par décret impérial du 11 août 1869. Alors qu'il pouvait prétendre à prendre sa retraite à cette date, Hippolyte de Saint-Quentin ne s'y résolut qu'au 1er juillet 1883. Mais s'estimant être encore disponible pour sa Guyane, il poursuivit ses activités pendant presque encore vingt ans notamment à la bibliothèque Franconie.

Cette bibliothèque, provenant à l'origine de la collection privée des livres de feu M. Alexandre Franconie, fut donnée à la colonie par son fils Gustave, alors député de la Guyane. Amené avec d'autres notables à organiser cet établissement entre 1883 et 1889, il en devint le bibliothécaire officiel en 1889 et ce, jusqu'à sa mort, succédant à M. Jeanneney, professeur au collège de Cayenne.

Doté d'une grande érudition étendue par d'innombrables lectures, il ne pouvait y avoir de meilleur choix qu'Hippolyte de Saint-Quentin comme responsable de cette bibliothèque installée dans l'immeuble Franconie. Pour en savoir davantage sur l'histoire de la famille Franconie, cliquez "ICI".

 

L'immeuble Franconie est situé sur la droite de la carte postale (Le Musée local était installé au rez-de-chaussée du Secrétariat général, il l'est encore aujourd'hui).

L'immeuble Franconie est situé sur la droite de la carte postale (Le Musée local était installé au rez-de-chaussée du Secrétariat général, il l'est encore aujourd'hui).

Outre l'intérêt qu'il portait à l'étude et à la grammaire du parler créole, Hippolyte de Saint-Quentin était aussi un artiste car il avait le goût du dessin et de la peinture. Il avait ainsi dessiné au crayon "sur nature" dans la geôle de Cayenne fin 1861 le portrait du fameux bandit D'Chimbo dit le Rongou qui fut exécuté sur la place publique du marché le 14 janvier 1862 à six heures et demie du matin. Il offrira plus tard ce portrait au musée local dont le premier conservateur sera M. Eugène Bassières (devenu aujourd'hui Musée départemental Alexandre Franconie) qui était alors en cours de réalisation.

Mais le vénérable doyen, comme il était parfois nommé, s'était aussi intéressé à la science héraldique (blasons et armoiries), à cette époque encore peu répandue. C'est grâce à ses compétences dans ce domaine qu'il put utilement conseiller le peintre des colonies Paul Merwart, chargé par son frère Emile, alors gouverneur par intérim de la Guyane, à dessiner le blason de Cayenne qui fut officiellement présenté le 25 septembre 1901 lors de la première réunion du comité de patronage du Musée local. Le blason de Cayenne que l'on peut voir en haut à gauche de ce paragraphe dans sa version originale est visible au Musée Franconie.

Dans le cadre du comité de patronage du musée local, Hippolyte de Saint-Quentin présidera une commission chargée de dresser une liste des noms à commémorer à Cayenne, liste devant aller du XV° au XIX° siècle.

Gros plan sur Hippolyte de Saint Quentin, conservateur des hypothèques à Cayenne durant la seconde moitié du XIX° siècle.

Sources :

Geneanet (Famille de Saint-Quentin).

ANOM (Etat-civil).

Musée Franconie de Cayenne (Portrait d'H.de Saint-Quentin).

Nécrologie d'H. de Saint-Quentin (jogf).

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19 juin 2016 7 19 /06 /juin /2016 12:01

Jean Samuel Chambaud a vu le jour le 20 décembre 1891 à Cayenne au domicile de ses parents, sis à l'angle des rues Molé et Christophe Colomb. Son père Jean Etienne Frédéric Chambaud, né le 21 juin 1853 à Cayenne, exerçait la profession d'arpenteur, et sa mère, Hortense Louise Dassy, née le 23 novembre 1865 à Cayenne, était mère au foyer. Ils se sont mariés le 19 mars 1890 à Cayenne. Lors de la déclaration de la naissance de Samuel devant l'officier d'Etat-civil de Cayenne, les témoins étaient Samuel Lubin, pharmacien (également connu comme musicien sous le pseudonyme d'Edgar Nibul), et Louis Adolphe François Guillaume Laforest, chef de deuxième classe de l'imprimerie du gouvernement.

M. Frédéric Chambaud, géomètre civil et père de Samuel, sera durant plusieurs années au début du XX° siècle, conseiller municipal de la ville de Cayenne. Il sera aussi détenteur d'une concession aurifère sur la commune de Mana. Plus tard, il sera désigné, avec d'autres, comme membre du comité chargé de faire la propagande nécessaire pour faire la représentation de la Guyane à la foire commerciale de Bordeaux qui devait se tenir en septembre 1917.

Samuel Chambaud aura trois autres frères : Emile Etienne, né le 18 mars 1889 à Cayenne, Louis Frédéric né le 19 novembre 1890 (décédé le 26 janvier 1899) et René Etienne, né le 15 mai 1894 également à Cayenne.

Samuel sera dispensé du service militaire après avoir été réformé sur décision de la commission spéciale de Fort-de-France pour faiblesse générale de constitution, maintenu réformé sur décision de la commission spéciale de réforme de Cayenne lors de sa séance du 19 mars 1916 pour musculature insuffisante, faiblesse de constitution.

Quant à son frère ainé Emile Etienne, et malgré son exemption par le Conseil de révision de Cayenne du 9 août 1915, il s'engagera comme volontaire pour la durée de la guerre 1914-1918, d'abord à la Compagnie d'infanterie coloniale de la Guyane comme soldat de 2° classe le 23 septembre 1915, puis au 4° Régiment de zouaves le 1er octobre 1915. C'est dans ce régiment et alors qu'il combattait sur le front à Verdun, qu'il aura le pied droit gelé et sera amputé du gros orteil. Cependant, il continuera la guerre dans le 63° Régiment d'artillerie de campagne, puis au 67° Régiment d'artillerie. Il recevra la croix de guerre - citation à l'ordre du Régiment du 31 décembre 1916 :" Zouave très courageux, quoique malade n'a pas abandonné sa Compagnie pour participer à l'attaque du 18 décembre 1916. S'est fait remarquer durant l'attaque, par son allant et son énergie".

Samuel Chambaud se mariera à Cayenne le 4 juillet 1937 avec Léone Sophie Gabrielle Dorfer.

Gros plan sur Samuel Chambaud, instituteur et fondateur du scoutisme en Guyane

Une carrière professionnelle bien remplie

Après avoir fait ses études à l'école élémentaire des garçons de Cayenne, puis au Collège, il deviendra instituteur en 1912. Durant ses études primaires et secondaires, Samuel Chambaud figurait régulièrement sur les tableaux d'honneur qui paraissaient à l'époque dans le journal officiel de la Guyane française.

Lorsque Samuel fut nommé à Cayenne, le directeur de l'école élémentaire des garçons n'était autre que Paul Laporte. Celui-ci a également fait l'objet d'un petit article sur ce blog que vous pouvez lire en cliquant "ICI". Alors qu'il avait été affecté à Cayenne, Samuel Chambaud sera nommé instituteur à Mana le 16 octobre 1914. Il sera nommé directeur de l'école des garçons de Mana le 7 novembre 1916 sur proposition du chef du service de l'instruction publique.

Il sera plus tard affecté à l'école des garçons du hameau de Malmanoury, hameau qui était rattaché à la commune de Sinnamary. Ce village était à l'époque bien peuplé au début du XX° siècle, tant et si bien qu'une école mixte (garçons et filles) y fut installée en 1912. Le nombre d'élèves filles étant en nette augmentation, et sur la proposition du maire de la commune de Sinnamary, une école de garçons et une autre de filles furent officiellement créées sur décision du gouverneur du 30 mars 1928.

Après quelques années passées à l'école des garçons de Malmanoury, Samuel Chambaud fut officiellement nommé au Collège de Cayenne lors du mouvement général des enseignants validé par le gouverneur Lamy le 20 octobre 1933. Il exercera alors la fonction de surveillant général au petit lycée de Cayenne, comme le Collège était appelé à cette époque.

Mais en 1941, sous le régime de Vichy et suite aux lois signées par le Maréchal Pétain visant les sociétés secrètes (lois du 11 août, 25 octobre et 10 novembre 1941), Samuel Chambaud, qui était alors franc-maçon comme beaucoup d'autres, y compris en Guyane, sera déclaré démissionnaire d'office de son emploi d'instituteur de classe exceptionnelle du cadre local de la Guyane. Il sera alors admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour ancienneté de service à compter du 18 décembre 1941. Durant cette période, il trouvera un emploi à la construction de l'aéroport.

Il ne sera officiellement réintégré dans ses fonctions qu'à compter du 12 avril 1943 par arrêté du gouverneur de la Guyane Jean Rapenne daté du 3 mai 1943. Cette dernière décision concernant Samuel Chambaud sera par la suite modifiée par un nouvel arrêté daté du 18 avril 1946 signé Jean Peset qui, cette fois, le réintégrera dans ses précédentes fonctions d'instituteur de classe exceptionnelle à compter du 19 décembre 1941. Il reprendra alors ses fonction de surveillant général au Collège de Cayenne.

A partir de 1952, il sera nommé Censeur au lycée Félix Éboué jusqu'à son départ à la retraite en 1955. Cependant, et suite à une vacance de poste, il sera rappelé pour continuer à enseigner dans le primaire jusqu'en 1960. Nommé instituteur en 1912, Samuel Chambaud aura donc travaillé dans l'éducation nationale pendant 48 ans ...

Ce bâtiment de l'école communale de garçons, nommé plus tard Ecole élémentaire Samuel Chambaud, a été construit dans les années 1950. Il est situé au numéro 7 de la rue Léon Gontran Damas. L'autre partie plus ancienne de cette école, rue Mme Payé, date du début du XX° siècle. L'école est située le long de la place des Palmistes à Cayenne.

Ce bâtiment de l'école communale de garçons, nommé plus tard Ecole élémentaire Samuel Chambaud, a été construit dans les années 1950. Il est situé au numéro 7 de la rue Léon Gontran Damas. L'autre partie plus ancienne de cette école, rue Mme Payé, date du début du XX° siècle. L'école est située le long de la place des Palmistes à Cayenne.

Fondateur du scoutisme laïc en Guyane

Parallèlement à son activité dans l'enseignement, Samuel Chambaud sera, avec quelques autres, l'un des premiers à introduire le scoutisme en Guyane française. En effet, un arrêté du 20 décembre 1923 signé par le gouverneur Chanel autorisera le fonctionnement à Cayenne d'une société de sports dénommée Boys Scouts de la Guyane Française. Ils étaient plusieurs à effectuer la demande et le dépôt des statuts de cette nouvelle association de sports en formation, sous la dénomination de Boys Scouts de Guyane, section de Cayenne. Outre Samuel Chambaud, il y avait aussi Urbain Crouzet, Roland Devez et Edouard Roumi.

Cette association va progressivement se développer entre 1924 et 1930, grâce à l'impulsion de Samuel Chambaud, dans différentes communes de Guyane : Mana, Kourou, Regina (Approuague), Sinnamary, Saint-Georges de l'Oyapock, Remire-Montjoly ... Les Boys-Scouts de la Guyane Française seront affiliés aux Éclaireurs de France. Samuel Chambaud sera officiellement désigné Commissaire régional à la Guyane de la Fédération des Éclaireurs de France. Durant toutes ces années, les Boys-Scouts de la Guyane participeront aux manifestations officielles et festives se déroulant dans le pays.

Eu égard à son inlassable dévouement aussi bien pour l'éducation nationale que pour le scoutisme, Samuel Chambaud recevra de nombreuses distinctions et décorations dont les plus importantes sont citées ci-après : Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur en 1937 (décret du 11 juin 1937), Commandeur des palmes académiques en 1959, Officier dans l'ordre national de la Légion d'honneur en 1961 (décret du 17 mars 1961).

Dans le cadre de la demande de promotion comme Officier de la Légion d'honneur et de l'élaboration de son dossier en 1960, le recteur de Bordeaux (L'enseignement en Guyane était à l'époque rattaché à l'Académie de Bordeaux) émettait cet avis très favorable : "Personnalité très populaire en Guyane et qui jouit de l'estime général - grosse influence dans les milieux de l'Enseignement du Premier et du Second degré".

Quant au Préfet de l'époque, André DUBOIS-CHABERT, il émettait lui-aussi un avis très favorable le 24 septembre 1960 : " A toujours fait preuve dans l'exercice de ses fonctions d'une activité inlassable et d'un dévouement complet. La promotion au grade d'officier dans l'ordre national de la Légion d'honneur que je sollicite chaleureusement en faveur de M. Chambaud, Chevalier depuis 1937, serait le juste couronnement d'une longue carrière au service de l'enseignement ".

Samuel Chambaud, qui s'adonnait à la chasse durant ses loisirs, était surnommé "le grand blanc". Il faut dire qu'il mesurait 1m 86, ce qui était assez rare à cette époque ...

Il s'est éteint à Cayenne le 20 juin 1964.

Groupe scolaire Samuel Chambaud aujourd'hui (Photo 2015).

Groupe scolaire Samuel Chambaud aujourd'hui (Photo 2015).

Sources :

Archives Nationales d'Outre-Mer (Etat-civil / Matricule militaire)

Journal officiel de la Guyane française

Journal officiel de la République française

Site internet Geneanet (famille Chambaud Frédéric)

Redris 973

Ministère de la Culture (BL).

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14 mai 2016 6 14 /05 /mai /2016 10:31

Le titre de cet article est celui qui figure dans le Grand Dictionnaire universel du XIX° siècle de Pierre Larousse qui relate la vie de ce personnage qui a vécu 112 ans, dont les quarante dernières années de sa vie sur une petite île sur un saut du fleuve Oyapock, en Guyane française.

Cette histoire a été racontée par Pierre-Victor Malouet (1740-1814) qui fut commissaire général de la marine et ordonnateur en Guyane de fin 1776 à 1778. Ce récit figure dans ses Mémoires (Tome I), publiés par son petit-fils en 1868.

Durant son court séjour en Guyane, Malouet a marqué son passage dans la colonie notamment en mettant en place un système de dessèchement des terres noyées, et la construction de canaux et de chemins, avec l'aide de l'ingénieur suisse Guisan qu'il avait fait venir de la Guyane hollandaise. Il a aussi organisé l'urbanisation de Cayenne en construisant des rues, créant un atelier de travaux publics, etc ... En son souvenir, une rue de Cayenne porte encore aujourd'hui son nom.

Mais revenons à notre centenaire dont l'histoire est loin d'être banale. Pierre-Victor Malouet, alors qu'il visitait la Guyane peu après son arrivée, a raconté sa rencontre en 1777 avec cet ancien soldat de Louis XIV, vivant sur cette île perdue au milieu du fleuve Oyapock. Le texte ci-après est l'extrait intégral des Mémoires de P-V. Malouet (Tome I) sur Jacques Blaissonneaux dit "Jacques-des-Sauts" :

Extrait d'une carte intitulée "Partie du fleuve d'Oyapock", datée du 14 janvier 1778 d'après la carte de Brodel Jean-Charles, ingénieur-géographe. Le nom de "Blaisoneau", mal orthographié, y est mentionné ...

Extrait d'une carte intitulée "Partie du fleuve d'Oyapock", datée du 14 janvier 1778 d'après la carte de Brodel Jean-Charles, ingénieur-géographe. Le nom de "Blaisoneau", mal orthographié, y est mentionné ...

"A six lieues du poste d'Oyapock, je trouvai sur un îlot placé au milieu du fleuve qui forme dans cette partie une magnifique cascade, un soldat de Louis XIV qui avait été blessé à la bataille de Malplaquet (1) et avait obtenu alors ses invalides. Connu à la Guyane sous le nom de Jacques-des-Sauts, il avait 110 ans en 1777, et vivait depuis quarante ans dans ce désert.

Il était aveugle et nu, assez droit, très-ridé ; la décrépitude était sur sa figure mais point dans ses mouvements ; sa démarche, le son de sa voix, étaient d'un homme robuste : une longue barbe blanche le couvrait jusqu'à la ceinture. Deux vieilles négresses composaient sa société et le nourrissaient du produit de leur pêche et d'un tout petit jardin qu'elles cultivaient sur les bords du fleuve.

C'est tout ce qui lui restait d'une plantation assez considérable et de plusieurs esclaves qui l'avaient successivement abandonné. Les gens qui m'accompagnaient l'avaient prévenu de ma visite, qui le rendit très-heureux ; il m'était facile de pourvoir à ce que ce bon vieillard ne manquât plus de rien et terminât dans une sorte d'aisance sa longue carrière. Depuis vingt-cinq ans, il n'avait mangé de pain ni bu de vin ; il éprouva une sensation délicieuse du bon repas que je lui fis faire. Il me parla de la perruque noire de Louis XIV, qu'il appelait un beau et grand prince, de l'air martial du maréchal de Villars, de la contenance modeste du maréchal de Catinat, de la bonté de Fénelon, à la porte duquel il avait monté la garde à Cambrai.

Il était venu à Cayenne en 1730 ; il avait été économe chez les jésuites, qui étaient alors les seuls propriétaires riches, et il était lui-même un homme aisé, lorsqu'il s'établit à Oyapock. Je passai deux heures dans sa cabane, étonné, attendri du spectacle de cette ruine vivante. La pitié, le respect en imposaient à ma curiosité ; je n'étais affecté que de cette prolongation des misères de la vie humaine, dans l'abandon, la solitude et la privation de tous les secours de la société.

(1) La bataille de Malplaquet s'est déroulée le 11 septembre 1709 au cours de la guerre de succession d'Espagne. Les troupes commandées par le général John Churchill, duc de Marlborough et le prince Eugène de Savoie, essentiellement autrichiennes et hollandaises, affrontèrent les Français commandés par le maréchal de Villars.

L'endroit où était installé Jacques-des-Sauts est connu aujourd'hui avec la seule appellation de Saut Maripa (voir une vue de ce saut ci-dessus prise en octobre 2015 en saison sèche), premier saut à une heure de pirogue lorsqu'on quitte Saint-Georges de l'Oyapock pour remonter le fleuve du même nom.

L'endroit où était installé Jacques-des-Sauts est connu aujourd'hui avec la seule appellation de Saut Maripa (voir une vue de ce saut ci-dessus prise en octobre 2015 en saison sèche), premier saut à une heure de pirogue lorsqu'on quitte Saint-Georges de l'Oyapock pour remonter le fleuve du même nom.

Je voulus le faire transporter au fort ; il s'y refusa : il me dit que le bruit des eaux dans leur chute était pour lui une jouissance, et l'abondance de la pêche une ressource ; que puisque je lui assurais une ration de pain, de vin et de viande salée, il n'avait plus rien à désirer.

Lorsque je fus prêt de le quitter son visage se couvrit de larmes ; il me retint par mon habit, et, avec ce ton de dignité qui sied à la vieillesse, s'apercevant malgré sa cécité de ma grande émotion, il me dit :"Attendez", puis il se mit à genoux, il pria Dieu et me donna sa bénédiction".

Jacques Boissonneaux alias Jacques-des-Sauts s'éteignit en 1779 à l'âge de 112 ans, soit deux ans après le passage de Pierre-Victor Malouet.

De nombreux auteurs ont repris et romancé la vie de Jacques-des-Sauts, et notamment Jean-Louis Alibert (1768-1837), médecin et professeur à la faculté de médecine de Paris, dans son ouvrage "La physiologie des passions" publié en 1825 et qui obtint un prix Montyon de l'Académie française. Dans ce livre, un chapitre entier est consacré à Jacques Boissonneaux sous le titre "Le Soldat de Louis XIV ou l'histoire de Jacques Des Sauts, anecdote de M. de Préfontaine (2)".

J-L Alibert raconte "la vie singulière de Jacques Blaissonneaux qui, après avoir été intendant chez les jésuites de la mission, s'était adonné avec passion aux travaux agricoles, avait cultivé un petit domaine et était devenu presque riche, lorsque, frappé de cécité, il était tombé peu à peu dans l'état de dénûment où Malouet l'avait trouvé en 1777. Bien qu'aveugle, il prenait part à la culture de son petit jardin et y dirigeait les travaux de ses deux vieilles et fidèles négresses. Blaissonneaux mourut à l'âge de cent douze ans. Cabane et jardin furent alors abandonnés".

Le recensement des habitants de la Guyane, de condition libre, effectué en 1737 cite un Jacques Blaizonneau, habitant sur la rivière d'Oyapock, au lieu-dit "Sauts de la rivière" à l'habitation Le Vaugirard. Il déclare alors avoir 36 ans, être ancien soldat, et marié à Marie-Anne, une indienne de 24 ans. On peut imaginer qu'il ne connaissait pas sa date de naissance car, dans ce cas, il serait né en 1701 et n'aurait pu alors participer à la bataille de Malplaquet en 1709 !

(2) Le chevalier Jean-Antoine Bruletout de Préfontaine a habité la Guyane au XVIII° siècle (mort en 1787). Il fut nommé commandant de la partie nord de la Guyane. Il publiera en 1763 un ouvrage intitulé " sa Maison Rustique, à l'usage des habitans de la partie de la France équinoxiale, connue sous le nom de Cayenne".

Image extraite de l'ouvrage "Les vrais Robinsons, naufrages, solitude,voyages" par MM. Ferdinand Denis et Victor Chauvin, publié en 1863.

Image extraite de l'ouvrage "Les vrais Robinsons, naufrages, solitude,voyages" par MM. Ferdinand Denis et Victor Chauvin, publié en 1863.

Sources :

Mémoires de Malouet publiés par son petit-fils (Tome premier) - 1868.

Physiologie des passions ou nouvelle doctrine des sentiments moraux (Tome 2) par JL Alibert, publié chez Béchet Jeune (Paris 1825).

Grand dictionnaire universel du XIX° siècle par Pierre Larousse (Tome 2).

Extrait de la carte de la rivière Oyapock réalisée par l'ingénieur-géographe Dessigny en 1762. On y voit surligné en jaune par mes soins le prénom de Jacques (Blaissonneaux), là où il avait son habitation.

Extrait de la carte de la rivière Oyapock réalisée par l'ingénieur-géographe Dessigny en 1762. On y voit surligné en jaune par mes soins le prénom de Jacques (Blaissonneaux), là où il avait son habitation.

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1 avril 2016 5 01 /04 /avril /2016 14:30

C'est en poursuivant mes recherches sur Albert Eutrope, lui aussi international de rugby, et mort pour la France en 1915, sur lequel j'ai rédigé un petit article sur ce blog, que j'ai découvert qu'un autre guyanais, Georges Jérôme, avait été sélectionné par deux fois dans l'équipe de France de rugby en 1906.

Théodore Hubert Georges Jérôme est né le 9 février 1883 à Cayenne. Il est le fils de Louis Théodore Ernest Jérôme, né le 9 novembre 1833 à Cayenne, et de Marie Flore Exana Tourville, née le 25 février 1857 en la commune du Tour de l'Isle, demeurant à Cayenne au n° 46 de la rue de la Liberté. Lors de leur mariage célébré à Cayenne le 15 décembre 1880, Louis Théodore Ernest était commerçant à Mana et Marie Flore Exana, sans profession, demeurait chez sa mère, demoiselle Eugénie Tourville, à Cayenne. Le frère de Marie Tourville, Michel Isidore Sextius, né le 29 août 1862 à Cayenne, lui aussi négociant à Mana, deviendra maire de Mana de 1919 à 1926. Il sera nommé chevalier de la légion d'honneur à l'âge de 77 ans (Décret du 31 janvier 1939).

Le couple s'installera à Mana après leur mariage car la situation professionnelle d'Ernest Jérôme était bien établie (négociant et concession aurifère) dans cette commune. Ernest Jérôme décèdera dans sa maison du bourg de Mana, rue du quai, le 25 février 1893. Le grand-père de Georges, Joseph Hubert Georges Jérôme, né à Cayenne, était décédé à Kaw le 26 mai 1874 à l'âge de 73 ans.

Mobilisé le 17 décembre 1914, Georges Jérôme ne sera libéré que le 18 mai 1919. Après être allé se former à l'école d'artillerie de Fontainebleau, Il sera d'abord appelé au 52e Régiment d'Artillerie à Périgueux, puis au 34e R.A le 1er mai 1917. Blessé par un éclat d'obus, il obtiendra deux citations à l'ordre de la division et recevra la croix de guerre avec étoile d'argent et étoile de bronze. Promu brigadier au début de la guerre (17 août 1915), il sera rapidement nommé maréchal des logis (12 novembre 1915), puis sous-lieutenant (Journal officiel du 20 août 1917). Il deviendra lieutenant dans la réserve à la fin de la guerre (Journal officiel du 1 juin 1919).

Le poilu Georges Jérôme aura fait un remarquable et courageux parcours durant la grande guerre, mais sans-doute méconnu de ses compatriotes guyanais. En effet, son nom ne figure pas dans le Livre d'or du contingent de la Guyane française à la grande guerre 1914-1918, peut-être parce qu'il se trouvait à Périgueux lorsqu'il a été mobilisé ou que sa famille en Guyane ignorait ses faits d'armes ... Justice lui est, d'une certaine manière, ainsi rendue avec ce petit article !

Il se mariera le 29 décembre 1928 à Périgueux avec Idalie Pigeassou, née le 7 mars 1895 à Périgueux. L'intéressé aura eu un fils, Georges, né le 14 août 1927 à Périgueux et décédé le 13 août 2006 dans cette même ville (marié à Monique Crépin, un fils).

Peu de temps après son mariage, Georges Jérôme décèdera le 16 mars 1929 à Le Bouscat (Gironde) à l'âge de 46 ans. Il repose au cimetière du nord à Périgueux (Dordogne) comme son épouse Idalie, disparue le 7 mai 1938 à Périgueux.

Equipe mixte des meilleurs joueurs français contre l'équipe Galloise Swansea F.B.C au Parc des Princes en février 1904 (Extrait de La Vie au Grand Air du 25-02-1904).

Equipe mixte des meilleurs joueurs français contre l'équipe Galloise Swansea F.B.C au Parc des Princes en février 1904 (Extrait de La Vie au Grand Air du 25-02-1904).

Un beau palmarès ...

A la fin du XIXe siècle et durant le premier quart du XXe siècle, ce sport était appelé "Football Rugby", et non pas simplement "Rugby". Les joueurs n'avaient pas non plus le gabarit physique des joueurs actuels. Ainsi, Georges Jérôme mesurait 1 m 71 pour 74 kg alors qu'il occupait le poste de deuxième ligne ! Aujourd'hui, les joueurs professionnels à ce poste avoisinent les 2 mètres pour un poids moyen d'environ 120 kg.

Georges Jérôme fera plusieurs clubs durant sa carrière sportive. Il jouera successivement au Stade Français (Paris), au Sporting Club Universitaire de France (SCUF Paris), au Stade Bordelais et à l'UA Libourne (L'Union Athlétique Libournaise). Il sera une fois champion de France avec le Stade Français en 1903 (contre le SOE Toulousain), et quatre fois vice-champion avec le Stade Français en 1904 (Contre le SBUC), 1905 (Contre le SBUC), 1906 (Contre le SBUC) et 1907 (encore contre le Stade Bordelais).

Portant sur son maillot d'international le numéro 14, il sera sélectionné par deux fois en équipe de France de rugby à XV :

La première fois, le 1 janvier 1906, où l'équipe nationale affronte la Nouvelle-Zélande (All-Blacks) au stade vélodrome du Parc des Princes. Il s'agit du tout premier match test de l'histoire de l'équipe de France de rugby. Celle-ci s'inclinera mais d'une manière honorable devant l'équipe des "The Originals", comme elle était aussi appelée, alors quasi imbattable à cette époque, par 38 points (10 essais) à 8 (2 essais dont un de G. Jérôme).

Sa seconde et dernière sélection sera contre l'équipe d'Angleterre le 22 mars 1906, également au stade Vélodrome du Parc des Princes. L'équipe de France inaugure alors sa première tenue tricolore : maillot bleu, culotte blanche et bas rouges. La sélection française perdra aussi ce match par 8 points (2 essais) à 35 (9 essais) pour les anglais.

On retrouve sa trace ensuite à Libourne (UA Libournaise) pour la saison 1911-1912, puis au SBUC (1912-1913), et à Périgueux (1913-1914). Par la suite, Georges Jérôme poursuivra sa carrière sportive dans l'arbitrage, au moins jusqu'en 1926. En effet, Il arbitrera un match à Limoges le 9 décembre 1926 entre une sélection française (Limousins, Périgord, Agenais) et les Maoris en tournée en Europe, match gagné par les Maoris par 32 points à 9.

Le 8 octobre 1926, Georges Jérôme avait déjà arbitré le match à Clermont-Ferrand formé par une sélection composée de onze joueurs de l'A.S. Montferrandaise, 3 du stade clermontois et un de l'U.S Montluçonnaise contre les Maoris.

Sélection des joueurs de l'équipe de France de rugby à XV avant le match du 1er janvier 1906 contre la Nouvelle-Zélande (On y voit le guyanais Georges Jérôme. L'autre noir membre de cette sélection de 1906, lui-aussi au premier rang, est André Vergès).

Sélection des joueurs de l'équipe de France de rugby à XV avant le match du 1er janvier 1906 contre la Nouvelle-Zélande (On y voit le guyanais Georges Jérôme. L'autre noir membre de cette sélection de 1906, lui-aussi au premier rang, est André Vergès).

Un curieux match de rugby en 1905 : Noirs contre blancs ...

"La vie au grand air" du 9 février 1905, hebdomadaire paraissant le jeudi entre 1898 et 1922, faisait sa première page par cette affiche représentant Georges Jérôme effectuant un plaquage aux jambes de Frantz Reichel avec ce sous-titre : "Nègres contre Blancs, un match de foot-ball original" (cliquer sur la photo à gauche si vous voulez l'agrandir). A priori, et bien qu'il soit impossible d'imaginer aujourd'hui la "Une" d'un magazine ou d'un journal avec un tel titre, cela ne semblait poser aucun problème en ce début du XXe siècle ...

Sportif polyvalent de haut niveau, Frantz Reichel est alors en 1905 lors de ce match de rugby, président du Sporting Club Universitaire de France (SCUF) après avoir succédé à Charles Brennus à la présidence de ce club parisien. Mais il sera aussi le capitaine de cette équipe entre 1905 et 1907. C'est lui qui proposera à Georges Jérôme cette rencontre entre une équipe composée de noirs et une autre, de blancs.

Joueur au Stade Français en 1905, Georges Jérôme sera le capitaine de cette équipe de noirs. Le match se déroulera le 2 février 1905 au Parc des princes devant un public enthousiaste. Le rédacteur de l'article décrit le résultat de ce match par ces mots : "Très supérieurs à leurs incolores adversaires par leurs avants, les nègres ont triomphé par six points (un essai, un but sur coup franc) à cinq points (un essai, un but)".

Gros plan sur le guyanais Georges Jérôme, sélectionné par deux fois dans l'équipe de France de rugby en 1906

Photographie de l'équipe des noirs lors du match du 02 février 1905

Le capitaine guyanais Georges Jérôme a le ballon ovale dans sa main.

Le capitaine guyanais Georges Jérôme a le ballon ovale dans sa main.

Sources :

Sites sur Internet : Geneanet et Wikipédia.

Archives Nationales d'Outre-Mer (Etat-civil).

Magazine "La vie au grand air" (1898-1922) sur BnF/Gallica.

Photographies sportives Collection Jules Beau Tome 1904-1905 (Bnf/Gallica).

Playing the man : sport et imperialism 1900-1907 (G.J. Levett -2014- PhD thesis, Birkbeck, University of London).

Archives Départementales Dordogne : Fiche Matricule militaire n° 1654 (curieusement classée 1915) - Sa fiche Matricule sur ANOM (recensement Guyane) ne contient pas d'informations sur son parcours en 14-18.

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