Ce blog a pour ambition de décrire nos balades à travers la Planète, nos vacances snorkeling, mais aussi et surtout, la vie en Guyane (petites histoires, monuments, faune et flore) ...
Cette belle et élégante maison, bien entretenue, est l'ancienne propriété de Léonce Melkior qui l'a occupée jusqu'à son décès en 1928. Située au numéro 9 de l'avenue Léopold Héder à Cayenne, elle appartient aujourd'hui à Maud Rullier, petite-fille de Léonce Melkior. Construite dans le style créole, son ornementation extérieure (épis de faîtage, balcon en fer forgé, frises) est remarquable. Dotée d'un grand jardin avec un manguier centenaire, et protégée par un mur de clôture, elle possède tous les attributs d'une maison de notable.
Maud Rullier est la fille d'Arsène Gilbert Auguste Thémire (1887-1958), contrôleur principal des postes, chevalier de la légion d'honneur (décret du 28 février 1938) et de Anna Jeanne Melkior (1892- X), fille de Léonce. Ses parents Arsène et Jeanne se sont mariés le 18 novembre 1914 à Cayenne.
Maud Thémire, née le 27 octobre 1925 à Cayenne, épousera à Cayenne Paul Rullier, officier de carrière qui sera nommé en Guyane comme commandant militaire. Ayant pris sa retraite en 1954, il reviendra en Guyane comme chef des services administratifs du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) jusqu'en 1962. Paul Rullier se lancera dans la politique en devenant conseiller municipal (1959-1965), puis conseiller général (1966-1972) assumant durant quatre ans les fonctions de vice-président.
Après avoir été enseignante au lycée Félix Eboué, Maud Rullier travaillera comme cadre à la Préfecture. Elle est aujourd'hui retraitée de la fonction publique. Comme son mari avant elle, Maud deviendra présidente de la croix rouge en Guyane. Paul et Maud Rullier assureront aussi de nombreuses responsabilités au sein du mouvement Gaulliste dans le département.
Fils de Jean Jules Melkior (1826-1877) et de Anne Thérèse Bremond (1830-1891), Edmé Marie Jean Etienne Léonce est né le 9 mai 1859 au domicile de ses parents, au n° 52 de la rue de Berry (actuelle rue François Arago) à Cayenne. Après de longues et brillantes études en métropole, il reviendra en Guyane avec son diplôme d'ingénieur (mécanicien) obtenu en 1882 à l'école centrale des arts et manufactures. Cette grande et prestigieuse école forme encore de nos jours des ingénieurs plus familièrement appelés "centraliens".
Léonce Melkior se mariera à Cayenne le 17 décembre 1888 avec Louise Marie Julia Bremond, alors âgée de 17 ans. Le couple aura quatre enfants, tous nés au n° 9 de la rue Nationale (actuelle avenue Léopold Héder) à Cayenne : Jean-Jules Etienne (né le 9 novembre 1889), Théophile Baptiste (né le 1er décembre 1890), Anna Alice "Jeanne" (née le 30 août 1892) et Madeleine Pauline (née le 5 mars 1898). Pauline décèdera prématurément le 15 mai 1900 à l'âge de deux ans.
Léonce avait deux autres frères et une sœur : Marie Anna Louise Joséphine (née le 22 juillet 1855 / mariée à Cayenne le 14 août 1883 avec Alexandre Hildevert Sévère, né le 1er juin 1854 à Fort-de-France), Jules Théophile Etienne Albert (né le 25 juin 1857 / célibataire / décédé à Cayenne le 29 avril 1897) et Jean Jules Joseph Marie Etienne (né le 6 aout 1869 /Marié le 20 avril 1922 à Cayenne avec Ernestine Joséphine Anna Bremond, née en 1871).
Léonce Melkior décèdera le 29 septembre 1928 à Cayenne.
A son retour en Guyane, Léonce comme beaucoup d'autres, et notamment comme son père Jules, se lancera dans la recherche de l'or. Depuis la découverte de l'or en 1855, ce métal précieux deviendra un véritable attrait pour tous les habitants de la colonie. En effet, presque toutes les familles guyanaises, représentées par un père, un frère, un cousin ou un oncle, étaient directement ou indirectement concernées par l'orpaillage. Dès 1885, Léonce Melkior deviendra l'un des administrateurs du Placer "Enfin" situé sur le Haut-Mana. La société anonyme du Placer "Enfin", créée en juin 1880 par la Société Générale Française de Crédit, qui deviendra Crédit de France, succéda à une société civile.
Mais Léonce Melkior avait aussi obtenu et exploitait pour son propre compte d'autres placers comme "Dagobert" ou "Souvenir" situés à l'ouest de la Guyane dans le bassin du fleuve Mana. A la fin de l'année 1901, et à sa demande (Arrêté du gouverneur du 28 octobre 1901), il montera à ses frais, une expédition de police et d'arpentage dans l'Inini afin de faire fuir les maraudeurs qui exploitaient illégalement les placers dans la région et de délimiter précisément les concessions aurifères. "Maraudeurs" est le nom qui était donné à l'époque aux orpailleurs illégaux. On peut souligner que la situation s'est encore aujourd'hui aggravée malgré les nombreuses opérations officielles de lutte contre cet orpaillage clandestin, principalement d'origine brésilienne.
Entrepreneur, Léonce Melkior participera à la reconstruction d'une partie de la ville de Cayenne ravagée par un incendie en 1888. Il construira notamment des maisons particulières et quelques édifices connus comme l'Habitation Leblond ou Thémire, connue aujourd'hui sous le nom de Bar des Palmistes, ou la Banque de la Guyane, détruite par l'incendie précitée.
Il prendra de nombreuses autres responsabilités tout au long de sa vie professionnelle :
Conseiller municipal de la ville de Cayenne dont il fut, un temps, le premier adjoint, il sera aussi nommé membre du comité d'organisation de l'Exposition universelle de 1889 et de 1900, de même que de celui chargé de faire la propagande nécessaire pour une représentation de la Guyane à la Foire commerciale de Bordeaux en septembre 1917.
Il sera en outre nommé Juge suppléant de la justice de paix de Cayenne, membre de la commission consultative des mines, membre de la chambre de commerce
En août 1922, et après enquête de Commodo et Incommodo, il construira sur sa propriété au kilomètre 2 de la route de la Madeleine à Cayenne une briqueterie (voir ses initiales sur la brique, photo ci-dessus à gauche), une scierie et une distillerie de bois de rose. On peut encore voir aujourd'hui les vestiges de la briqueterie au cœur de la Cité Césaire.
Léonce Melkior apportera aussi son aide financière à l'orphelinat de Cayenne, aidera les jeunes guyanais à poursuivre leurs études en France et s'impliquera dans le développement de l'enseignement technique en Guyane. Il participera activement à la vie politique en Guyane notamment en apportant son soutien à son grand ami Jean Galmot et tentera d'apaiser les esprits après les évènements de 1928 à Cayenne. Il aura l'occasion de le recevoir et de l'héberger à son domicile de la rue Nationale.
Intelligent, brillant, travailleur et philanthrope, Léonce Melkior, avec ses multiples talents, aura durablement marqué son passage dans la société guyanaise.
Sources :
Journal officiel de la Guyane Française.
Bulletin officiel de la Guyane Française.
Le Patrimoine des communes de la Guyane (Fondation Clément).
Geneanet.