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Météo en Guyane

20 janvier 2018 6 20 /01 /janvier /2018 18:08

La tour Dreyfus à la Pointe des Roches à Kourou et la maison sur l'île du Diable constituent les seuls vestiges de la détention d'Alfred Dreyfus, l'un des plus célèbres bagnards de Guyane. L'île du Diable forme avec les deux autres îles, Saint-Joseph et Royale, l'archipel des Îles du Salut situé à 7 milles nautiques (environ 13 km) de Kourou.

Aujourd'hui ces îles à l'allure paradisiaque sont l'un des sites les plus visités de Guyane. Au milieu du XIXe siècle, elles abritèrent les premières installations du Bagne avec l'arrivée dès 1852 des premiers transportés. Ils subsistent de nombreux bâtiments et autres vestiges qui sont progressivement restaurés principalement sur l'île Royale mais aussi sur l'île Saint-Joseph. L'île du Diable est quant à elle interdite aux visiteurs en raison de la dangerosité de l'accès liée à de forts courants marins et à l'absence de débarcadère.

L'île du Diable abrita un temps une léproserie avant qu'on y mette les détenus politiques. De nombreux déportés du second empire séjournèrent sur cette île comme Charles Delescluze qui y fît un court séjour d'octobre à novembre 1858 avant d'être transféré à Cayenne à la maison Franconie où il aura en charge l'éducation du plus jeune des deux fils, Gustave, alors âgé de 14 ans et qui deviendra plus tard député de Guyane.

Propriétaire des Îles du Salut pour des raisons de sécurité - les lanceurs passent au-dessus de ces îles lors des lancements vers l'est - le CNES participe au financement de la conservation et de la valorisation de ce patrimoine historique en partenariat avec la DAC et les Bâtiments de France. Ainsi, la maison de Dreyfus a été restaurée, parmi d'autres bâtiments, par l'un de ces financements

La Maison de Dreyfus est classée monument historique par arrêté du 30 décembre 1987, modifiée par arrêté du 27 juin 2000.

 

                                       Case d'Alfred Dreyfus sur l'île du Diable (Îles du Salut)

Né le 9 octobre 1859 à Mulhouse, Alfred Dreyfus est le benjamin d'une famille alsacienne de confession juive. Fils d'un industriel prospère, celui-ci décide de quitter l'Alsace après l'invasion et l'annexion de l'Alsace par la Prusse en 1871 pour se réfugier à Carpentras. La défaite et l'humiliation des troupes françaises auraient influencé la vocation militaire du jeune Alfred.

Il poursuivra ses études en étant interne au lycée Chaptal puis au collège Sainte-Barbe à Paris avant d'être reçu à l'école polytechnique afin de faire une carrière militaire. Après deux ans à l'école d'application de Fontainebleau comme sous-lieutenant d'artillerie, il est affecté en 1882 comme lieutenant, d'abord au 31e régiment d'artillerie du Mans, puis aux batteries à cheval de la 1e division de cavalerie de Paris. Promu capitaine en 1889, il est nommé directeur-adjoint de l'école centrale de pyrotechnie de Bourges.

Préparant l'école de guerre, il y sera reçu en 1890 pour en sortir deux ans plus tard avec la mention très bien. Il sera affecté successivement dans plusieurs bureaux de l'état-major. Sur le plan personnel, c'est aussi en 1890 qu'il épouse Lucie Hadamard avec laquelle il aura deux enfants : Pierre né en 1891 et Jeanne, née en 1893.

En septembre 1894, le service de renseignements français, alors appelé section de statistiques, intercepte un Bordereau d'envoi manuscrit non signé faisant état de transmission de documents secrets intéressant la Défense nationale à l'attaché militaire allemand Maximilien von Schwartzkoppen. L'enquête rapide menée par le commandant Paty de Clam aboutit, en raison d'une vague ressemblance d'écritures, à l'arrestation du capitaine Dreyfus le 15 octobre. Malgré ses dénégations, Alfred Dreyfus est condamné le 22 décembre 1894, par un Conseil de guerre siégeant à huis clos, à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée. Le 5 janvier 1895, il est dégradé lors d'une cérémonie dans la grande cour de l'école militaire à Paris.

Il est embarqué le 22 février 1895 sur le navire La-ville-de-Saint-Nazaire à destination de la Guyane où il arrive le 12 mars dans la rade des Îles du Salut et ne sera débarqué que trois jours plus tard sur l'île Royale. Transféré sur l'île du Diable le 14 avril 1895, il y séjournera jusqu'au 9 juin 1899 suite à la décision le 3 juin 1899 par la Cour de Cassation d'annuler le jugement du 22 décembre 1894 et de renvoyer Dreyfus devant un nouveau Conseil de guerre à Rennes. Celui-ci est à nouveau jugé coupable le 9 septembre 1899 et condamné, avec circonstances atténuantes, à dix ans de détention. Épuisé physiquement et moralement, Alfred Dreyfus décide de ne pas faire appel et accepte, le 19 septembre 1899, la grâce du nouveau président de la République Emile Loubet.

Durant cette affaire Dreyfus, et alors que l'intéressé est détenu sur l'île du Diable, l'opinion française se divise, et particulièrement dans la presse, entre les Dreyfusards soutenus par les républicains radicaux et socialistes jaurésiens, et les anti-Dreyfusards encouragés par les conservateurs, les modérés et l'église catholique. Émile Zola, écrivain - journaliste et romancier, publie dans le journal l'Aurore le 13 janvier 1898 un article en première page intitulé "J'accuse ...! " adressé au président de la république Félix Faure. Cet article virulent en faveur de l'innocence de Dreyfus aura un énorme retentissement et vaudra à son auteur d'être condamné pour diffamation à un an de prison. Ce coup de sang d'Émile Zola survînt après que le véritable traître, le commandant Walsin Esterhazy, rédacteur du bordereau d'envoi manuscrit, ait été découvert, jugé par un Conseil de guerre le 10 janvier 1898 et acquitté. 

En 1903, une nouvelle enquête est déclenchée notamment suite aux interventions répétées de Jaurès à la Chambre, qui aboutira en mars 1904 à une Décision de la Cour de cassation qui accepte la demande en révision du procès de Rennes pour faits nouveaux. La Cour de cassation décidera le 12 juillet 1906 de casser le jugement de Rennes sans renvoi, en considérant que "rien ne reste debout de l'accusation portée contre Dreyfus".

Alfred Dreyfus est réhabilité et réintégré dans l'armée avec le grade de chef d'escadron (commandant) et promu chevalier de la Légion d'honneur le 21 juillet 1906. Ayant pris sa retraite en 1907, il servira durant la première guerre mondiale et sera élevé au grade de lieutenant-colonel dans la réserve et officier de la Légion d'honneur le 11 septembre 1919 lors d'une cérémonie dans la cour des Invalides. 

Alfred Dreyfus meurt à Paris le 12 juillet 1935 à l'âge de 76 ans et repose au cimetière Montparnasse.

 

                            La Tour Dreyfus à la pointe des Roches à Kourou avec, au large, les Îles du Salut.

Informé de l'arrivée prochaine aux Îles du Salut d'Alfred Dreyfus, le gouverneur et l'administration pénitentiaire avaient entrepris de réaliser des travaux afin de sécuriser la détention du célèbre déporté. Outre la case en pierres sur l'île du Diable devant abriter Dreyfus qui nécessitait d'être rapidement refaite, une ligne téléphonique fut établie entre le bureau du commandant supérieur sur l'île Royale et les postes des surveillants chefs sur l'île Saint-Joseph et sur l'île du Diable. Un télégraphe optique fut aussi construit sur le point le plus haut de l'île Royale afin d'avoir une liaison avec celui du pénitencier de Kourou installé aux Roches. Le pénitencier des Roches était, lui, relié à Cayenne et au Maroni par un fil télégraphique terrestre.

Avisé par le gouverneur de la Guyane dans un courrier du 9 août 1895 de la fin des travaux, le ministre des colonies par une dépêche datée du 27 septembre de la même année donnait son entière approbation aux mesures prises pour assurer le fonctionnement de ces deux services, et témoignait de toute sa satisfaction à M. Raux, commis principal, pour l'intelligence et le zèle dont il a fait preuve en dirigeant ces travaux.

D'autres constructions furent mises en œuvre sur l'île du Diable comme la case-caserne devant abriter les surveillants et un mirador attenant d'environ 10 mètres de hauteur. Au sommet de la plateforme couverte, le gardien-vigie avait une vue directe sur la case de Dreyfus et était équipé d'un canon hotchskiss - canon à tir rapide ou canon révolver - installé de manière permanente au cas où une embarcation suspecte s'approcherait trop de l'île (voir croquis de Jean Hess ci-dessous).

Dreyfus a occupé deux cases durant sa détention. La première se trouvait sur le mamelon sud de l'île et l'occupa du jour de son arrivée le 14 avril 1895 jusqu'au 26 août 1897. Il occupa la seconde, un peu plus grande, située un peu plus haut, de cette date jusqu'à son départ le 9 juin 1899. Suite à des rumeurs d'évasion, il sera soumis chaque nuit au supplice de la double boucle (fer entourant chaque cheville) du 6 septembre au 21 octobre 1897. Si la première partie de sa détention était un peu plus souple avec autorisation de se promener accompagné d'un surveillant de sa case jusqu'au bord de la mer, il n'aura plus droit à ces promenades durant la seconde. En effet, une palissade de 2 mètres sera construite entourant sa case et ne lui laissant qu'un maigre espace pour s'aérer mais ne lui permettant plus de voir la mer ni de bénéficier de la ventilation naturelle des alizés.

Seul sur l'île du Diable à l'exception des surveillants avec lesquels il n'était pas autorisé à parler, Alfred Dreyfus n'aura pas d'autres distractions que de remplir son journal quotidien aux pages numérotées, d'écrire à son épouse et sa famille - le courrier est contrôlé au départ comme à l'arrivée - et de lire des livres commandés au tout début à Cayenne. Il sera ensuite autorisé à commander des livres une fois par trimestre à Paris. Arrivé sur les îles du Salut avec un petit pécule de 1364 francs qui lui permettait d'améliorer son ordinaire (courrier, nourriture, tabac, livres). Son épouse Lucie pourvoiera rapidement à ses besoins financiers en lui adressant chaque mois un mandat de 500 francs.

La case de Dreyfus fut occupée quelques années plus tard en 1908 par Charles Benjamin Ullmo, enseigne de vaisseau, condamné à la dégradation militaire et à la déportation à vie par le premier Conseil de guerre maritime permanent de Toulon pour trahison le 22 février 1908. Il restera sur l'île du Diable jusqu'en mars 1923 avant d'être transféré à Cayenne ...

 

                                              Île du Diable - Carte postale 1904 (Edition Louis Lumière - Lyon)

Croquis réalisé par Jean Hess de l'île du Diable :

Jean Hess (1862-1926), ancien médecin de marine devenu journaliste-reporter, rédacteur au Figaro, fut envoyé en Guyane fin septembre-début octobre 1898, où il ne demeura que cinq jours, par le journal Le Matin afin de faire un reportage sur les conditions de détention du déporté Dreyfus. Son récit fut publié dans plusieurs articles à partir du 27 octobre 1898 dans ce journal. Le reporter a réalisé plusieurs photographies et croquis dont celui, ci-dessous, qui apparaît comme étant le plus détaillé.

 

 

Sources :

A l'île du Diable : enquête d'un reporter aux îles du Salut et à Cayenne : orné de nombreuses illustrations d'après les photographies de l'auteur Jean Hess (Manioc.org).

Bulletin de la Sabix (Société des amis de la bibiliothèque et de l'histoire de l'école polytechnique) : Les polytechniciens dans l'affaire Dreyfus,  par Hubert Lévy-Lambert (2006).

La détention du capitaine Dreyfus à l'île du Dible d'après les archives de l'administration pénitentiaire, par Marie-Antoinette Menier (Persée, 1977).

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commentaires

P
Bonjour. Je tenais à vous remercier pour le texte et surtout les iconographies. C'est Isac Papaud ( http://memoires-vivantes-ronce.over-blog.com/article-suzanne-proust-le-temps-retrouve-116777314.html) mon aagrand père qui gardait Dreyfus et il y a encore dans la maison de famille où j'habite, et où il a vécu, plein de courriers dans lesquels il parlait "du capitaine" ( interdiction de le citer) et des conversations qu'ils avaient ensemble; Voir des images de ces lieux m'a beaucoup ému. Grand merci ! :-)
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