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Météo en Guyane

24 décembre 2017 7 24 /12 /décembre /2017 09:57

Face à l'hôtel préfectoral à Cayenne, place Léopold Héder, on peut apercevoir deux grosses ancres de marine. Celles-ci sont les vestiges des pénitenciers flottants du bagne qui furent mis en place dans la rade de Cayenne et dans l'estuaire du fleuve Kourou durant la seconde moitié du XIXe siècle.

Aussi appelés "pontons", ces pénitenciers flottants étaient de vieux navires de guerre qui étaient utilisés comme prisons. Démunis de leur moyen de navigation, et ancrés à quelques encablures de la côte, ils avaient l'avantage de ne pas nécessiter un personnel important pour surveiller les condamnés et surtout de limiter les risques d'évasion. 

Les premiers bagnards en Guyane arrivèrent le 31 mars 1852 à bord de la frégate l'Allier en provenance de Brest. Composé de deux cent quatre vingt dix huit condamnés et de trois déportés politiques, le premier convoi débarqua aux Îles du Salut. A l'exception des Îles du Salut, les premiers pénitenciers et camps furent d'abord construits dans l'est de la Guyane, notamment à l'îlet la Mère, puis à Saint-Georges, à la Montagne d'Argent et sur la rivière La Comté (Sainte-Marie, Saint Philippe, Saint Augustin) avant d'être progressivement étendus à tout le littoral de la Guyane.

Quant au premier pénitencier flottant, le Gardien, il fut officiellement désigné sous l'appellation de "ponton hôpital" par le gouverneur Bonard en mai 1855. Premier ponton mouillé en rade de Cayenne, il fut suivi un peu après par le Castor à Kourou. Il y eut au total sept pénitenciers flottants rattachés au service pénitentiaire : le Gardien, le Castor, la Proserpine, le Cacique, la Chimère, le Grondeur et la Truite. Trente années s'écoulèrent entre la mise en place du Gardien, premier ponton en Guyane et le retrait de la Truite, dernier pénitencier flottant dans la rade de Cayenne en 1885.

 

Ancres de marine devant l'hôtel préfectoral à Cayenne, vestiges des pénitenciers flottants de l'époque du bagne en Guyane.

Mise en service en 1847 par les chantiers de Nantes, la corvette la Durance  gréée en trois-mâts barque arriva en rade de Cayenne le 13 février 1855 en provenance de Brest. Ce bâtiment de la flotte changea de nom lorsqu'on le destina à servir de ponton ; on le nomma le Gardien. Il fut officiellement désarmé le 7 mai 1855 sur décision du gouverneur et placé sous le commandement deux jours plus tard du capitaine du port de Cayenne, devenant le quatrième pénitencier. Celui-ci comprenait à la fois le Gardien et l'atelier de la geôle de Cayenne. Trois sœurs hospitalières de Saint-Paul de Chartres furent affectés au soin des malades sur cet hôpital flottant.

Outre le commandant, le chirurgien, un détachement de soldats de l'infanterie de marine, des surveillants et des matelots hébergés sur ce ponton, les transportés - bagnards condamnés à au moins cinq ans de travaux forcés par une cour d'assise - devaient aussi armés plusieurs canots pour les allers-retours entre le pénitencier flottant et le port de Cayenne.

Ces bagnards avaient la charge d'effectuer les travaux les plus pénibles pour la direction du port, le magasin général, les ponts et chaussées, les autres administrations qui le demandaient ainsi que pour les particuliers. Dans ce dernier cas, le travail était rémunéré au tarif fixé par le gouverneur et reversé à la caisse de la tranportation.

Le ponton le Gardien fut semble-t-il le premier touché par l'épidémie de fièvre jaune dès le 18 mai 1855. Celle-ci se répandit à Cayenne avant d'atteindre quelques mois plus tard toute la colonie. Ce pénitencier flottant fut alors évacué quelques temps avant de retrouver sa fonction de prison flottante jusqu'en 1861.

L'aviso à roue le Castor, lancé et armé en 1831 à Lorient, fit le trajet avec les voiles entre Lorient qu'il quitta le 28 décembre 1854 et la Guyane pour terminer sa carrière comme pénitencier flottant. Positionné en avril 1856 à environ deux kilomètres face à l'estuaire du fleuve Kourou, et débarrassé de sa machine à vapeur et aménagé en prison, il hébergea en premier lieu les transportés notés pour leur mauvaise conduite. 

Par la suite, il accueillit les bagnards travaillant sur les chantiers forestiers du quartier de Kourou. Ceux-ci débarquaient le matin et rentraient le soir à bord. Vingt immigrants africains étaient affectés au service, avec leurs embarcations entre le Castor, l'île Royale, le bourg de Kourou et le chantier des Trois-Carbets. Mais ce ponton le Castor a sombré en 1860 dans le Kourou.

Un autre ponton la Proserpine vint compléter le pénitencier flottant le Gardien en 1857. La frégate Proserpine, construite en Angleterre, fut capturée le 27 février 1809 devant Toulon par les frégates françaises la Pénélope et la Pauline. Elle sera ensuite utilisée par la flotte française jusqu'en août 1856 où elle appareillera de Toulon pour se rendre à Cayenne. Ce pénitencier flottant sera utilisé de 1857 à 1865 en rade de Cayenne avant d'être évacué, démoli et remplacé par le Cacique.

L'aviso à roue la Chimère, de même type que le Castor, construit et lancé en 1833 par les chantiers de Lorient, servit de pénitencier flottant en Guyane entre 1861 et 1871, tout comme son alter ego le Grondeur, qui fut lui-aussi utilisé comme prison flottante dans la rade de Cayenne entre 1862 et 1871.

La frégate à roue (vapeur) le Cacique, remplaça la Proserpine en 1865. Lancé en 1843, elle finira comme ponton à Cayenne de 1865 à 1868. Ce pénitencier flottant coula le 26 décembre 1868 en rade de Cayenne (Cf. histoire racontée dans le paragraphe suivant).

Un seul pénitencier flottant, la Truite, subsista en rade de Cayenne jusqu'en 1885, année où il fut abandonné en raison de sa vétusté. Il ne restait à ce moment qu'une soixantaine de transportés à bord servant au batelage dans la rade et aux travaux du port.  

 

Le naufrage du ponton le Cacique fut raconté dans le journal le Figaro du 15 février 1869 sous la plume de Georges d'Orgeval. Cette information fut d'abord publiée dans le Journal officiel du samedi 13 février par cet entrefilet :" Le pénitencier flottant le Cacique, mouillé sur rade de Cayenne, a subitement coulé bas le 26 décembre ;  plusieurs transportés ont péri malgré les secours les plus prompts. L'amiral, ministre de la marine, a ordonné une enquête sur un évènement que rien ne faisait prévoir et dont les causes ont besoin d'être recherchées".

L'article du Figaro relatait ce naufrage en ces termes :" Le Cacique est l'un des trois pontons qui sont mouillés en rade de la rivière de Cayenne ; c'est une ancienne frégate à vapeur et à roue, démâtée, construite en 1842, et qui sert aujourd'hui de pénitencier flottant. Quatre cent cinquante prisonniers, tous repris de justice, en rupture de ban, sont renfermés dans ce ponton pendant la nuit, et le jour sont débarqués pour être mis à la disposition du génie pour les constructions publiques, des ponts et chaussées et des travaux de propreté.

En même temps que la nouvelle de cette catastrophe arrivait au ministère, le bureau des constructions maritimes recevait le rapport du dernier trimestre 1868, qui constatait le bon état du ponton et la plus grande sécurité qui régnait à bord. Malgré cela, des réparations importantes étaient faites dans la partie babord. Le 26 décembre (1868) dans l'après-midi, à l'heure du repas, tout le personnel, composé du lieutenant de vaisseau commandant les trois pontons, des officiers, sous-officiers, surveillants et détenus, se trouvait à bord, lorsque le ponton s'engloutit subitement.

Tous se sauvèrent à la nage, sauf vingt quatre détenus subissant dans des prisons cellulaires des punitions disciplinaires. Dix d'entre eux périrent engloutis par les flots, sans que l'on ait eu le temps de leur ouvrir leurs cellules, et les quatorze autres auraient pu être sauvés s'ils n'avaient pas profité de leur évasion pour se livrer au pillage.

Le résultat de l'enquête, qui ne tardera pas à être connu, donnera la cause de ce sinistre que l'on attribue aux tarets(*). Quelques détenus ont fait preuve, ainsi que quelques uns de leurs gardiens, d'une grande énergie et d'un grand courage en sauvant leurs camarades. Un rapport, adressé prochainement au ministère de la marine, mentionnera leurs noms. 

La sécurité des habitants, en général si mal prévenus en faveur des prisonniers, n'a pas été troublée un instant ; tout l'effectif du Cacique a été installé dans un pénitencier en construction dans la ville. Ainsi l'inauguration de ce pénitencier aura lieu plus tôt qu'on ne l'espérait pour la plus grande sécurité des condamnés, et hâtera l'abolition des pénitenciers flottants résolue en principe de très longue date. A quelque chose malheur est bon".

(*) Tarets : Mollusque bivalve qui creuse des galeries dans les bois immergés.

 

Aquarelle de la Frégate anglaise La Proserpine, après sa capture le 27 février 1809 par la flotte française,  du peintre Antoine Roux père (1765-1835). 

Sources :

Bulletins officiels de la Guyane française.

La Guyane Française, Notes et souvenirs d'un voyage exécuté en 1862-1863 par Frédéric Bouyer, capitaine de frégate.

La Fièvre jaune à la Guyane avant 1902 et l'épidémie de 1902 par M. A. Garnier, médecin principal de 2° classe des troupes coloniales.

La Flotte de Napoléon III (site Internet : Dossiersmarine.org).

Journal le Figaro du 15 février 1869.

La Guyane Française en 1865 par Léon Rivière, directeur de la banque de la Guyane française.

 

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commentaires

L
Bonjour, <br /> Les ancres devant la préfecture portent-elles le nom des navires auxquels elles appartenaient ? Merci.
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P
Bonjour,<br /> Non, je ne crois pas. Mais la question est pertinente et je regarderais de plus près lorsque je passerais dans le coin.
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